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CIA-RDP80-00926A005000030014-0
Release Decision:
RIPPUB
Original Classification:
C
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304
Document Creation Date:
December 22, 2016
Document Release Date:
October 26, 2012
Sequence Number:
14
Case Number:
Publication Date:
June 11, 1952
Content Type:
REPORT
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Attachment | Size |
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Editions Sociales
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LA POLOGNE
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DEMOCRATIES POPULAIRES
ThijA PARU :
L'Albanie, par Pierre COURTADE.
Tchecoslovaquie, carve/our de l'Europe, par Madeleine
BRAUN et Robert CRAMBEIRON:
Naissance crane Allemagne d?cratique, par Jacques
NicoLLE (preface de J. Bructioz).
Roumanie, un des chan tiers de la vie no-uvelle, par
Joseph DUCROUX (preface de G. COGNIOT).
Ging sentaines chez les horntnes libres, par Helene
PARMELIN.
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JEAN NOARO
LA POLOGNE
E DITIONS SOCIALES
64, boulevard Auguste-Blanqui
PARIS (XIII?)
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ft a eh; tire de cet ouvrage
frenle-cinq exemplaires sur papier alfa mousse
1114MerOieS de i35.
Tous droitb de reproduction, d'adaptation et de traduc ion
r6ser4, pour tons les pars.
Copyright 1951 by Editions Sociales, Paris.
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(
A laMdmoire de mon pre,
Pierre lioAR0,
qui jut un ouvrier.
A ma mere,
Angele NOARO.
nee RENUCCI-BILI.
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PREMIERE PARTIE
L'EF'OPEE VARSOVIENNE
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CHAPITRE PREMIER
LA VILLE ASSASSINEE
Pologne d'hier et d'aujourd'hui.
L/ANION est au-dessus d'une mer de nuages toute
blanche, blanche comrne la neige ne peut pas l'etre.
Le del uniment bleu est naturellement sans nuage
puisque les nuages sont au-dessous; et puis il y a le
soleil qui s'en paye a brill& de tous ses rayons, dans
un espace illimite et immobile; et il y a cet avion, cc
batiment sans roulis ni tangage, que je ne vois avan-
cer avec regularite que par la projection de son ombre
sur les &endues blanches et douces d'en dessous et que
je ne sens vivant que par le bruit egal de ses moteurs.
On se mettrait l?a joue contre la vitro du hublot, a
ne penser a rien, a vivre comme tournent les moteurs
de l'avion. Ce serait, d'ailleurs, du repos. Mais il n'est
pas possible de ne penser h rien lorsqu'on se rend en
Pologne, meme pour la septieme lois, et surtout lors-
qu'entre la sixieme et la septieme il s'est ecoule vingt
mois.
j'arrivai pour la premiere fois en Pologne en avril
1946.
Que savais-je de la Pologne la veille encore ? Des
histoires h la Marie Leczinska et a la Stanislas Leczinski.
Mais je connaissais Mickiewicz, l'ami de Michelet et
d'Edgar Quinet. Des Polon ais avaient pris part h la Re-
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LA POLOGNE
volution de 1848 et d'autres avaient ete des combattants
de la Commune. Pologne partagee trois fois. Pologne tou-
jouts vivante au coeur de ses enfants. Pologne retablie
dans son rang et ses privileges de nation. Mai% aussitat
Pologne trahie par la clique des socialistes nationalistes
qui eurent nom Pilsudski et Beck.
En 1831, en 1848, en 1863, ii y avait en les emigrations
politiques. Apres 1919, alors que la Pologne etait resti-
tuee a ses enfants, il y cut cette honte, pour les gouver-
nants polonais d'alors, de l'emigration de la faim. Car
la Pologne demeurait livree aux capitaux &rangers et
aux grands proprietaires terriens qui etaient aussi bien
Prussiens que Polonais. Le paysan demeura_it sans terre ;
ii ne pouvait etancher sa soif de terre dans la patrie
retrouvee et qu'on faisait crude a la majorite de ses
enfants Il ne pouvait satisfaire sa faim. Soil de terre et
faim de pain, faim de pain et soil de terre, cela se tient.
De son pays transforme en un immense marche de
main-d'ceuvre, le paysan partait ; ii vendait sa force
de travail aux maquignons etrangers. II allait man-
ger le pain amer de l'exil, souvent saupoudre de l'injure
xenophobe. Mais c'etait d? du pain blanc gagne au
milieu de ses freres de travail et d'exploitation, des Fran-
cais, des Nord-Africains, des Italiens, des Espagnols.
Les classes gouvernantes polonaises eurent tous les
torts qui depuis 1934 flirterent avec Hitler et qui en 1938
refuserent par anti-communisme de permettre a l'Armee
Rouge de traverser, le cas echeant, le territoire polonais
afin d'aller prendre ses positions face aux troupes nazies,
et ce pour tine defense commune. Nos diplomates et nos
gouvemants abandonnerent l'Est europeen a la rapacite
hitlerienne; us userent de tous les moyens pour favoriser
l'agression contre l'U.R.S.S. ; Daladier signait Munich;
Bonnet signait avec son compere Ribbentrop la decla-
ration du 8 decembre 1938 ; tous ces coquins, de concert
avec leurs complices anglais, faisaient echouer les conver-
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LA VILLE ASSASSINiEE
sations de Moscou. Quant a la. Pologne, elle ouvrait
pratiquement ses frontieres a un ennemi qui avait decide
de la rayer une bonne fois pour toutes de la carte
?du monde. Tout cela cofita fort cher au peuple frangais
et plus cher encore au peuple polonais. je ne park pas
des sacrifices que les peuples de l'U.R.S.S. eurent h
consentir pour sauver ensuite le monde de l'hitlerisme.
,Pologne colonisee.
LA Pologne d'avant-guerre etait, elle est encore, un
pays de forte densite demographique. L'accroisse-
rnent de sa population se faisait a un rythme considerable.
En France, h l'arrivee des immigres polonais, la reaction
des braves gens etait chauvine. ? Es viennent nous
enlever le pain de la boucle parce que, chez eux, II n'y
en a pas assez pour tous : us sont trop. Qu'ils fassent
done moms d'enfants et qu'ils restent chez eux. ? La
Write etait que les immigres polonais, comme les
autres, seraient volontiers restes chez eux mais qu'fis n'y
pouvaient rien : c'etait la structure economique capi-
taliste de Pologne et d'ailleurs qui les forgait h l'exil.
Les campagnes &talent surpeuplees et le revenu de
l'agriculture par habitant derisoire. Cette agriculture
ignorait l'engrais chimique et les machines. L'ecoulement
des produits se faisait mal dans un pays oa le pouvoir
(Vachat des masses etait bible. Les gros producteurs
et les intermediaires se rabattaient sur l'exportation. L?
ii fallait compter sur la concurrence etrangere ; autant
dire que cette exportation payait mal. Cela ne faisait
qu'ajouter h. la misere du peuple.
L'element urbain comptait assez peu dans la vie polo-
naise d'entre les deux guerres. L'industrialisation de la
Pologne ne se faisait qu'a un rythme fort lent. Encore ne
voyait-on se developper quelque peu que les industries
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LA POLOGNE
du secteur primaire : mines extractions diverse% matie-
res premieres. Tres pen (1 industries de transformation et
de repartition on de distribution. Pourquoi cela ? Parce
que le capital etranger exploitait la Pologne comme tine
colonie. La Pologne appartenait fres pen aux Polonais,
fres pen memo & ceux des Polonais de l'aristocratie et
de la bourgeoisie bancaire qui la vendaient aux affai-
ristes araericains, francais.
A partir de 1924, ces affairistes consentirent ? a la
Pologne les emprunts que ron connait emprunt de la
voievodie de Silesie, 12 millions de dollars ? consent' ?
par la Chase Bank, emprunt de Varsovie de ro mil-
lions de dollars ? consenti ? par la Stone Bank de New-
York, emprunt de i milliard de francs ? consenti aux
chemins de for polonais par Schneider du Creusot, em-
grunt de six millions de dollars ? consenti ? an monopole
polonais des allumettes par les trusts suedois et amen-
cams, emprunt emprunt de 1,9 millions de livres ? consenti ? par
l'English Electric Co., emprunt du telephone polonais,
second emprunt des chemins de for, credit francais
? Rambouille 3 de 100 millions.
Ces capitaux n'etalent engages qu'a court terrne :
cela permettait aux trusts etrangers et a leurs Etats res-
pectifs de pratiquer sun les gouvemements polonais
d'alors on perpetuel chanta.ge economique et politique
ainsi que de faire de fres confortables benefices sur le
dos du peuple polonais : le rendement du capital aux
alentours de 1929-1930 atteignait parfois 68 et meme
74 % de la somme investie.
C.es capitaux etaient partout : clans le petrole, dans
l'electricite, dans les mines, dans l'industrie chimique,
dans les transports, dans le papier, dans le batiment,
clans les hotels, dans l'agriculture, dans l'alimentation,
dans le textile, dans la confection, clans la metallurgie.
Les usuriers de l'Occident etaient sur le corps de la
Pologne a mi sucer le meilleur de sa mode.
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LA VILLE ASSASSINEE T5
Etonnez-vous qu'ils crient a present contre la demo-
cratic, populaire et gulls la calomnient : elle les a chasses
de Pologne, elle les prive d'une partie de leurs profits,
elle a rendu la Pologne aux Polonais.
? gererent ? la Pologne pour leur plus grand profit.
us n'y autoriserent que la production des matieres pre-
mieres qui leur faisaient besoin. Ils freinerent l'essor de
l'industrie de transformation afin que la Pologne demeu-
rat pour eux un marche oii ecouler leur camelote.
Cette periode de 1919-1939 qui voit la Pologne livree
au capital &ranger, comme la France est aujourd'hui
livree au capital americain, n'a ete qu'une longue serie
d'empietements sur la democratie suivis d'un passage
rapide a la dictature du clan reactionnaire. En 1934. on
le sait, le fascisme s'installait officiellement dans la vie
polonaise... Comme ii essaie de s'installer auiourd'hui
dans la vie francaise.
La consequence de tout cela ? Dans la Pologne d'entre
les deux guerres, le chomage et la misere sevirent de
maniere constante, les conditions de travail pour qui
avait le bonheur de trava filer &talent inhumaines : ainsi
le dimanche ne comptait pas comme jour de repos et les
Polmais s'expatriaient. Cette emigration aussi etait pre-
meclitee par les tenants du capital exploiteur. Ainsi aux
capitalistes &rangers. la Pologne de 1919-1939 devait
servir des dividendes ; elle devait acheter les produits
manufactures qu'elle n'avait pas le droit de produire
elle-meme ; elle devait livrer ses matieres premieres ;
elle devait livrer son ? materiel humain ?. Elle n'etait,
de par la volonte de ses dirigeants aveugles par ranti-
communisme et l'antisovietisme, qu'un vaste foirail ou
les capitalistes etrangers maquignonnaient en toute
liberte. Et par la faute des memes, et parce que tout se
tient, elle allait devenir un vaste camp de deportation et
d'extermination.
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LA POLOGNE
Afais ii n'y a plus en Pologne de gouvemement des
Colonels. En Pologne, il y a un gouvernement de demo-
crates qui gouvernent par le peuple et pour le peuple, un
gouvernement et un people qui ne font qu'un dans la
reconstruction du pays.
tine revue que je lis m'apprend :
e Le jury charge de designer les candidatures au Prix
de la Paix, deceme par le Comite polonais des Parti-
sans de la Paix, et constitue de personnalites du monde
culturel et artistique, s'est reuni le 5 juillet. II a retenu
en premier lieu la candidature de la Ville de Varsovie,
en la personne du Syndicat des ouvriers du Batirnent,
du Syndicat des Ingenieurs et techniciens du Batiment,
et de l'Association des Architectes polonais. ?
Les constructeurs de la, Pologne popularre &client leurs
maisons, lours hopitaux, !curs &otos, leurs maisons de
repos, leurs ponts et leurs eglises et leurs musees a la
Paix.
Remarquez bien que dans l'enonce de la nouvelle que
je viens de transcrire, sant retenus comme candidats au
Prix de la Paix les ouvriers, les ingenieurs et techniciens,
les architectes. Ensemble et du memo cceur, avec le
menu, entlaomiasme, us out travail* a la me= ceuvre
de vie. Ensemble on les propose a la reconnaissance des
braves gens de Pologne et du monde entier.
Arrives a Varsovis (avril 1946)
EN 1946, j'avais atterri a Varsovie stir un aerodrome a
peine nivele. Les batirnents ? deux baraques. Un
caution a bache m'avait emporte en compagnie d'ou-
vriers travaillant a la refection du terrain. Des banes
de bois, des cahots, des sauts a droite, en avant, des sauts
dans tous les setts. Une veritable navigation par mer
tres dure, heurtee de vagues courtes et obstinees. je
regardais par la large ouverture arrondie de la bacl2e :
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LA VILLE ASSASSINEE 17
ruines, ruines, ruines encore et toujours, ca n'arretait
pas. Et ce fut ma premiere surprise : ces ouvriers, jeunes
et vieux. causaient entre eux, leur ton de voix etait nor-
mal et parfois, tous, us eclataient de rire. Alors, je regar-
dais leur figure jaune et creuse, herissee de barbe vieille,
je regardais leurs miserables vetements, un accoutrement
moitie civil, moitie militaire lies uns avaient des bottes
hitleriennes eculees, d'autres des sandales faites de chif-
fons et de ficelles, d'autres des especes de sabots a
sernelle de planche et a dessus de dra.p. Quant aux chaus-
settes, cela se voyait a travers les trous, ii n'y en
avait pas. Ton de voix caIme et uni. Le camion s'arretait,
une roue sur un tas de briques et les autres je ne sais
trop dans quelle ravine. Un type on deux sautaient,
? Dowizenia ! ? ? Au revoir ! ? Une plaisanterie. Un
?at de rire general. Je me demandais de ceux qui
etaient descendus parmi les ruines :
Mais o? vont-ils ? Oil est leur maison ? ? Leur
maison? II n'y avait pas de maison a des centaines de
de metres, a des kilometres a la ronde On vont us ren-
trer, manger, se coucher ? Eclats de rire et ton egal des
' voix, et ce camion, et ces habits, et ces cahots et cette
disparition des ouvriers ! Je compris que Varsovie
n'etait pas morte, que Varsovie revivrait. Et ce fut avec
man coeur gonfle d'une joie etrange, inexprimable,
qu'arrive au terminus je sautai a mon tour sur une place
en partie degagee. ? Dowizenia I ?Ii faisait nuit,
une nuit sans lumiere, mais lourde d'engagements. Je
no connaissais personne dans la vile et je ne me sentais
pas soul. Mon coeur battait de joie.
La ville assassinee.
I L y avait des pans de murs noircis de feu qui erigeaient
dans le ciel assombri leurs moignons; ii y avait
d'autres pans de murs amincis, n'en finissant pas de se
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LA POLOGNE
profiler au-dessus de La ruasse informe des chases ecrou-
lees, amoncelees a lour base et sous laquelle s'imaginalent
des cadavres. 11 y avait des facades restees seules comme
pour un decor hallucinant de cinema et qui avaient non
plus des fenetres mais des trous, 11 y avait au bout de je
ne sais quelle armature prodigieusement tordue de tiges
de fer d'immenses blocs de cinaent aeriens. II y avait
des reverberes a. la tige zigzaguante et aux lanternes mor-
tes. Ii y avait sur des places informes de plus grandes
accumulations de gravats, non plus de briques, mais
de pierres et d'oil sortait une colonne au bout de laquelle
tenait encore un morceau de corniche ou le triangle
alionge d'un fronton. La, c'etaient deux pilastres qui
supportaient les legeres et harmonieuses volutes d'une
grille en fer forge. Mais sur quoi s'ouvrait cette grille?
Ruines en deci, ruines au dela ! II n'y avait plus de
les parois que des arbres fracasses. II n'y avait plus de
trottoir, n'y avait plus de rue, il n'y avait que des sen-
tiers qui passaient parfois, pour slier plus vite a leur tin,
stir le corps des maisons et des edifices reduits a rien. Ca
passait a. travers colorants et cariatides, socks et balus-
trades, arriere-cours et hangars, c'etaient les mines qui
comrnandaient a lcur cheminement. Et l'on voyait
des clochers encore debout, des rondeurs d'absides even-
trees, des vierges miraculeusernent suspendues et comme
encore tenues en Fair par le geste de louts bras ecartes.
11 restait des couleurs de vitraux dans le trou Want des
rosaces ; II restait, sortis a moitie des decombres, que
les pluies avaient d? comrne arrondis, des rnorceaux de
candelabres a trois. a sept branches, des cloches que la
piete des gens avait desenfouies et posees sur un bati
de poutres a moitie rongees par le feu. Il n'y avait plus
d'eglises cathedrales ou paroissiales. Ii n'y avait que
fabriques crucifiees. Ii n'y avait plus de nefs, ni de tra-
yeas, d'arcades et de tabernacles, de mattres-autels et de
chapelles, de chceurs et de jubes. II n'y avait que la
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LA VILLE ASSASSINEE 19
marque de la mort, de la devastation systematique. Car
il se voyait parmi cet amoncellernent d'apocalypse des
imrnetibles restes intacts, des hotels restes intacts, des
bAtirnents publics restes intacts. La bete s'etait tenue l?
jusqu'au dernier moment. Tres methodiquement, tres
rationnellemmt, selon un plan longuement mOri et
etabli a l'avance, ii y avait eu la dynamite et il y avait
eu le tank et l'avion ; et pour aider au feu a clevorer plus
vite les maisons des homrnes, et leurs temples, et leurs
ceuvres d'art, il y avait eu les lance-flammes. Et l'on
abattait h bout portant les pompiers de Varsovie qui
s'essayaient a sauver, dans 1' immense brasier, des mor-
ceaux de pierre de leur ville.
Le !lyre de toutes les pertes.
IN IRE ce que cela faisait comme total toutes ces devasta-
tions ne scrait possible que par le moyen des chiffres.
Ii y a eu tant de maisons detruites, et tant d'ecoles, et
tant d'hOpitaux, et tant de ponts et tant d'eglises. je le
sais, il a ete etabli un grand livre de toutes les pertes
subies je connais ce repertoire de la malediction, cette
compta.bilite de la fureur et des epouvantes.
Des chiffres 1 Mais que veut dire un million de ceci
ou un million de cela ? Ti y a trop de chiffres dont on
use. On s'accoutume aux chiffres comme l'organisme
un vaccin. Cela finit par ne plus nen dire, ou nen fake.
Et puis a tous les chiffres auxquels je pense, II manque
la chose qui ne peut se payer, le coefficient des souffran-
ces endurees, le coefficient des douleurs, ce qui s'est
passe dans le cceur des meres, ce qui a tordu les entrailles,
les angoisses et les dechirements de trente-deux millions
d'etres humains, cette defresse universelle dont certains
qui vivent encore n'arriveront jamais a se Make. us
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20 LA POLOGNE
la portent dans la vie retrouvee sur les lignes de leur
visage et dans l'eclat de leurs yeux.
Et il n'y a pas dans ces etats des pertes htunaines et
materielles, les sursa.uts d'indignation, les courages et les
enthousiasraes, la volonte de sauver le pays et d'assurer
son independance.
Mais comme les chiffrts sont cependant eloquents I La
Pologne a perdu six millions et demi de ses enfants.
L'U.R.S.S. a perdu dix-sept millions des siens. Les
U.S.A. nen oat perdu quo deux cent cinquante mile.
Camps de concentration. Camps d'extermination,
Ce n'etait pas la memo chose
Les camps de concentration (Konzentrationsloger) ser-
valent au III? Reich comme instruments de terreur poli-
tique.
Les camps d'exterrnination (Vernichtungslager) ser-
valent au 111? Reich pour l'aneantissement complet des
elements sans valeta (ii s'agissait avant tout des Juifs).
Nuances.
II y avait aussi des camps de travail (Arbeitsktger) :
les prisonniers travaillaient douze et quatorze heures
par sour avec un repos d'une heure pour diner. Condi-
lions d'hygiene epouvantables. Pas de soins medicaux.
Nourriture insuffisante. Les chiens. Le cachot. On tuait
et on pendait pour lien. On pouvait y rester plus ou
moms longtenips. Plutfit plus que moms.
Camps de travail. Camps de concentration. Camps
d'extermination. Ce n'etait pas la meme chose I Nuances
atroces des mots. blacabres distinguo. Sinistre ironic
des hadustriels de la mort.
En Pologne, ii y eut Auschwitz.
11 y eut encore Chehnno, Belzec, Sobidor. Treblinka.
n y eut encore Birkenau, Majdanek...
11 y eut toute la Pologne.
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LA VILE ASSASSINEE 21
Les tragiques moments de Varsovie.
EN 1939, Varsovie ne fut defendue que par son heroi-
que population. D? s'organisait ainsi la resistance
populaire.
Des cette date, Varsovie ne fut qu'un abattoir, comme
Ia. Pologne entiere ne fut qu'un abattoir. On abattait les
Varsoviens au coin des rues, sur le pas de leur porte,
dans leurs maisons, dans leurs ecoles, dans leurs hopi-
taux, dans les rues et sur les places. On faisait des prole-
vements de population. On embarquait hommes, fern-
mes, enfants, sur un train qui ne revenait toujours qu'a
vide, a moms qu'il ne revint charg?e ce savon ou de
cet engrais que les hitleriens tirerent des cadavres encore
chaud des enfants, des femmes, des hommes. Le train
partait de Varsovie, comme d'autres trains partaient
de Paris, d'Amsterdarn, de Prague, de Bruxelles. ter-
minait son voyage sous le sinistre porche de Birkenau
on de Treblinka : les terminus.
Que sont devenus les 300.000 habitants du Ghetto ?
Grande partie d'entre eux demeure dans leur vine, sous
leur yule, sous la masse rnaternelle et chaude de toutes
ces,cboses qui ont ete des murs, des meubles, des livres,
des etoffes, des planchers, des ceuvres d'art ou des usten-
siIes de menage, des bercea.ux et des poupees, des tables
de jeu ou des objets du culte, des bijoux et des habits.
Grande partie d'entre eux Wont pas eu l'avantage de cet
ensevelissement. Ils ont eu a connaitre les horreurs
des trains de la mort, le stationnement ?il y avait tant
de inonge ! clevant les portes des chambres a gaz.
En avril 1943, ils etaient encore 5o.000 en vie. Les
50.000 se revolterent. Mourir en combattant et non
agenouilles, frapper le bourreau et non tendre le cou
son coutea,u. Ils n'avaient que des armes derisoires, et
qu'ils avaient forgees parfois eux-mornes. Les partisans
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22 LA POLOGNE
de l'Armee populaire et la population tout entiere de
Varsovie leur en avaient fait parvenir par les egofits,
tontine tout au long de quatre annees us avaient es.saye,
cur attunes, de donner A manger A ceux-la que les htit-
leriens avaient enfermes dans quatre immenses murs,
les coupant de tout, leur coupant les vivres et l'eau, et
l'electricite et le gaz.
us s'insurgerent. Du 18 avril au 16 inal, vieillards et
enfants unis, jeunes fines et femmes, juifs et non juifs.
Les egottts connurent des choses epouvantables et adtni-
rabies. us connurent les volontes obstinees des estafettes
et des porteurs de munitions. Sur leurs eaux epaisses
ftotterent les chevelures blondes et brunes des ieunes
files mortes an combat, tuees par les gaz asphyxiants.
Des 300.000 etres bumains dc x9y9, il n'en rests que
quelques centaines en mai 1943.
Des choses, ii no rests qu'une ruine tout unie, tante
plate, ob rien, sauf lute egle detneuree inta.cte, n'arre-
tait la vue. Les stukas, les tanks, les lance-flammes, les
grosses pieces diartillerie, avaient fait le travail comme
on await Pu le faire avec les mains. jamais des ruines
n'avaient cu cet aspect de terrain plat, de plaine de
gra.vais. Ce travail d'arasement porta stir deux kilo-
metres cants. Imaginons un carre de 1.500 metres de
cote et elevons sur cc terrain des maisorts a plusieurs
etages ; y ait des magasins, des cafes, des eglises,
des ecoles, des hopitaux et tine population de 300.000
Ames : en France, la vile de Bordeaux, par exemple.
En 1950, sur les decombres montent les immeubles
clairs d'une vile ot II n'y aura plus de Ghetto. Plus
de Ghetto, plus de ruines du Ghetto, rnais des fa?es
blanches, aux fenetres egayees de tout es leurs fleurs.
Apres le Ghetto, les hitleriens continuerent a faire de
Varsovie un abattoir ; us fusillaient toujours et en serie
sur la place et le long des rues, dans les pares et les
bois. us fusillaient plus que jamais. Ds se sentaient
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LA VILLE ASSASSINEE 23
perdus et ils se sentaient traques. Ii y avait a l'Est
l'Armee rouge. A l'Est, ii y avait eu Stalingrad. Et a
l'interieur, II y avait eu, des le premier jour, la resis-
tance des patriotes, celle du Comite d'initiative nationale
du Parti ouvrier polonais, des Bataillons paysans. des
Syndicats ouvriers, de la Garde populaire, des militants
socialistes, des representants de la presse illegale demo-
cratique, des organisations de medecins, de la Jeunesse
et des travailleurs juifs. Ii y avait eu aussi celle des
representants des Colonels et du faux Gouvemement de
Londres. L'antisovietisme animait seul cette seconde
resistance.
En juillet 1944, l'Armee rouge arrivait a Saska-Kempa,
un faubourg de la rive droite de la Vistule, et elle voyait
son offensive stoppee par un raidissement de la defense
nazie. fl y avait aussi pour les Sovietiques necessite de se
regrouper avant le passage du fleuve et de reduire la
longueur de leurs lignes de communication avec des
arrieres trop eloignes. Les hitleriens etaient dans la
pleine ville, sur la rive gauche du fleuve. C'etait l'epo-
que oa, en Pologne meme, un Conseil national de libe-
ration nationale exigeait une lutte a mort contre les
nazis, lutte a mener en liaison etroite avec l'Armee rouge.
C'etait l'epoque oa le faux gouvemement polonais de
Londres faisait ecrire dans ses joumaux que
les Allemands avaient cesse d'?e l'ennemi n?
que la lutte contre le communisme etait la seule
Cache et la plus important de l'heure et qu'il
fallait cooperer a une coalition antirusse.
s'agissait pour les reactionnaires polonais de ne
pas abandonner l'administration du pays libere au seul
Conseil national et de mettre la, main sur Varsovie avant
l'arrivee de l'Armee rouge. Aveugle par ces considera-
tions politiques, sans prendre l'avis ni le contact des
responsables des mouvements de resistance, sans s'oc-
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24 LA POLOGNE
cuper de l'aspect militaire de l'operation, sans s'en-
tendre avec le commandement sovietique qui se trouvait
retain de l'autre cote de la Vistale par des soucis tacti-
ques, sans jamais vouloir etablir avec ce commandement
des liaisons necessaires, le general Itor-Komorowski
declencbait l'insurrection. Dun seul elan, la population
tout entire repoudit a l'appel miserable. Ce Jut la troi-
sieme bataille de Varsovie. La premiere avait eu lieu
en septetnbre 1939. La seconde s'etait deroulee en avril-
mai 1943. En 1944, la Pologne subissait l'epreuve capi-
tale.
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CHAPITRE II
1946. - LA VILLE RENAIT
DE SES CENDRES
Le retour dans la ville.
DEJA lors de mon premier voyage, Varsovie avait ses
marchandes de fleurs. Deja. Varsovie jetait un deli
a. la mort. 20.000 habitants au lendemain de la lib&
'ration de la \dile, 474.000 habitants le ler janvier 1946,
615.000 en juillet 1949. Dans la ville liberee, en ruines,
les Varsoviens accoururent des les prerriiers jours. Es
venaient de loin. La oa us &talent, us avaient un abri, us
avaient a manger, ils avaient de l'eau a boire, us avaient
du bois pour se chauffer. us abandonnerent toutes ces
certitudes. Es vinrent de Podolie, de la Mazovie proche,
de la Kujavie. Tous voulurent retrouver leur ville au plus
vite et Iii redonner d'abord la chaleur de leur propre
existence. Es se mirent sur les routes labourees par la
guerre, oa passaient les convois liberateurs, oa passaient
les files interminables et affaissees des Allemands pri-
sonniers Es allaient a pied car ii n'y avait plus de
chernins de fer et plus de chevaux. Es allaient lourds
de leur barda arrondi sur l'epaule, us allaient tous ainsi,
femmes, vieillards, enfants. Les jeunes gens et les
hommes valides, beaucoup de femmes aussi, se battaient
toujours, decides qu'ils &talent, eux, d'arriver a Berlin.
Es arriverent en face de leur ville. Avec quels regards
ils darent la voir. [is entrerent et us chercherent une
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26 LA POLOGNE
rue. Ils ne trouverent rien chercherent encore. Ils
fmirent par trouver. A la place de Ia maison, c'etait
la carcasse d'un lit de fer ernergeant des ruines et de la
neige. Alors its pleurerent et l'on m'a dit que leurs
larmes etaient des larmes de joie. Its occuperent des
beaux demobs, sans ferketres, sans can, sans lumiere,
souvent sans toit, sans portes et sans feu. us commen-
cerent d'eux-rnernes, brique apres brique, a deblayer.
Ils mi rent les briques par tas. Les vieilles briques allaient
servir a faire les maisons nouvelles. Avec leurs mains,
its deblayerent. us n'eurent comme premiers outils que
leurs mains. Its ne perdirent den. Ils savaient que tout
servirait a reconstruire la ville.
Aux heures de repos, en cc temps-la. Varsoviens et
Varsoviennes s'en allaient a travers la vale lentement.
us regardaient chaque mine en silence. us semblaient
evaluer les richesses perdues et la somme de travail
qu'il faudrait pour tout remettre debout. Sur les levres,
a.fiteuraient les noms des quartiers, Marienzstadt, Nowy-
Swiat, Wola, Mokotow, Czeriakow, Marymont, Stare
Miasto, le Ghetto, at les nom des pares, des grandes
arteres, des pants, Lazienki, Marsealkowska, Ponia-
towski. Its allaient ainsi, les Varsoviens et les Varso-
viennes, aux heures de leur repos. Puis, dans la nuit qui
venait, lbs rentraient dans leur cave, dans leurs chain-
bras aeriennes, dans lour rez-de-ehaussee sans porte
at sans fenetre, o ii n'y avait pas d'eau, pas de gaz, pas
d'electricite, pas de meubits, ou seulement des morceaux
de meubles. Aucun disespoir n'etait dans leur cur.
Transports 1946.
PRAGA et Saska-Kempa avaient done conserve a peu
pres leurs pavilions at lours villas, aux murs constel-
les d'eraflures de balks. En 1946, vivait la une grande
partie des 250.000 Varsoviens rentres. Cela faisait, entre
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1946. - LA-VILLE RENAIT DE SES CENDRES 27
la rive droite et la rive gauche, un va-et-vient qui n'en
finissait pas. Tous les ponts avaient saut?endant la
guerre, les derniers en 1944. Un seul pont de bateaux
monte par l'Armee rouge assurait, an temps je panic,
le passage d'une rive a l'autre des pietons et des vehi-
cules. Pas assez large, ce pont de fortune etait neces-
saireinent a sens unique, ce qui voulait dire qu'une
colonne de pietons, de camions, de voitures legeres, de
caleches, de ? wozy ? (ces charrettes polonaises au
profil triangulaire montees sur des troncs d'arbre a peine
equarris, trainees toujours par un seul animal) atten-
claient sur la rive droite de longs quarts d'heure qu'une
file heteroclite venue de la rive gauche ait fini de
passer. Le pont demeurait un instant degage, puis le,
mouvement se faisait alors dans l'autre sens. Ce n'etait
pas beau, car ni les camions Iii les voitures n'etaient
neufs, les wozy etaient antiques et leurs pieces ajustees
parfois avec des cordes. Les chevaux qui les trainaient
n'Otaient que carries demesurement etiques et poilues.
Quant aux gens, leur mine etait terreuse et les habits
et les chaussures indefinissables.
je vois encore de ces femmes emergeant des ridelles
pleines des wozys, la tete et la taille recouvertes on
d'un ciale ou d'une couverture, ou d'une capote "de
soldat. Je voulais voir sur les visages de la tristesse. Ii
ne s'y trouvait que patience. Il etait evident qu'au cows
de cinq annees de domination hitlerienne, et de lutte on
en avait vu d'autres. On avait le temps. On pouvait,
sans s'enerver, mettre une heure et plus pour se rendre
des faubourgs de la rive droite a ce qui representait le
centre de la ville.
Ce probleme des transports avait ete un grand pro-
bleme pour la capitale et la Pologne entiere. Une armee
d' invasion qu'essaie de contenin une armee nationale
impuissa,nte, une armee de liberation qui refoule une
armee folle de sa (Waite. Ce flux et ce reflux avaient
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28 LA POLOGNE
Laboure champs et villes et villages, avaient fait sauter
tout l'appareil routier et fenoviaire. Et comment recons-
truire n'est pas facile d'apporter materiaux et ou-
vriers a. pied d'eeuvre ?
11 fallait voir la place de la Gare en ces soirs d'avril
1946. C'etait un pare a. vehieules de toutes les tallies,
de toutes les marques, de tous les gabarits, de toutes les
forces, hippomobile ou a. moteur. Tout cela au repos,
cochers et chauffeurs sommeillant dans des manteaux
de prehistoire. Mais a la srrtie des magasins, des fabri-
ques, des bureaux, des chantiers, la place etait envahie.
Hommes et femmes grimpaient sur n'irriporte quoi, s'ac-
crochaient a. n'importe qui. Le vehicule demarrait avec
peine. On rentrait chez soi, ce chez soi qui m'intriguait,
dont je n'arrivais pas a cornprendre o?i pouvait se
trouver.
11 y avait des trams dans deux ou trois directions,
des vieux, des temps anciens, sans vitres ou avec des car-
rea.ux de Ivis, des boites metalliques eraillees, decolorees,
grincantes et auxquelles, avec ma manie des symboles,
il moplaisait de trouver un air triornphant.
Ii y avait des autobus neufs, cornme je n'en avais
jamais vus en France. II y avait des trolley-bus neuis
comme je n'en avait jamais vus en France. C'etaient
des cadeaux faits par VU.R.S.S. an lendemain meme
de la li1:4ration.
S'il se decouvrait, dans les rues qui se pretaient
la circulation, des voitures automobiles convenables,
ctetaient celles du Corps Diplomatique. Encore. ne fal-
lait-il pas etre difficile. L'ambassadeur de France dis-
posait &tine espece de grande limousine noire qui faisait
vraiment corbillard do campagne.
Pen de rues degagees. Un soul pont. Un nombre consi-
derable de pietons. Et ces vehieules dont je pariais plus
haut. Pourtant, tres peu d'agents pour diriger la cu-
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1946. - LA VILLE RENAlT DE SES CENDRES 29
ciliation. En vingt jours, j'ai fini par les connaitre tous
et toutes. Car il y avait des miliciennes qui veillaient aux
carrefours, des jeunes femmes qui avaient commence
par servir dans l' Armee populaire et qui etaient restees
sous les drapeaux. j'en vois toujours une, droite sur
son socle, bien prise dans sa capote, sanglee comme pas
44, un visage jeune et rose, des cheveux blonds et drus
s'eyadant coquettement d'une casquette carree, posee
sur le cote gauche. Le geste classique des bras qui
disent la direction, des gants blancs, un sourire. Et aussi,
en bandouliere ou tombani le long du corps, la mitrail-
lette. Car rien n'etait idyllique dans la Pologne de 1946.
Merchandises et marches.
EN fait de boisson a table, il ne se consommait que de
l'eau bouillie. La vodka etait assez chere (Mj?t il
s'en vendait de la mauvaise a la sauvette. Pain blanc,
pain noir, mais non toils les jours de la semaine.
Viande rare : le cheptel avait ete decime.
N'allez pas croire a la complete rarefaction des deli-
rees. Nous &dons, au temps dont je vous parle, en 1946.
La liberation de la ville datait de janvier 1945. Que ne
ferait-on pas en quinze mois dans la Pologne d'aujour-
? d'hui ? yetais donc emermille de voir dans les vitrines
de la Marszalkowska des masses immenses et colorees de
? viande crue ou fumee, de poisson sale ou frais, des mon-
tagnes de beurre et d'invraisemblables etalages de ga-
teaux, Rare etait la semaine oft les sacs de la valise de
notre ambassade ne contenaient pas deux ou trois jam-
bons ou quelques saumons roses, car en France, n'est-ce
pas, a cette ?que, ce n'etait pas l'abondance. Nous
en &ions encore aux tickets de toutes sortes, que nous
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30
. LA POLOGNE
devious conserver plus longtemps que la Pologne o?
les services du rationnement disparurent des janvier 1949.
Toute marchandise avait deux prix, un prix impose,
et dont beneficiaient, pour tine certaine quantite de mar-
chandises, taus les travailleurs, et un prix libre. Autant
dire que ceux qui avaicnt de l'argent. que ceux qui arri-
vaient pax un moyen ou par un autre a gagner beaucoup
d'argent, pouvaient bien vivre. Les victuailles dont je
parlais a l'instant n'etaient pas pour tout le monde. Ce
marche noir officiel ne profitait qu'a quelques-uns, et
d'abord a ces marchands qui, aujourd'hui, acccrent
si mal, et pour cause, la concurrence du commerce
d'Etat. Alors, us etaient rayonnants dans leurs habits
et robes de bonne coupe. En 1950, je les retrouve dans
leurs memes habits, dans leurs metrics rez-de-chaussee,
sommairement arnenages, au-dessus desquels sont encore
les ruirtes des 4-Lazes et des toits. Leur mine est affiigee
aujourd'hui, les etageres, sont degamies. Fort pea de
chalands. Des quo vous ouvrez la parte de la boutique,
vos yeux tombent sur un crucifix ou tine image pieuse.
Vous dcmandez des pantoufles de Zakopane au un
corsage cracovien. On vous repond avec peu de grace
que la rnarchandise manque et l'on ajoute, en montrant
lc Christ : t Lui, nous protege, l'Etat nous assassine ?.
L'Eta,t, oui, qui ose vendre dans ses magasins toutes
sortes de chases utiles a la vie, mais a des prix defiant
et aneantissant toute concurrence.
Varsovie de 1946 n'etait qu'un vaste enarcbe. oil la
plus grande partie des operations se faisaient en plein
air. j'ai vu parrni les mines degagees quelque chose qui
faisait penser a no autre age. A naeme le sal parfois
boueux, sous lc del, cc n'etait que baraques, loges
foraines, echoppes, etals, deballages. Toutes ces instal-
lations, souvent derisoires, s'ordonnaient par quartiers
le long de ruelles etroites.
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1946. - LA VILLE RENAIT DE SES CENDRES 31
Je me souviendrai toujours de ces &ranges marches.
Mais deja se clegageait d'eux la volonte de vivre. C'etait
mime, colore, bruyant. C'etait plein d'odeurs de plan-
tes, de viande, de friture, de charcuterie, d'odeurs de
cuir aussi : toutes les baraques, et des plus cossues, (1 une
alike etaient consacrees aux cuirs qu'on vous presentait
dans leur forme animale, en bleu outremer, en jaune,
en rouge, en vert.
Dans une autre ?Mee, ii n'y avait que poissons, bro-
chets, saumons, anguilles, grenouilles. Autour de tout
cela., ii y avait les ruines.
C'etait le temps, il faut le dire, oa chacun avait quel-
que chose a vendre et acheter. On vendait des mon-
tres et des alliances, des coffrets et des timbales, des
cameos et des cristaux, pour acheter aussitot apres de
quoi manger ou de quoi s'habiller. En temps ordinaire,
et tout au long des joumees, a meme les trottoirs de
la Marszalkowska, &talent &ales de ces objets familiers
en argent; en or, en vermeil. Cela etait encore marque
de terre, de chaux, de platre. Cela sortait des ruines.
Ii y avait des gens qui ecumaient les ruines, a la recher-
che de l' ceuvre d'art, de la fourchette en fer-blanc ou de
recrin precieux.
Les diplomates cousus d'or achetaient tout cela a vii
prix. Es s'occupaient, par le pouvoir de leurs devises,
faire subir a la Pologne et aux foyers polonais une
' houvelle razzia.
Parfois, a l'angle d'une rue, a la porte d'un restau-
rant ou d'un cafe, vous donniez sur une personne immo-
bile, raidie, aux vetements miserables, les mains dans
les poches des pantalons, les bras cones au corps, la
visiere de la crisquette baissee sur un visage de pain a
catheter. Souls bougcaient les yeux caches pour epier a
droite, a gauche, devant. Et bougeaient seules les
levres juste pour que vous entendiez ? Papierossi, papie-
rossi, dollars, dollars, papierossi, vodka ?.
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32 LA POLOGNE
Colonies d'enfants, ecoles.
LES xnendiants no manquaient pas. Es etaient sur les
places et sur les trottoirs. us no cachaient ni leur
misere, ni leur menclicite. Quo faire contre eux ? C'etaient
parfois des femmes, jennes encore, assises contre un mur
de maison, et qui n'avaient a la place des jambes que
de grossiers pions. Cetaient des enfants couches a tame
le trottoir et a qui il manquait parfois bras et jambes.
C'etaient d'autres enfants qui s'en allaient par gronpe
ott pat troupe et dont on pouvait comprendre gulls
etaient constitues en colonies. Fillettes et garcons, its
n'avaient plus de parents, it n'avaient plus de maison.
Es vivaient au creux des mines ou dans les bois de la
peripherie. Its se partageaient les taches et les expe-
ditions.
? Et l'ecole ? clirez-vous.
E n'y avait plus une seule ecole debout dans la Varso-
vie liberee de 1945 et il y avait si peu de metres I.
rai vu l'ecole de la rue Grochowska, a Praga. Toit
qui menacait, portes et fenetres tenant par miracle, murs
lepreux, salles exigues. L'etablissernent n'a.vait pas bretle
et c'etait la une grande chance pour les gens du quartier.
Sur les marches du perron, c'etait un grouillement d'en-
fants de tons ages, qui etaient la a attendre patiemnaent
je ne devinais quoi.
? Et la clas.se ? demanda mon guide.
? justernent. on attend notre tour.
La ra.rete des locaux et des maitres obligeait a pra-
iiquer un syste.rne d'equipe. Dans telle ecole, deux tour-
nees etaient necessaires. Dans telle autre, passaient dans
la Tn4nie journee trois, quatre et memo cinq tournees.
II y avait ainsi des malt res qui faisaient x6 heures de
classe par jour sans prendre aucun repit.
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446. - LA VILLE RENAIT DE SES CENDRES 33
J'avais vu aussi recole de la rue Torgowa : un appar-
. tement de trois pieces pour 500 &yes. Ce qui m'avait
frappe, soit dit en passant, c'est que ni maitres ni eleves
n'attendaient pour travailler qu'on leur fit des &Iles
tehve?. On faisait tout de suite classe et, avec r aide
de la population, on procedalt a des amenagements de
fortune pour rendre les loeaux provisoires habitables.
Je me souviens aussi de cette ecole de la banlieue de
Varsovie o?.5w enfants devaient tenir dans une batisse
vetuste et exigue.
Tout cela en Pologne n'est plus que souvenir. Dans la
Varsovie nouvelle, par centaines, sont edifiees les cre-
ches, les matemelles, les ecoles primaires, profession-
nelles, superieures. Comme dans les autres democraties
'populaires, comrne en U.R.S.S., en Pologne, l'enfant est
- rot,
Diplomates.
MAIS des immeubles, nous l'avons dit, etaient restes
intacts :1s derniers repaires des hitleriens. Tel etait
rhOtel Polonia. C'est dans cet hotel que gitaient certains
ambassadeurs avec leurs ambassades. us etaient, certes,
retroit, mais ii y avait la du confort, un bar, une
immense sane a manger, une salle de danse Ii y avait
de belles, dames, de beaux officiers, des hommes aux
vetements impeccables. Du monde qui sentait bon, du
monde qui riait, qui s'esdaffait, qui badinait, qui Rail
bien nourri, bien coiffe, bi(m. chausse. Du monde qui
parlait suriout americain et qui fumait des cigarettes
americaines.
On etait pa.rmi les mines. On passait le tambour de
la porte d'entree. On se trouvait un moment ebloui
par les lumieres et les dorures, les bijoux et les belles
toilettes. On recevait comrne un choc. On se sentait
dans un autre monde, comme en pays hostile. La Polo-
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34 LA POL,OGNE
gne martyre avait encore des ennemis. La Pologne
reconstruite et pacifique a encore des ennemis.
Te pense a ceux-la qui n'ont pas su s'emouvoir et
'iodigner devant les mines chaudes encore, A ceux-l?
qui n'ont pas su s'enthonsiasmer devant rindicible
heroisme et la volonte d'exister d'un peuple &cane.
Diplomates et correspondants de presse ? occidentaux ?
B0 turent. Pais us calomnierent. Au lieu de dire A, leurs
gauvernements et a leurs agences le besoin de paix de
la Pologne, us fricoterent crinfames rapports et d'innom-
mables articles. Puis us s'essayerent a installer dans le
pays des equipes de sabotage. Es eurent partie Hee
avec les pires bandits.
Ds devinrent des espions. us furent aussi des gangs-
ters. Forts de leurs dollars, de leurs cigarettes, de leurs
provisions de lard, de leurs boites de conserve, de leur
gin ou de leur cognac, us ramasserent ceuvres d'art et
bijoux, livres et gravures rares, tapis d'origine et vieu.x
cristaux, tout ce que les hitleriens n'avaie.nt pu emporter
an temps de leur domination. Ce fut le second pillage de
la Pologne. L'on faisait aussi de bones affaires avec
Berlin oil Von pouvait tout avoir avec une cartouche de
cigarettes ou quelques kilogrammes de lard. Le diplo-
mate devenait mercanti. Ca achetait des postes de T.S.F.
et des montres, des tableaux de mattes, des services en
portelaine de Saxe, des bagues, des broches et meme
des yachts I L'une de ces embarcatious ? fit ainsi le
voyage de Berlin a Varsovie en camion. Lorsque cer-
taints ambassades eurent leurs locaux propres et les
ambassadeurs leurs u residences ?, celles-ci eurent pin-
t& l'air de ces musees oa les ceuvres de toutes les eon-
ques et de tous les genres s'entassent cans qu'aucun ordre
sit preside a leur exposition. Ellen eurent plutot l'air
de ces hotels ?a des caids du marche noir out entrepose
pele-mele meubles de taus les styles et pieces de tous
les goats, la brocante des nouveaux riches.
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046. - LA VILLE RENAIT DE SES CENDRES 35
Ce que les ambassades ? occidentales ? faisaient en
grand a Varsovie, leurs consulats le faisaient en plus
petit, mais avec le mime cynisme, a Cracovie,
Wroclaw, a 6dansk et a Szeczecin.
Hommes nouveaux.
ANs repo* varsovienne que l'on ecrira, ii faudra
4yoquer ces personnages principaux qui ont pris les
estnes de Ia Pologne dans leurs mains de metallo ou de
e paysan on de pecheur. Hommes qui out
toujours vu clair dans les affaires de leur pays, que l'on
dinpeisonnes parce qu'ils voyaient clair et qu'ils
disaieut cc qu'ils voyaien1. Hommes forces a l'exil et qui
ConStituerent a.pres 1925 la plus noble, la plus agissante,
la plus studieuse, la plus sensee, des emigrations
politi-
qties que km pays alt connues. Sauf en U.R.S.S., ii y
ayait des prisons partoui pour les antifascistes d'alors.
Ces hornmes firent de patients apprentissages. Forts et
tiers de leur doctrine de liberte, ils se battirent en Espa-
grie, puis partout, en France, en U.R.S.S., dans l'armee
polonaise, sur le sol de leur patrie, en Afrique. Es connu-
rent les camps de la mort. Combien leur experience est
grande 1 La faim leur a mordu la fibre et ils n'oublient
Hen de leur passe et de leurs devoirs. Es portent dans
leur cceur le souvenir constant de la misere des hommes
et la haine de cenx qui la provoquent et qui en vivent.
Il n'oublient lien de leur pass?t de leurs devoirs. Cela
-se volt a leur visage grave et dans leurs yeux. pa.rfols
sj lointains, parfois si durs aussi. Leurs yeux et leur
visage ne s'eclairent pleinement que devant les enfants
et les jeunes gens. Aujourcl'hui ils sourient aux maisons,
aux palais, aux ponts, aux musees, aux laboratoires. aux
hopitaux, aux creches, aux ports, aux usines, aux silos,
aux 6coles, aux stades, par eux d? reconstruits. Ils
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36
LA POLOGNE
sounent surtout a cot homme nouveau, sorti d'eux. et
solide, et stir de sa volonte, et qui de toute la force de sa
jeunesse. finira, de faire apres eux de la notion de bon-
heur une realite.
Et us pensent a ceux qui les ont precedes dans la lutte
et qui sont tombes croyant a l'aube mais sans en pouvoir
voir parfois les premieres lueurs. je trouve tres emou-
vantes cos paroles du president Boleslaw Bierut
En realisant le plan de six ans et en constrtii-
sant les fondernents de la Pologne socialiste,
nous executons le testament et donnons corps
aux rives de generations entieres de Polonais
revolutionnaires, combattants pour la liberte
et la justice sociale, aux reves des meilleurs
ills de notre peuple qui tornberent sur les glacis
de la Citadelle, Sur les barricades des vines
polonaises, dans lour lutte contre le fascisme,
contre l'envahisseur hitlerien, amtre le maquis
fasciste et les agences imperialistes.
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CHAPITRE III
LA VILLE RECONSTRUITE
Warszawa !...
t. n y a que Varsovie au monde... Nous &ions parmi
Iles ruines de Stare Miasto, car il y a tout de memo en-
core des wines a Varsovie. Nous etions dans un trou
de ruind,s, je veux dire comrne au fond d'une cave a
ciel ouvert et autour de nous, dans le ciel bleu de juillet,
moutonie de blanc, mortaient noirs des morceaux de
mUrs deehiquetes, vieux comme les siecles. Rien n'ac-
crochait rceil qui aurait Pu faire penser a la continuation
de la vie. Les herbes qui venaient rares sur ce sol petri
de sang, de misere et d'herohme, et leurs fleurs minus-
cules rouges, roses, no pouvaient que faire penser a
l'abandon. ? D? rherbe qui croit sur fes dalles anti-
queS ?, disait le poete. Mais id la maison n'a pas ete
abandonnee.
?Ii n'y a que Varsovie an monde... C'etait Mme W.
qui parlait 'ainsi, one dame jeune, elegante, decidee,
qui corrigeait cc qu'elle se savait de masculin dans Fai-
lure par ces fleurs na,turelles chaque jour renouvelees
qu'elle mettait au revers de sa veste tailleur. Mais le
feutre aux larges bords, le foulard de sole noue autour
du cou, de grandes lunettes sombres, cette demarche
d'amazone, l'emportaient finalement dans votre impres-
sion. je pense maintenant a elle et je pense aux femmes
,
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38 LA POLOGNE
de Pologne. je me (Ills que celles que je connais, du
moms, ont peu ou prou de ces manieres et de ces aspects
masculins. Elles ont ete pendant cinq ans, cornice les
homrnes, des conabattants et aujourd'hui, cotnrne les
hoinmes, elles construisent avec leurs mains et avec leur
ccetir la Pologne. Lents mains sont rudes, leur cceur n'a
pas change.
Mine W... connalt le francais, Fanglais, Elialien, Valle-
mancl, le russe. Elle a beaucoup voyage. Elle me dit :
? Varsovie, avant d?, c'est stir, elle tenait a notre fibre.
Nous avons assiste a sa destruction, a ses destructions.
Chaque pierre sous nos yeux arrachee, c'etait un mor-
ceau de notre chair que la bombe emportait ou que le feu
bedsit. Une cave, un egoat, c'etait encore la vile, notre
vine. Lorsque nous nous battions, nous etion.s sars que
deraeurerait au moms la terre de Varsovie et qu'elle
serait, elle, plus precieuse, vous comprenez, avec tout
le sang, noise sang qui l'aurait imprignee. Varsovie I
Nous rayons aimee, alms, cornice un etre que Ion dis-
pute A la mort, que l'on vent sauver de raneantissement.
? Et maintenant, nous l'avons reconstruite taus en-
semble. Plus qu'hier, elle est Eceuvre de toes. Avant,
vous savez COMMe on dit, elle etait l'ceuvre des siecles.
Qu'est-ce que c'est que Eceuvre des siecles ? On ne voit
pas bien. C'est use forn3ule. Mais quand nous disons
aujourd'hui ? Varsovie; c'est nous qui l'avons faite, et
plus belle, et plus juste cc n'est plus une formule. E
n'y a qu'une mere qui pout sentir pleinement ce que cela
signifie. Nous avons voulu souffrir pour la sauver, nous
avons voulu souffrir pour la recreer. Cornice le fruit de
nos entrailles. Nos fils, no parlors pas de nos arriere-
neveux, no pourront jantais eprouver cc que nous
eprouvons. It leur sera tris difficile de connaltre notre
passion et notre joie.
Mine W... me regards longuement.
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LA VILLE RECONSTRUITE
39
Je connais Paris, Pise, Florence. Rome, votre
COte d'Azur. Ii m'arrive meme, en certains soirs de fati-
gue, et, je peux le dire, de decoura.gement, de regretter
la vie passee. C'etait facile, c'etait plein de beaux
moments. La Pologne alors pour moi, c'etait les voya-
ges etch-antes a l'etranger. Ii m'arrive d'avoir la nostal-
gie du monde ancien. J'imagine que je pars, mais tout
, erun coup le ravissement des departs s'evanouit en moi,
Pair me manque comme dans un cauchemar, je veux res-
ter a Varsovie; pour moi et pour nous tous, il n'y a
que Varsovie au monde...
Je pensms a Hahna Konic, l'hOtesse de l'air. Au
depart du Bourget, elle m'avait pane de Paris, des
Boulevards des Chanaps-Elysees, du Jardin des Tui-
leries, .
des vitnnes de la rue Royale et du Faubourg Saint-
Honore avec un ravissement d'enfant en face d'un jouet
si beau Tell n'ose y toucher. Elle m'avait parle. Halina
Konic, des robes de Paris, des chaussures, des chapeaux.
Ses yeux brillaient. Mais nous avions passe au-dessus de
l'pdra, au-dessus de Poznan. Nous approchions du but.
Hahna Konic sortit de la cabine des pilotes. Elle s'ar-
reta, prit un temps et, le visage transforme, comme si
elle disait une parole magique, detachant les syllables,
elle dit ; Warszawa Paris, quitte le matin meme, etait
oubhe, ses boulevards, ses magasins, ses enseignes lumi-
neusels. Pour Halina, Konic, ii n'y a que Varsovie au
monde,
soir de juillet 1950, je sortais du Theatre national de
Varsovie. Je venais d'assister a la representation de
l'opera Cracoviens et Montagnards. Le Theatre natio-
nal de Varsovie n'etait que ruines en 1946. Une repre-
sentation comme celle a laqu elle je venais d'assister sup
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40 LA POLOGNE
pose qu'un degre majeur a Ate afteint dans la recons-
truction. Nous eames, mes amis et moi, quelque peine
retrouver la voiture qui nous attendait sur la place
allongee et eclairee a glom?, II y avait l?eaucoup de
vultures, mais surtout des cars Chausson. bus les soirs,
ces cars vont chercher dans les lointains faubourgs, dans
les villages environnant Varsovie, ouvriers et paysans,
hornmes, femmes et jeunes gens, les amenent au theatre
et les rarnenent ensuite chez eux. Ce soir-la, la voiture
nous conduisit, ainsi que j'en avais exprime le desir,
stir le pont Slasko-Dambrowski. Sur la rive droite, ii y
a tout de suite en face Praga et la plaine basse, etalee
perte de vue. Vers l'Est, sur la rive gauche, a l'oree du
pont, s'accrochant k tine terrasse qui domine de 25 a
30 metres le fleuve et l'espace Ins et etroit qui porte
ce dernier, c'est Marienzstadt, avec ses maisons neuves,
reconstruites exterieurement dans le style polonais du
xvnie si?e et dont l'interieur possede ramenagement
le plus modeme.
Mme W... m'avait montre Marienzstadt quelques jours
auparavant. Loge que j'etais dans un hotel voisin,
je prenais parfois sur mes matinees pour revenir dans
ce miracle de cite. Comment dire les choses ? Nous avons
tons vu des villages en miniature, fabriques dans le bois
et le carton, peints de frais, tout reluisant de grace, des
villages de poupees. Avec les portes qui toutes oat leurs
tenures et leur marteau, avec ces statues de saints dans
les niches taillees a l'angle des murs, avec des arcades
sous lesquelles s'abritent des commences, avec les fene-
tres fleuries de geraniums et, juste sur le cote des por-
tails, ces lanternes en fer forge, au verre bleu, oil se
lisent les numeros des maisons. La nuit, la lanteme
s'eclaire, le numero apparalt sur deux faces. C'est fort
pra.tique et cela possede une histoire, tine histoire d'abso-
lutisme tsariste et de conspiration que je conterat une
autre fois.
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LA VILLE RECONSTRUITE
41
Cette cite abrite 2.500 travailleurs d'elite et leurs
J'ai vu sur la petite place &Hee et surelevee
fillettes et garcons, propres et nets, cheveux blonds, yeux
bleus et tabliers multicolores, jouer, rire et chanter. Sur
tin petit mur de bordure, des jeunes gens lisaient. Ti y a
des arbres dej a grandets, avec beaucoup de branches et
de feuilles. Un qua rtier comme ii n'en a jamais ete fait
que dans les contes de Noel ! Non loin de la, coule la
Vistule somptueuse et sillonnee des voiles blanches de
Pete. Non loin de la passe maintenant la c?bre vole
Est-Ouest, la Trasa, longue de 6 kilometres, avec ses
trolley-bus, ses camions, ses voitures. Non loin de la,
II y a ? le tunnel de pres de 200 metres de long et le
premier escalier mecanique que la Pologne ait jamais
posse& (elle en connattra sArement d'autres), cet esca-
Her que tout Polonais desire voir et monter avant de
mouth., comme ce paysan de chez nous qui tant bralait
de voir Carcassonne. Notre paysan i nous est mort sans
avoir vu la wile de ses re'ves. Vous vous souvenez des
vers de Gustave Nadaud ?
je me fais vieux, j'ai soixante ans,
j'ai travadle toute ma vie
Sans avoir durant tout ce temPs
Pu satis faire mon envie.
Deja des millions de Polonais ont pu, des provinces les
plus lointaines, se rendre a Varsovie et emprunter l'es-
calier mecanique. Personne, en Pologne, ne mourra plus
sans avoir vu la capitale.
Du pont Dambrowski, nous avions sous le regard, aval
et amont, pres de 7 km. de Vistule et de rives eclairees.
La brume nocturne enveloppait faiblement les mule et
mule lumieres qui font cortege au fleuve. Celles qui
&talent dans la ville &talent moms laiteuses et cornme
plus triomphantes Ii n'y avait plus le profil hallucinant
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42 LA POLOGNE
des ruines, Les grandes taches blanches, et dessinees
avec amour, des immeubles, sernblaient egayer l'ombre,
faisaient chaud an cur et auraient donne confiance a.
qui en await, par hasard, marque..
Le president Bierut a dit : ? Un des plus grands mal-
heurs qui puisse atteincire un homme est de manquer
de travail et d'habitation Le voyageur que retais
pensait a. ses visions de 1946. Ii pensait aux legendes
funestes SQUS lesquelles on a essaye pendant des siecies
d'ensevelir un, peuple. Ce peuple, en cinq annees, a
non seulement repare les mines de la guerre la plus
totale, mats construit du neuf.
II a aussi rattrape les retards accumules par un si?e
et demi d'oppression. On no songe pas assez a. cela lors-
qu'on traite de la Pologne nouvelle; ce nest que si l'on
songe a. cola qu'on peut enfin cornprendre que, place
dans des conditions politiques et sociales justes, le Polo-
nais se fait remarquer par sa faculte d'organisation, son
intelligence reflechie et son enthousiasme pour le travail
pacifique.
Les a rastes du caf?ajewski.
serait certes fastidieux pour le lecteur que j'enumere
I les grands immeubles d'Etat qui s'elevent a present
dans Varsovie et que je disc aussi combien de centairms
de milliers de logements out ete constniits dans ces
ensembles qui constituent de maniere fort raisonnee la
cite et le quartier. Je voudrais dire que cc qui frappe,
urte fois recu le premier choc du monde neuf oi Von
penetre. c'est l'arripleur et la multiplicite des chantiers de
construction. C'est aussi la rapidite d'execution des tra-
vaux,
Le 24 juillet, je me rendais avec un ami polonais dans
un caf?e la Marszalkowska, le cafe Gajewski. Ce
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LA VILLE EEcON,STRUITE
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cafe etait frequente par ces Polonais et ces Polonaises
des temps anciens qui ont decide jusqu'ici de ne pas
accepter le nouveau regime. Peu leur importe si le
regime nouveau fait de la Pologne une grande nation,
riche de toutes les richesses de son sol, de eon sous-sol,
de ses fleuves et de ses cotes, lourde du bonheur qu'elle
dispense a tous ses enfants. Eux (en Pologne, on les ap-
pelleni en souriant ? les restes ?) ne pensent qui& leur
vie passee, a leur luxe passe, leurs somptueuses de-
meures perdues, a leurs loisirs raffines, a leurs voyages
-vers les vales d'art, d'eaux et de jeux de l'Europe entiere.
Eux no pensent qu'a leurs privileges evanouis. Tis sont
antisovietiques comme dans leur famille on n'a jarnais
ete antitsaristes. us n'ont jamais travaille, ou tres peu.
Ii fa.ut maintenant qu'ils tra,vaillent. us ne peuvent vivre
lien, et us le savent, que dans la mesure o?s travail-
lent comme tout le monde. La Pologne est, en effet, un
pays, et il en est heureusement quelques autres sur notre
globe, oil nul ne pent plus vivre du travail des autres,
aids o cha.cun doit vivre de son travail et peut ainsi
beneficier du travail de tous. Les ? reste,s ? ont espere
dans un providentiel changement de regime. Leur espoir
dirninue de jour en jour. La Write de l'histoire oblige
dire que de ces restes-la, ii n'en reste plus beaucoup.
Il est des Polonais et des Polonaises, et en grand nom-
bre, qui, hier, etaient de grands seigneurs et de grands
poseedants on d'insignes intellectuels bourgeois, et qui,
par patriotisme, et parce gulls se rendent compte que
le gouvernement populaire fait les interets de la patrie,
se scot rills au travail et se rendent utiles. us sont em-
ployes au nueux de leurs facultes et pay& comme le sont
tons ceux qui, en Pologne, travaillent.
Au cafe 6ajewski, oii je goutai a de delicieuses patis-
series, je vis une &range societe. La salle, pas trop
grande, etait pleine de clients assis par petites tables
carrees. Pas une seule figure jeune ou de jeune. Qua-
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44 LA POLOGNE
ques veternents convenables. L'ensemble etait de natures
disparates et miteuses oi l'on distinguait cependant un
besoin de faire a la mode, a la vieille mode. Ce souei
de recherche dans l'habillement, qui n'atteignait pas son
but, s'alliait a un certain detachement meprisant dans
la mine, a one volonte de porter digne et noble, de trop
bien se tenir, de trop bien manier la petite cuiller a
gateaux, de trop bien se pencher pour boire petites
gorgees le cafe on le the.
On avait presque envie de s'attendrir, mais alors sur-
gisiaient peremptoires a l'esprit les images de la Polo-
gne artcienne, les paysans affames et nus, les ouvriers
persecutes, les hommes de progres emprisonnes, les
colonels you& a Hitler et les martyrs de la Pologne livree
aux hitleriens. Apparaissaient aussi les exiles indompta-
bles et les millions de Polonais quo la misere chassait de
leur pays. Et tout autour, dans Varsovie et la Pologne
actuelle, ii y avait les constnicteurs.
Alms, cc caf?ajewski, on no voulait memo plus
dire gull faisait penser a line boutique d'antiquaire car
il est de vieux objets qui seront toujours chers an cceur
et a l'esprit des hommes Non, on ne s'attendrissait pas
devant cet egoisme endurci, intraitable, quo n'orit pu
ebranler ni le souffle des catastrophes qui auraient Pu
etre definitivcs pour la patrie polonaise, ni l'enthousiasme
qui, tous muscles raidis, a tire la Pologne du chaos et l'a
mise stir le chemin de la justice et du bien-etre pour tous,
ni l'aide fratemelle de l'Union Sovietique.
C'etait le 24 juillet 1950. i.e lendemain, je partais
pour on voyage de deux semaines a travers le pays.
Au retour, je dis a mon Wisniewski :
-- Et si on allait boire un verre de the au cafe
Gajewski ?
Wisniewski se mit it rire :
? Le cafe Gajewski n'existe plus !
? Hein ?
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LA VILLE RECONSTRUITE
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Mais oui, l'immeuble oa il se trouvait, les immeu-
bles qui bordaient, dans ce coin, la Marszalkowska, et il
y eli avait quelques-uns, n'existent plus. Tout est rase,
debla,ye. L' architecte Sygalin est entre en action. La voie
Est-Ouest terminee, il a entrepris ces jours-ci les tra-
vaux de la voie Nord Sudqui mesurera io km. Sur pres
d'un kilometre, entre l'avenue Sikorski et les jardins de
Saxe, cette vole sera large de 120 metres. C'est dans
ce coin a elargir que se trouvait le cafe Gajewski Ii ne
eontumera d'etre que dans le souvenir des ? restes ? et
peut-etre dans le votre.
Voila comment les Varsoviens savent faire de l'esprit.
Es vont vile, tres vite en besogne. Sauf dans les res-
taprants lorsqu'il s'agit de servir, diront certains.
C'est Vrai. Nous trouvons (et les Polonais aussi d'ail-
leurs), que le service dans les restaurants est lent. A un
Francais de mes bons ami3 qui s'en plaignait, qui esti-
malt qu'on perdait trop de temps a se debarrasser de la
corvee,d'un repas, alors qifil y a si peu de temps a per-
dre loisqu'on a le bonheur de vivre quelques seinaines
en Pologne, un autre ami Francais repondait.
ils servent lentement, mais ii faut dire aussi
que C' est en cinq ans qu'i/s en auront fini avec le plan
de six ans.
line instituirice frangaise,
un gars du bitiment de Paris.
J g laisse parler Simone Duval qui est revenue de Polo,
gne fin septembre 1950.
-, -- Nous avons visite dans Varsovie le quartier Mura-
now qui va s'etaler sur 52 ha. line cite de cc quartier
conimene6e en mai 1949 comprenait en septembre 1950
trente-trois immeubles de 200 logements chacun. et tous
habites. Si, au Havre, nous avions thus ces logements,
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46 LA POLOGNE
g nous avions travaille aussi utilement, aussi rapide-
ment, nous n'aurions pas 15.w? Havrais encore refugies
dans l'Eure-et-Loir et 36.000 ouvriers qui prennent le
train tous les matins pour venir travallier sur les chan-
tiers urbains.
je laisse parler Labb?ouvrier du httiment rentre de
Pologne an debut d'ixtobre 1950.
--- Un jour, des camarades polonais me disaient :
nous avons fait aujourd'hui 66.000 briques en huit heures
de temps a dix ouvriers et ouvrieres, car II faut dire que
non seulement les horarnes, mais aussi les females tra-
valllent dans le batiment. Quand on m'a cite ce chiffre
de 66.000 briques dans la journee, je vous avoue que j'ai
ete fres surpris et fai voulu me rendre compte par moi-
meme comment us $'y prenaient. En France, lorsqu'un
briqueteur pose 1.60o briques dans la joumee, chest tin
bon compagnon.
ai vu la facon de travailler des Polonais II y a
d'abord une emulation extraordinaire et aussi une con-
ception du travail que nous n'avons pas en France, on
par ailleurs nos salaires ne sont pas decents. Le gouver-
nernent ne fait pas le necessaire non plus pour que la
reconstruction soit active.
? Voila comment procedent nos amis polonais pour la
pose des briques : un jeune homme etend le ciment sur j
10 on 15 metres, une eune fille prend les briques et les
pose rapidement a la file, le chef d'equipe, un jeune de
22 on 23 ans, une fois qu'll a tendu son cordeau, tape
avec sa maaloche sur les briques et ainsi de suite Ds
sant arrives, a 10 personnes, a monter 66.000 briques a.
Nowa-Huta je vous assure que j' en ai ete ahuri. Moi,
qui suis du batiment, il a fallu que je me rende compte
sur place et raj meme dit : je n'oserai jamais le dire a
Faris parce que mes camarades de chantier me dimient
que ce n'est pas possible. Pourtant, je Isai vu I
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LA VILLE RECONSTRUITE
Labbe poursuit :
ce qui conceme les salaires, un compagnon se
fait en moyenne 45.000 ou 50.000 zlotys par mois. En
France, cornme compagnon, on arrive tout juste a faire
24.000 francs et quand on compare avec le edit de la vie
en Pologne, et tous les autres avantages qu'ils ont
la-bas en plus du salaire
? Et puis, dit encore Labbe, 11 y a la coordination
gulls etablissent entre les differentes branches de la
reconstruction. Tout marche ensemble. A Muranow,
par exemple, tout le materiel necessaire a la construction
est sur place, la fabrique de poutrelles fait venir ca par
camion, cela arrive de province, ca passe entre plusieurs
mains. Ii y a les concasseurs, les malaxeurs, tout ce qu'il
faut et on fait les poutrelles sur place. De meme, on
timene le cinaent. II y a les vibrateurs electriques, tout est
la, ce qui augmente la rapidite d'execution d'une facon
considerable. Car ce qui se produit chez nous et ea je
suis actuellernent, par exemple, c'est qu'il faut attendre
le ciment trois jours, la ferraille une semaine et pendant
ce temps-la, on bricole, on ne fait rien de bien.
Nos amis Duval et Labbe n'ont pas Pu tout me dire,
Mais je sais que la rapidite de realisation provient aussi
du fait que toutes les operations de construction sont
centralisees et que cette construction demeurera, jus-
qu'?ouvel ordre, une fonction d'Etat.
Architectes polonais.
ETpourquoi n'evoquerai-je pas aussi pour expliquer la
reconstruction de Varsovie et de la Pologne la part
qui revient aux architectes ? Xis ne sont que 7oo pour
toute la. Pologne; en France, ils sont 7.000, et c'est bien
eA Pol?gne que l'on reconstruit et que l'on construit le
plus vite. Pourquoi ?
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48 LA POLOGNE
Ces 700 architectes ont fait, eux aussi, rnentir la le-
gende antipolonaise. A voir leur ceuvre, il faut bien par-
ler de realisrne. Etant donne l'ampleur des constructions,
Hs out calcule que s'ils avaient da deblayer les parties
qui oat ete entierernent rasets, ii leur aurait fallu huit
annees, A. raison de milk wagons par jour 1. Its sont
sortis des chemins battus, us ont construit sur les mines,
aux endroits ou its edifient les batiments, ils font des
excavations pour trouver le bon sol, et c'est toute eco-
nomie de main-d'oeuvre et de temps.
Et iLs ne sont pas ales chercher tres loin leurs mate-
riau,x. Varsovie etait en briques, it reste des briques
intactes, Ils oat done organise, tout un systeme de recu-
peration de briques entieres ; pour les briques cassees,
qu'on no pouvait pas reemployer telles quelles, us ont
monte une immense usine de pre-fabrication d'elements
de construction dans laquelle its ont broye les briques.
Ce broyage est utilise a divers usages.
T. Le seul deblaiement de uines du Ghetto auralt exigf?
le travail de Immo() honanies c,t tie sept trains pendant tiois
ann6es,
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CHAPITRE IV
IMMEUBLES, CITES,
QUARTIERS, DES MOTS
QUI ONT CHANGE DE SENS
, Le sens des mots.
jr At visite bien des quartiers neuf a Mokotow,
Ochota, a Kolo, a Muranow, a Zoliborz, a Praga.
j'ai penetre dans des logements. Il me sera difficile
de me faire comprendre. Les moth, en Pologne, ont plus
le meme sens qu'en France. Que voit-on, en France, lors-
qu'on dit un imineuble et un immeuble comme des affai-
ristes cupides en ont &eve sur l'emplacement des an-
ciennes fortifications de Paris? on voit la boite a loyer.
Que voit-on, en France, lorsque l'on dit cite ? cite ou-
vriere ? cite d'usine ? cite miniere ? Les trois-quarts du
temps ce sont des abris de misere, sans confort, sans tout-
a-l'egofit, souvent sans gaz ni eau courante. Ne parlons
pas de salle de baja 1 En France, la salle de baja est
encore et uniquement le symbole de la richesse, et comme
une marque distinctive. Si l'on s en va dans les bassins
mmiers ii ne s'agit meme plus de cites, mais bien de
camps dans les baraquements desquels les.honnetes gens
ne mettraient pas leurs lapins. Belle enquete a faire, et
comme a portee de la main, pour un M. David Rousset
qui serait anirne de sentiments desinteresses
Immeubles, cites, quartiers, la Pologne donne nn
eentenu nouveau aux mots.
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50
LA POLOGNE
Jai vu moi-merne le logement-type dont pane la
revue fra.ncaise Population, dans son numero d'octobre-
decembre 1949 :
Le logement-type pour un jeune m?ge avec
un enfant est le logement de deux pieces et
cuisine, avec cabinet et salle de barn, couvrant
40 a 50 in2, mais ii existe Un tres grand nom-
bre de variantes dans la disposition des pieces
et dans lair nombre, aftn de repondre a la
diversite des besoins, suivant la composition des
families. (Pierre George.)
Que.] est pour ce logement-type le taux du loyer ?
Siraone Duval me dit (elle est du Havre et eest pour.
quoi je prefere lui passer la parole) : ? Au Havre, il
n'y a pas un seul logement reconstruit ? car on a tout
de meme un peu reconstruit ? dont le toyer 1950 soit in-
ferieur a5.000 francs par mois, charges non comprises.
Un logement equivalent que j'ai visite dans la region de
Zoliborz est a 2.000 zlotys par mois, c'est-i-dire pas
tout a fait 2.000 francs et la les charges d'electricite, de
chauffage et meme de blanchissage, sont comprises. De
plus, quand je pane de 5.000 francs par mois an Havre,
ce sont les logements les plus modestes, rnais les loge-
meats des fameux Isale auront un loyer de 8o a 90 000
francs par an, toujours sans les charges, ce qui suppose
naturellement qu'un ouvrier ne pourra jamais disposer
d'une telle sornme pour se loger.
S'il ne faut pas dans ce genre de relation que j'ai
entrepris de rediger abuser des chiffres et du langage
technique, point trop ne taut, toutefois, exagerer dans
ce sena et l'on me permettra de citer assez longuement
la revue Population a laquelle je me reportais a l'instant.
La cite elementaire forme un groupernent
autonome pourvu des installations soaales et
culturelles repondant aux besoins fondamentaux
d'un groupe hurnain. Elle comporte tin certain
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IMMEUBLES, CITES, QUARTIERS
51
norribre de corps de batiments qui peuvent etre
eux-memes munis de quelques services indis-
pensables. Une creche et un jardin d'enfants
apparaissent necessaires pour un groupe d'une
cehtaine de logements, tandis qu'on peut envi-
sager une ecole elementaire pour 50 logements
et un centre scolaire complexe (scolarite com-
plete du premier degre et premiere armee de
l'ecole moyenne) pour 2.000 a 2.500 logements.
1.4 cite elementaire, avec son centre economi-
que, social et culture! (groupe scolaire, salle de
rhunions et de spectacles, cinema, club, dispen-
(Ore, rnagasins, cooperatives et magasins
yes), semble devoir etre limitee a un groupe
pOuvant loger environ io.000 personnes dans
Un rayon de 500 metres autour du centre geo-
6tnque du groupe bati. Avec son centre col-
lectif (? agora ?, de H. et S. Syrkus), elle cons-
titue une petite vile dans la grande. Elle pos-
sOle les installations necessaires pour satisfaire
les besoins imrnediats et quotidiens, mais elle vit
de la vie de la vine et elle doit tourner ses re-
gards vers le centre social et culturel (? agora ?)
de Ia. ca,pitale, Cette idee a suggere a Mme et
M. Syrkus ride? quo le foyer social et culturel
de chaque cite devait etre excentrique pint&
qu'interieur, de maniere a etre relie aisement au
centre urbain principal par les voies de commu-
nication rayonna nt autour de la \Tulle. Les diffe-
rents centres sociaux des cites riveraines de ces
voles de communication constituent un semis
discontinu ou semi-confirm d'installations d'in-
ter& collectif, et donnent aux voles de commu-
nication dites radiales un caractere original par
rapport aux petites rues desservant l'interieur
des cites. us contribuent a constituer l'arma-
ture sociale du cluartier qui est organiquement
un groupe de cites pouvant depasser 100.000
habitants. L'importance numerique du quartier
appelle, par ailleurs, la presence d'un centre
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LA POLOGNE
social d'echelon supricur pouvant comporter
Un groupe scolaire dlff?nci?assurant l'exerciee
de la seolarite complete de second degM, dans
toutes les orientations prevues, un centre poly-
clinique, un stade, des services administratifs et
de securite.
Mais cette maniere de faire ne va-t-elle pas presenter
? le danger de favoriser uric multiplication d'immeubles
en serie marquant les quartiers residentiels d'une uni-
formite rebartative i ?
Void cc quo repond justement M. Pierre George :
Les architectes s'ingenient done faire naitre
la variete des paysages urbains de la modifi-
cation des agencernents, des elements normalises
de la construction. 11 est possible de multiplier
ainsi le nombre des types d'immeubles, equiva-
lents intrinsequement par leur contenu en unites
materielles de base. Les urbanistes utilisent les
formes du terrain pour repartir differemment les
corps de batiment, varier l'agenceme.nt des de-
penclances sociales, des jardins et des terrains
de jeu. Tel quartier affecte la forme d'une ro-
tonde (une partie de Zoliborz), tel autre repartit
ses unites en un jeu savant de plans octogonaux
qui fait songer & un probleme de mots croises
okotow). Mais on evite les grandes parades
d immeubles en serie, rectiligmes (certains es-
sais de cet ordre avaient ete faits avant la
guerre). lei, les facades sont droites, allegees par
e grandes bales vitrees ; ailleurs, dies sont
creusees de niches et ourlees de balcons et de
terrasses expostes an midi.
Le Caf?e lecture.
J E pourrais dire ot1 se trouve ce Cafe de lecture, je n'ar-
rive pas a l'appeler autrement, mais que saurez-vous
de plus longue je vous aural dit gull est situe a ran&
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IMAIEUBLES, CITES, QUARTIERS 53
et au rez-de-chaussee d' un immeuble et sur ce carrefour
qui s'appelle place de l'Union de Lublin, et o? abou-
tissent, ou partent, comme on voudra, sept gran-
des voies dont la Marszalkowska, l3agatela et l'avenue de
la, Premiere-Armee ? C'ttait la, hier, le quartier des mi-
nisters et des ambassades. Aujourd'hui, toute la capi-
tale est ouverte a l'habitat proletarien.
Dehors, c'est l'animai ion revenue de la grande vine.
Trolley-bus, cars, taxis, camions, velos, motos parti-
cipent a l'utile et quotidien carrousel, mais des que vous
ehtrez dans mon Cafe de lecture, la porte aussitot refer-
Tee, votis votis sentez saisi de silence. Etrange impres-
sion ! Le local est pourtant plein de monde, toujours
plein de monde, femmes, hommes, jeunes gens, jeunes
filles. Les professions, on ne pout plus tout a fait dire les
situations sociales, se voient sur les mains et les visages.
Tous les veternents, confortables,, propres, se valent. Les
mains et les visages disent : ouvrier, technicien, employe,
etudiant. Au vrai, ii n'y a la que des etudiants. En Polo-
gne, 11 n'y a que des hommes et des femmes avides
d'etude et qui peuvent satisfaire facilement a ce grand
besoin humain qu'est le besoin de savoir, de comprendre.
Tout ce monde se tait, Ii va le long du comptoir qui
borde deux murs se coupant a angle droit. Sur le comp-
toir, il y a des journa.ux et des livres ecrits dans toutes
les langues et dans tons les caracteres. Des bannieres
fixees sur des supports en T disent la nationalite, polo-
naise, sovietique, franeaise, anglaise, espagnole, ita-
lienne, bulgare, roumaine.
Les hauts fonctionnaires qui president aux destinees
de nos relations culturclles s'en emouvront-ils et les
? tenants de r Alliance francaise, et nos ministres, s'ils ont
seulementie temps et le souci de penser a la presence de
notre culture de par le vaste monde ? L'espace reserve a
la France, et occupe par elle, est important sur le comp-
toir de ellen? clair de ce caf?'un nouveau genre. Les
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LA POLOGNE
clients lecteurs vont lentement le long de cet italage
qui sent bon le papier imprirne et qui dit le visage typo-
gaphique de thus les pays. us feuilletent et examinent.
us achetent. On achete beaucoup dans le rayon francais.
Ma's dans mon Cafe, ii n'y a pas quo des journaux,
des revues, des livres, des gravures a acheter. Tout le
long d'un mur pendent, a portee de la main, et prig
dans un systeme metallique a poignee, des journaux en
toutes langues et classes par pays d'origine. Si vous
voulez employer vos loisirs a In lecture de journaux frau-
cais, russes, anglais, americains, italiens ou suisses, vous
le pouvez. Qui quo vous soyiez, allez-vous-en dans mon
Caf?e la place de Lublin. Vous decrochez la feuille
qui vous tente, vous vous ablmez dans l'un des fauteuils
de cuir profonkls et bas qui sent la, le long de la longue
vitrine aux rideaux cla.irs. vous ailumez votre cigarette
et, une jambe sur l'autre, vous entreprenez votre lecture
dans un silence de bibliotheque ou de cathedrale. Car
clans cc caf?ont je reve si souvent le silence est de
rigueur. ce silence qui s'empare de vous, des l'entree.
En octobre 1948, j'y penetrais pour la premiere fois,
avec deux amis. II etait 9 heures du matin. Au bout de la
plus longue des deux salles, ii y a une cloiSon vitree et,
passee la cloison, on se trouve dans l'une des deux
pieces qui donnent une partie de son nom a cc cafe de
lecture. De petites tables vernies, brunes, rondes et
basses. Des sieges aux tubulures de nickel et au cuir
emeraude. Aux mum, quelques tableaux et des photo-
graphics d'ouvriers de choc. Li, vous pouvez lire et
&glister, en memo temps. un excellent caf?ue l'on
vous sert dans une bsse minuscule ou grande, a votre
goat. Si vous avez a parler, vous le faites a. voix ba.sse.
II me souvient de tette matinee d'octobre oa, avec mes
deux amis, j'avais a parler asses longternps. Au bout de
la piece, je voyais deux jeunes gens, fine et garcon. us
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IMMEUBLES, CITES, QUARTIERS 55
&talent l?ors de notre arrivee. Es &talent encore la
au moment de note depart, mettons une heure apres.
ns observaient sans defaillir la consigne de silence. Assis
run a cote de l'autre; us ne faisaient que se regarder
et se smite. Deux amoureux timides qui avaient trouve
le coin qu'il leur fallait et aussi l'heure propice, car
l'apres-midi, le m nde afflite et surtout a. la fin de la
journee de travail, c'est-h-dire vers 15 ou 16 heures.
J'ai vu de grandes choses en Pologne, d'imposantes,
d'emouvantes realisatiens. Nowa Huta et le port de
Gdynia &gage et reconstruit, la Maison du Marin, le
pont Poniatowski, Nowy-Swiat reconstitue dans son ali-
gnement et sa grace ancienne et cette immense Maison
de la parole qui sera l'honneur d'une nation. Je sais
quelle part il faut faire a la reforme agraire, aux natio-
nalisations, aux ecoles innombrables, aux innombrables
ma4sons de repos. J'ai vu Zakopane et Sopot, la monta.-
gne et la mer, egayees de leur population nouvelle ou-
vriere et paysanne. J'ai vu la Maison de la culture de
Katowice qui rendrait jalouse quelques-unes de nos uni-
versites de province. J'ai vu dans le royal et sompteux
atelier du Wawel le retable de Wit-Stwosz aux 2.000
pieces sculptees dans le bois de tilleul, reconstituees dans
leur unite ei dans la fraicheur premiere de leur polychro-
mie, apres cinq annees de rainutieux et patients travaux.
Je pense a tout cela, surtout lorsque j'entends parler de
la guerre. Mats je pense aussi, et plus souvent, moms
exceptionnellement, comme on pense a tine chose fami-
Here, a ce Cafe de lecture que j'ai d'ailleurs retrouve
Cracovie, a Katowice et: a Gdansk, a Wroclaw et a
Lo4z, et comme il en existe all moms un dans toutes
les yilles, grandes et petites, de Pologne. Car la recons-
truction en Pologne est chose generale et universelle.
La Potogne est un immense chantier. Et si l'on a recons-
truit, et sj l'on y construit, c'est en fonction de l'homme
et pour l'homme.
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LA POLOGNE
H rests besucoup I fairs.
QUELLE existence ! Ces gens vivaient, y a encore cinq
ans, dans des egouts, des caves, des ruines. Aujour-
d'hui, us sont les habitants d'une capitale qui, sous pen,
sera tine des plus belles du monde. C-ette capitale, us l'au-
ront faite de leuts mains. Lorsqu'elle sera terminee, us
seront plus vieux qu'elles us l'a.uront faite de leurs
mains et avec ietir foi dans les destinees de la patrie,
avec Ieur enthousiasme. Tous vivent au rythrne des bri-
ques qui se posent et qui finissent par etre une nou-
velle fots ljEglise Sainte-Croix, l'Eglise Sainte-Barbe, la
Ca.thedrale Saint-jean, le Theatre national, la Poste
centrale, ou qui deviennent la Banque d'economie coo-
perative. le Ministere de la Defense nationale, la Cite de
Vflynow. le Ministere de 'Industrie et du Commerce. la
M.aisou du Parti unifte, le nouveau Parlement 11 n'est
pas possible de parler un moment avec un Polonais sans
qu'il vous entretienne de ce qui se fait, de ce qui se fera.
La grande distraction, c'est le dimanche de partir
en tamale, un peu a l'aventure, a travers la vale et
sur sea abords et de constater ce qui a change, je veux
dire ce qui est neuf, ce qui est tennine et ce qui est
deja occupe, plein de vie.
On part et on decouvre male choses nouvelles. On en
parlera en famine et tout au long de la semaine. Tout au
long de la?semaine, on en parlera au bureau ou dans
les salles de jeu, ou sur les chantiers au moment des
pauses horaires de dix minutes. Le temps aidant, et
l'bornme s'accoutumant a tout, memo au miracle qu'il
a rialise lui-rneme a force de sueur, d'ingeniosite, de
tenacite, ces Varsoviens dont je pane trouveront tout
normal ; us ne eetonneront que de l'etonnement admi-
ratif de l'etranger revenu les voir, apres quelques rnois
d'absence, L'etranger dim a tout bout de champ,
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IMMEUBLES, CITES, QUA RTIERS 57
au fur et a mesure de ses decouvertes : ? C'est invrai-
semblable ?.
Et eux ne comprendront pas, on us prendront cette
exclamation pour de la politesse. Es diront toujours :
C' est grace a l'Union sovietique que vous avons pu
faire cela, ou us vous parleront de tout ce qui reste
faire.
?-r Nous nous rendons bien compte de ce qui est
deja fait, m'affirmait un ami, mais nous le voyons moms
bien que vous. A toujours vivre pres d'un enfant, on ne
le voit pas grandir, on s'accoutume a sa croissance, si
rapide qu'elle soit. Mais nous savons par contre ce qui
reste a faire ; tout le monde le sait, chez nous. Et vous
savez Clue rien ne se fait tout soul, que rien n'est facile.
Ii y a des difficultes, nous les regardons en fa9e, nous
n'en avons pas peur et nous les surmontons. Notre sys-
teme planifie est la et le plan, c'est la chose de tous.
II y a plan et plan.
LEplan est la chose de tous, l'affaire de tous, dans ses
grandes lignes et dans ses plus petits details. Sur les
places, dans les usines, aux carrefours des avenues,
a la porte des ministeres, dans les ecoles, a la campagne
et dans les mines, partout, s'etalent d'immenses pan-
neaux en bois oa avec des moyens tres simples, il est dit
ce a quoi on a deja abouti, cc a quoi il taut aboutir.
D'autres panneaux, une image, quelques chiffres en
long et en travel's d'une courbe, disent la meme chose
pour les secteurs determines de l'economie ou de la cons-
truction : nombre d'ecoles maternelies, tracteurs, Ca-
mions, maisons de repos, tonnes de charbon, litres de
lait, douzaines d'ceufs, kilometres de tissu. Toujours, ii
y a la photographic dix fois grandeur nature de l'homme
ou de la femme qui ont atteint les meilleures norrnes. Les
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58 LA POLOGNE
panneaux de production et de construction sont constam-
ment talus a jour. C'est to peuple tout entier dans le
pays, la Ville, le quartier, la cite, qui est temoin et juge
des resultats obtenus dans la grande bataille de l'emu-
lation socialiste. Etonnez-vous qu'un jour, et durant
tout un mois, le peuple tout entier descende stir les
c,hantiers et en mette un bon coup a deblayer, ?mpiler
les briques, a creuser, C'est bien cola qui Sc
produit taus les ans en septernbre. 11 y a en Pologne un
Mois de Is reconstruction. Comme si les autres mois on
se tournait les pouces
C'est beauooup de eela qu'est faite la vraie democm-
tie : si Von pense quo le plan a ete discute par tous,
souvent amende, ameliore et gull est ainsi devenu une
premiere fois, a un premier degre, la chose de tous, on
comprendra la volonte qui se saisit de tots a vouloir le
realiser et meme avant les &lads prevus. Cela constitue
un diet du second degre.
11 est dit dans la definition de la planification : Pia-
nifier, eest vouloir faeonner la realite ; le plan est un
acte de savoir et une volonte ; il a pour but le develop-
pement general des forces productives, le bien-eia-e de
toute la societe et non celui des classes possedantes ;11
est effectivemcnt obligatoire, qu'il est exe-
cute ; des rapports sont rediges systematiquernent et per-
mettent la comparaison reguliere entre l'execution et le
plan lui-merne, car l'econornie planifiee c'est non seu-
lement l'elaboration du plan mais aussi la lutte pour
l'execution du plan, une confrontation continue entre
le plan et son execution. 11 ressort de cette derniere propo-
sition qu'il arrive qu'on alt a revoir les donnees du plan
pour en tmeliorer l'execution et alors pour tous s'impose
un nouveau travail critique, de nouvelles decisions, de
nouveaux engagements. Le plan entre ainsi une troi-
sieme tots dans la fibre des realisateurs :21 devient une
chose vivante.
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IMMEUBLES, CITES, QUARTIERS
59
Ii n'a rien de commun avec ces plans de nos pays occi-
dentaux qui ne sont faits que pour le benefice des classes
possedantes, pour assurer la preeminence des classes
possedantes d'un pays donne sur les classes possedan-
tes d'autres pays, pour imposer l'hegemonie d'un Etat
capitaliste donne sur son propre pays et d'autres pays,
ces plans qui, en fin de compte, ne sont faits que pour
la guerre et qui, si les peuples laissaient faire, condui-
raient infailliblement a la guerre. Ces plans l?ont gene-
rateurs de chomage ; us portent des coups models dans
certains secteurs des productions nationales, ainsi que
cela se voit si nettement, si dairement, en France et en
Italie.
Il est dans la nature meme de Feconomie planifiee socia-
listh d'a,ssurer une exploitation harmonieuse de toutes les
ressources materielles et humaines de la nation pour le
rneilleur etre de tous. Elle garantit l'independance eco-
nomique et politique d'un pays. Elle est en definitive un
element de paix interieure et exterieure, un element de
bonheur.
La gaiete ? C'est pour aujourd'hui.
EST-CE vraiment trop dire que c'est aux effets de cette
econornie planifiee que les Polonais doivent cet air de
gens heureux que l'on reconnait a l'ouvrier, a l'employe,
a la mere de famille, aux enfants, aux etudiants, aux
jeunes constructeurs de Nowa-Huta? Chacun en Polo-
gne est At- des lendemains.
Le niveau de vie s'eleve progressivernent,
constamment et rapidement. Les nsques de chO-
mage et de misere sont elimines, les perspec-
tives d'amelioration sont infinies et le rythme
du progres depasse les pronostics les plus opti-
mistes.
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6o LA POLOGNE
C'est Pierre Cot qui remarquait cela lorsqu'en mai
X950, il demontrait a la salle Pleyel que les rapports
entre l'Est et l'Ouest sont possibles. Ces impressions d'un
voyageur averti meritent d'etre reproduites. Les voici :
Ce qui frappe ceux qui visitent cc nouveau
monde et s'efTorcent de le comprendre, c'est
l'impression de joie, de confiance dans l'avenir,
de sante physique et morale que donne la popu-
lation consideree dans son ensemble. Cette im-
pression contraste avec celle que &gage la
oule des grandes vines occidentales oil I on voit
tant de visages preaccupes et de regards in-
quiets.
II est facile de decouvrir les causes de cette
difference et de cc contraste. Le travailleur Iran-
cgs constate que sa part dans le revenu natio-
nal est moins elevee que jadis, son niveau de
vie est plus bas qu'avant-guerre. II y a moms
de places dans les hopitaux. La reconstruction
marche mal. Le chemage sevit en Europe occi-
dentale, peu encore chez nous, mais en Alle-
magne, en Italic, en Belgique, c'est-a-dire dans
les pays auxquels certains projets gouvememen-
tatix entendent souder notre economic. Et
quand le travailleur francais park avec son
patron, il salt que le carnet de commandos de
son usine est moms bien rernplique l'annee den-
there. Il a done toutes les raisons d'?e peu
satisfait du present et inquiet de l'avenir.
Dans les dernocraties populaires, le travail-
leur fait des constatations differentes. Bien que
ces pays aient beaucoup plus souffert de la
guerre que le notre, le revenu national par tete
d'habitant et la _production ne cessent de s'ac-
crottre. Les profits capitalistes etant reduits
leur plus simple expression, cc sant les travail-
buns manuels ou intellectuels qui beneficient
de cet accroissement confirm. us vivent mieux
qu'avant la guerre. Chaque annee, le nombre
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IMMEUBLES, CITES, QUARTIERS
61
des ecoles, des hopitaux, des creches, des cen-
tres de repos et de vacances pour les travail-
leurs augmente. La condition humaine s'amo-
liore et Ie souci de l'homme, de son bien-etre
materiel et surtout de sa dignite, a.pparait dans
toutes Ps initiatives du pouvoir populaire.
L'Ocart qui separait et souvent opposait la vile
et la campagne commence a se combler. L'eco-
nomie planifiee supprime jusqu'aux risques de
chOmage. Ne nous etonnons pas des lors que la
productivito du travail s'accroisse plus vite de
l'autre cete du fameux rideau de fer qui sem-
ble surtout le rideau de la calomnie et que sur
les visages, a la vile et a. la campagne, la gaite
et l'espoir remplacent l'angoisse et l'abattement.
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CHAPITRE V
GORNOSLASKA 45
OU LE BUREAU D'UIRBANISME
DE VARSOVIE
L'atelier du Pere Neal.
Jtm voulu voir les bureaux oil s'elaborent les plans de
reconstruction et de construction de Varsovie. Mon
ami Wisniewski et moi nous avons, un apres-midi
de la fin juillet, penetre dans un parc en pleine vile.
En bordure des largos allees se trouvait dans le ttmps
d'avant-guerre un hopital fait de pavilions distincts.
La vegetation demeure desordonnee, comme abandon-
n?elle-merne, 11 y a des arbres intacts. fl y en a
de mutiles. Les herbts et les plantes grimpantes, an
milieu desquelles les allees et venues oat trace des die-
ruins, poussent en toute liberte. Les batiments bas,
quelque peu en retrait, portent encore les traces des
batailles d'hier. Mais l'essentiel de l'appareil a ete
repare, hativement d'ailleurs biessures pansees, sur les
MUM gris, avec des briques rouges laissees a nu et entre
lesquelles la truelle a neglige d'enlever la bavure tin
mortier. Neuves et sans peinture, les portes et l'armature
en bois des doubles fenetres plus larges que hautes. Natu-
rat:meat, sur c,haque appui de fenetre, ii y a des caisses
de flews.
Nous cherchons l'ancien pavilion de chirurgie. Y a-t-ii
en 'me intention ? C'est la. qu'a ete installe, des fevrier
1945, ce Bureau de l'Urbanisme qui aura recu la grande
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GORNOSLASKA 45
63
mission de reparer le corps supplicie de la capitale et
de le refaire neuf, plus fort et plus beau.
Nous penetrons dans un couloir aux doisons de
briques et de bois. Ce n'est pas riche. C'est pourtant
qu'on decide du destin d'une grande ville socialiste.
C'est pourtant la, comme on me le dira tout a l'heure,
qiie le president Bierut vient lui-meme se rendre compte
de l'etat des travaux et discuter avec les techniciens et
les employes. Certes, ii y a par ailleurs un ministere
de la. Construction, un Bureau central des projets. Id
toutes les decisions arrivent et prennent lignes et formes
sur d'immenses cartes ; c'est la quo l'on peut voir les
images parlantes de l'ancienne Varsovie, de Varsovie
detruite, de la Varsovie reconstruite, de la Varsovie
de demain. Ii y a des vues cl'ensemble ; ii y a des vues
de detail. Les cartes sont doublees de maquettes blan-
ches, vertes et bleues. J'ai vu le merveilleux atelier des
fabriquants de maquettes avec ses minuscules outils,
ses pots de colle et de peinture, ses lamelles de contre-
plaque, ses feuilles de gros carton, ses menus pinceaux,
ses regles graduees, ses planches a dessin. Un atelier
de Pere Noel oa l'on imagine la joie qu'eprouveraient les
enfants a y vivre, a mesurer, a tallier, a coller, a peindre.
La Varsovie de demain est la, avec ses avenues, ses
pares, ses ponts, ses stades, ses monuments, ses hopitaux,
ses ecoles, ses usines, ses eglises, son port, ses voles fer-
roes, son metro. J'ai l'impression d'etre arrive au pays
du merveilleux, l?a se fabriquaient les belles et gra-
tuites histoires de nos miffs de Noel. Mais je pense, en
un-rapide retour de pensee, a tout ce quo cela signifie,
la realite qu'il y a la, aux efforts de l'esprit et des mus-
cles, aux sacrifices consentis pour que cela devienne vie.
Je pense a ces macons qui, a raison de 6o.000 briques
par Jour, vont faire de ces liliputiennes constructions les
grandes, belles et chaudes maisons des hommes. Tout
un peuple de batisseurs va intervenir. Ici, dans des
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64
LA POLOGNE
bureaux derisoires, travaillent seuletnent 120 personnes,
sous la direction competente de Zygmunt Skibniewski,
120 personnes qui savent quel grand ceuvre est le leur
et dont je devine gulls sentent qu'ils sont des privilegies.
us ont vecu, au jour le jour, la reconstruction de leur
ville. us en voient la construction jour apres jour, ligne
apres ligne, volume apres volume. Ds sont dej& les habi-
tants heureux de la Varsovie de demain dont us connais-
sent reteridue, l'amenagement et les details. us vous en
parlent, en effet, comme Si tout etait chose faite. us
savent quo tout sera chose faite.
Vtie cavatiere de la Varsovie d'avant-guerre.
M ous voici dans la salle des cartes. tine adjointe de
111 Zygmunt Skibniewski, jeune, elegante, attend nos
questions. Tout naturellement, Halina Wisniecowska
park un francais Ire& put et tres aise.
Ittontrez-moi, voulez-vous, la Varsovie d'avant la
guerre.
Sur une grande table, Halina Wisniecowska deroule
lute carte de pres de neuf metres carres, toilee, en
couleur.
Varsovie, avant la guerre, s'etendait sur 121 kilo-
metres carres II y a le fleuve, puis sur la rive gauche une
frange de terre basse et etroite, puis une haute terrasse,
puis la ville allongee d'apres un axe nord-sud.
(i Au Nord, et pres de la Vistule, c'etait la vieille ville,
Stare-lliasto, gothique et baroque, avec, sur son coin
sud-est, le Palais royal, et, sur son coin est, le ghetto,
quartier aux rues pressees, etroites, peuplees d'artisans,
de petits commercants, d'ouvriers.
cc Au lux et au xx? si?e, la vile s'est continuee an
Sud, le long de deux axes paralleles a la Vistule, Nowy-
Swiat et la Marszalkowska, axes coupes transversalement
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CORNOSLASKA 45 63
par deux voies commandees par les ponts de la. Vistule,
l'actuelle artere Est-Ouest qui part du pont Dambrowski,
et les allees de Jerusalem qui prennent leur origine au
pont Poniatowski.
a ?scond ensemble comprenait le guarder des af-
faires, des palais et des pares; c'etait le guarder de
luxe. Ici, le pare Lazienki, la, celui du Belvedere.
? E y avait aus.si les ministeres et les ambassades.
Voila oa Sc trouvait l'ambassade de France.
vieille vine et la ville bourgeoise etaient nette-
ment separes par ce qu'on appelle l'Axe saxon, ici.
a II y avait des usines et des quartiers ouvriers, des
banlieues desesperement disgraciees et monotones.
D'abord, sur la plaine basse, entre la Vistule et son
coteau : c'est un coin humid, toujours convert de
brouillard ; les fabriques et les immeubles de rapport
ajoutaient leur laideur a sa tristesse. Ensuite sur la
rive droite, a Praga, surtout.
Apres 1919, 'Industrie occupa en ordre disperse
toute la peripherie de la vile. au Sud, Mokotow, a
? l'Ouest, Ochota, Kolo, au Nord, Marymont et Zoliborz,
l'industrie et ses inevitables boites a loyer, ses inevi-
tables taudis. Des quartiers sans canalisations ni eau
courante ni electricite, ni communications entre eux et
le centre de la vine. Aucune verdure. Pas un seul ter-
rain de repos. Nulle installation culturelle. Les immeubles
n'etaient que casernes plongees dans la boue et la salete.
a Tout cela etait fait au hasard des improvisations et
des speculations. C'etait desordonne parce que 'lyre a
l'initiative du capital prive.
Ii y avait une repartition de la population par classes
sociales. Dans son ensemble Varsovie etait une ville
laide, peu confortable pour la majorite de ses habi-
tants; dure a sa population laborieuse. Qu'il suffise
4:11ndiquer que dans les quartiers ouvriers une seule piece
d'habitation devait stare a quatre personnes 1 Ii n'en
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66 LA POLOGla
&sit pas de meme, faut-il le preciser, dans le quartier
residennel, oh tine seule personae disposait, en moyenne,
de sept pieces. Evidemment, le cubage moyen d'une
place etait dans les grands a.ppartements bourgeois
incomparablement phis eleve que celui d'une piece dans
les logetnents ouvrims ; celui qui habitait un apparte-
ment luxueux, se cotnposant de plusieurs pieces, bend-
ficiait d'au moms dix fob plus d'air et de huniere que
le loca.taire d'Im logement compOse cruse seule piece.
? Avant la guerre, tons les efforts tendaient a ame-
Borer les conditions d'habitat de la bourgeoisie et des
haub fonctionnaires, cependant .que les conditions d'ha-
bitat de la classe ouvriere ne cessaient de s'aggraver.
? Comme l'a dit le president tierut,
nous avons trouve les 'debris d'une vale bitie
sans auctin plan, avec des quartiers ouvriera
fantastiquement surpeuples et negliges, et des
quartiers aristocratiques abondamment pour-
vas et Nen amenag,.... Nous avons trouve une
ville oh les droits naturels de l'homme a l'es-
pace, la huniere et It la verdure avaient ite
Ates a la classe ouvriere.
Didie I M. Claudius Petit.
Jvais vous demander de me faire le compte de la
reconstruction au point oh elle en est a present.
-- A present, et depuis un an, coups Halina, nous
ne parlous plus de reconstruction. La periode de la
reconstruction est pasiee. Nous discos construction, et
nous avons en Pologne tm ministere de la Construction.
Excusez-moi, Mademoiselle, je suis Francais, et
chez nous, Miss !flys encore un ministere de la
Reconstruction. Je voulais dire, ow, que cc que je
Youths* apprendre et voir sur vos cartes, c'est ce que
aera devenue la Varsovie du plan de six ans.
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? GORNOSLASK A 45 67
II est necessaire que je vous donne quelques chif-
fres stir ce ,qui a et6 r6alisd au cours du plan de trois
ans, c'est-kdke jusqu'a la fin de 1949.
q?Avarit,,10? guerre, pour une population de 1.300.000
babitazts le ,cubage des batiments de Varsovie
4)3 millions de m3 ; la destruction laissa 26
lions dem3 debout, mais en fort mauvais ?t et a peu
pies inbabjtabl. Vers la fin de 1949, le cubage nette-
'meat jlaktike atteignait 44 millions de m3 pour une
P?Pula49n,,e??99...90Q habitants.
0 Cos mules montrent qu'il nous reste beaucoup
faire, %ix plan de six ans est l?our y penser.
Com,14en les 18 millions de m3 reconstruits pen-
dant les, tmis. ans representent-ils de pieces d'habita-
tion ? ?
ue prevoit le plan de six ans ?
De quoi loger fres confortablement pres de 900.000
habitants, En fait, Varsovie, en 1955, ne comptera que
ecso.000 habitants. C'est dire que tout le monde sera
eenictrtablernent loge. Nous aurons cependant abattu
pas mai d'irnmeubles.
? ?Vous aurez abattu des ?immeubles ?
/vIais oui, de vieux immeubles retapes ou des im-
rneubles neufs qu'il aura fallu construire, id i ou
, pour parer au plus press& Vous comprenez, ii faut que
Varsovie possede de larges avenues. Alors, ce qui pour-
raft gather la perspective, nous le demolirons. Les habi-
tants de ces maisons condamnees savent, des maintenant,
gulls auront a &tanager. us savent gulls seront relo-
Os et oil us seront reloges. Ils savent aussi qu'ils ne
perdront pas au change, loin de l?Chez nous, il n'y
a jamais d'expulsion sans relogement immediat.
Mais ces chiffres que je vous donne ne vous disent
peut-etre pas grand'chose ; iLs ne valent que si l'on a
vu, avec ses yeux, ce qu'ils representent dans la vile
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LA POLOCNE
elle-rnAme; sortez, promenez-vous et regardez. Nos pro-
jets ne restent pas dorsi* dans des cartons.
u je voudrais encore lotus dire qu'avant la guerre,
6o pour cent seulement de la population itaient bran-
ch& sur les canalisations d'eau de la yule. Le plan de
six ans assurers l'usage de l'eau courante a go pour cent
do. la population de la capitate I
Une capitale socialist..
DOINEZ-VOUS me dire quels principes mspirent les
constructeurs de Varsovie, car, n'est-ce pas, vous
ne batisez pas au haserd et n'importe comment?
C'est sr, l'anarchie West pas notre fait. Un sent
ptincipe nous inspire et nous du'ige VELTS0Vie sera tine
ville socialiste.
Qu'est-ce gee cela vent dire?
je vais essayer de vans le demontrer.
13 .faudra d'abord de l'espace pour tons, de l'air
pour tots, de la verdure pour tous. La Varsovie d'hier,
avec 1.300.000 habitants, se serrait stir 120 kM2. La
Varsovie gue nous construisons reetalera sur 1.800 km2;
tile aura 2 millions et demi d'habitants. Paris a une
auperficie de 86 kratz. Sur ces 86 km2, s'entassent on
InventIt leur aise, scion lent condition sociale, 2.800.000
habitants.
--- OW, je vois. 2 millions de Varsoviens seront ins-
hats sur 1.800 lanz pendant gue 2.800.000 Parisiens se
contenteront de 86 kmz. 1.3n Parisien disposera d'un
u espace vital o de 30 M2, un Varsovien d'un ? espace
vital e de 720 1fl2.
-- VOUS comprenez qu'avec sine tette superficie, les
pares, les jardins abonderont, et les larges avenues les
stades et les imnsenses places. Au pied de l'escarpentent
de la. Vistule gue l'humidith rend inhabitable, ii y aura
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CORNqs.L4wA 45 69
1111 pare de culture et de repos. La vieille cite, avec se;
bureaux et sea ?habitations, sera encerclee d'arbres. Les
800.000 habitants de 1955 disposeront de 3.500 hectares
de terrain boise.
? Deux stadgs sont pr6vus, l'un au Nord, l'autre au
Sud ; us pourront recevoir chacun 40.000 spectateurs.
Votre stade de Colombes a une capacite de 6o.000
15ia.ces. De plus, chaque quartier, au sens que nous
donnons id a ce mot, aura son stade particulier.
cc Aq. dela du _plan de six ans, nous prevoyons, dans
Ia. :4Aion such construction d'un stade qui pourra
conteng, o os? yiFteurs.
ps places seront peut-etre les plus vastes et les
plus monumentales du monde. Qu'il s'agisse de la place
de la Banque, de la place de Saint-Thomas, de la place
de l'Iatel-de-Ville, de la place Grzybowski, de la place de
la Gare on de la place des Trois-Croix.
? Vous ,sav,ez ce que sera la nouvelle Marszalkowska,
la vole Nord-Sud, longue de io kilometres (la voie Est-
Ouest n'en,compte que 6) dans son milieu, cette artere
'elargira ; II y aura la une immense place, la place du
Yeuple, la place de toute la Pologne, vous comprenez,
la place oti, aux jours solennels, viendra defiler le peuple
do Pologne. C'est sur cette place que se concentrera la
Vie sodale et sulturelle de la capitale et de la nation
Excusez-moi dans mes explications je mele un pen
tons l 61ements, mais, n'est-ce pas ? tout se tient et
qtatid on parle de vile aeree, ii faut bien parlor aussi
de culture, de democratie...
? De socialiszne.
,une capitale socialiste appartient a tout le
pays, a tops les habitants du pays et non pas seulement
ceux qui Filabitent. Il ley aura aucune opposition
entre la vile et le reste du pays. La capitale rendra au
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144 POLOGNE
pays plus qu'elle n'en aura jamais mu. Elle Ile sera
par wie cite tentaculaire. Nous sommes pour les beareux
equllibres
Los beaux quartlers ? Pour taus.
n &endue, et malgre ou a cause de son eten-
due, la vine sera une; elle ne possidera pas de
faubourgs. Tous les quartiers seront, 1111011 les memes,
du moms en possession du merne confort, des memes
facllite..s de communications, de la menu hygiene, des
mettles ittributs cuiturels et sporfifs. La repartition de
la ,population ne tiendra nullement compte des conditions
'ales, et pour cause. Notre president Bierut l'a dit
let 1949
les terrains qui, autrefois, etaient'llabites uni-
quernent par la population aisee serunt affec-
t& aux cites ouvrieres.
Les habitations ouvfieres eitendront, entre autres. le
long des deux plus grandes et des deux plus belles
arteres; Alla volr qui est loge a Marienstadt et a Nowy-
Ssriat I 11 faut roinpre avec les traditions qui consis-
talent a refouler la classe ouvriere dans les faubourgs.
11 n'y aura meme plus de cc que, entre gens du metier,
non; appelons la ? segregation professionnelle ?. On
tassemblera, autant que faire se pouna, ouvriers, em-
ployes, intellectuels, commercants. 11 vi de soi qu'au
centre de la ville oh des droits anciens ont ete respectes,
ce systemic ne pourra etre applique qu'avec beaucoup
de sou lesse
'est-a-dire ?
h bien, voila, ii y a des commerronts qui doi-
vent, tout de merne, etre loges Fes de letus magssins ;
il y a des employes de banque, des fonctionnaires,
y a interet a loger Fes du lieu de leur travail, les
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GORNOSLASKA 45
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servtees publics devront etre necessairement concentres
pour des raisons qui se devinent. II en sera autrement
dans les cites d'habitation construites en pleine ville ou
en bordure L?eront loges indistinctement des habi-
tants de toutes professions.
Mak vous a.urez des quartiers specialises, si je
puis dire, par exemple un guarder diplomatique, un
guarder universits.ire
Ow ce ne seront l?ue des exceptions, encore
faut-il preciser que l'interet que nous accordons a notre
Universitk, a nos instituts, a nos grandes Ecoles,
no cites universitaires, nous obligera a ¢er nos
constructions Ii y en aura, comme ii y en a toujours
eu, sur la crete qui domine la Vistule ;ii y en aura aussi
dans la partie sud-ouest, au milieu d'un grand part
que nous amenagerons dans le quartier de Mokotow ;
cet ecIatement interessera surtout la Faculte des sciences
et la raculte de 1116F1e4#e, ,
o A oes etablissements d'enseignernent superieur le
plan de six ans accorcle 830.000 m2 de constructions
nouvelles, Nous Fonstruirons en plus de celles qui exis-
tent deja, 66 ecoles primaires, 22 ecoles secondaires,
50 ecoles professionnelles. Nous construirons surtout
130 ecoles maternelles ; eela reduira la distance de la
maison ti. l'ecole. ceia permettra aux femmes de s'inte-
grer dans la production ; elle.s auront ainsi, non seule-
merit en theorie mais en prectique, des possibilites egales
celles des hommes.
Ville n14011419, propre, silencieuse.
LYsqu'elle evoque un aspect nouveau de la construc-
tion de sa ville, cette jeune technicienne qu'est Ha-
lina Wisniecowska, assise a recuyere sur un bord de
table memontre le quarticr, la cite dont il s'agit, le
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72 LA POLOGNE
point oil se trouve ce dont elle park. Les cartes changent,
Pune rernplace l'autre : cartes au 1/50.000, cartes au
iiro.000, cartes au 1/2.500 : on passe de l'enSemble
au detail. A present, je vois mieux la vile.
Varsovie n'a pas de secret pour vous, Mademoi-
selle?
-- En effet. Voyez ce plan, II est tout piquete de
points noirs, de points rouges, de points verts.
Cmieux, en effet, ce plan avec sa belle et onduleuse
Vistule bleue, ses fonds acre ou jaune clair. Et tous
eft points I Mais ce n'est point la ceuvre de peintre poin-
tfiliste. Les points n'ont pas le charrne des coups de
pinecau approximativement portes sur la toile. Ds sont
en rangs et comme a l'alignement. je regarde mieux :
ii ne s'en trouve que dans les limit rectilignes des
immeubles ou des pates de maisons et de quartiers. je
regarcfe Mlle Halina.
C'est le plan des mouvernents des habitants de
Varsovie :les points noirs, ce sont les habitants loges
de maniere qu'on peut considerer Comme definitive; les
points rouges, ce sont les habitants provisoirement loges,
par etemple dans ces imrneubles dont je vous parlais
tout b. l'heure et qui sont des immeubles destines a dis-
parattre en vertu de nos regles d'urbanisme ; les points
verts indiquent oti sera install& cette population non
defuntivement !ogee et wile qui constituera cet apport
dont nous avons besoin
a Car II nous faudra recevoir encore beaucoup de
monde, une capitale a besoin de monde, surtout lorsque,
pour etre pleinement socialiste, ii lui est necessaire
d'etre une vile industrielle encore plus qu'elle ne l'etait
avant la guerre. En 1955, ii y aura a Varsovie 200.000
ouvriers dans l'industrie (cuir, vetements, livres, bati-
ment, alimentation, industries & precision , electro -tech:
rape, produits chimiques, metaturgie) Nous possede-
rons, en outre, une immense mine &automobiles. Nous
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GOPNO,SEASkA. 45
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auris leve 5.-6Oo.000 m3 d'usines nouvelles, mais nos
industnes ne seront plus itriplantees au hasard
a ii y aura trois secteurs principaux : deux, au sud
et S. l'ouest de la yule, rassemblcront des industries
dites legeres : electrotechnique, automobiles, appareils
de T.S.F., instruments medicaux, ampoules olectriques.
La troisieme au nord de la vine, sur la rive droite. non
loin de Praga, a Zeran, 'poectera les industries lourdes
et ,tes industries desagreables par leur odeur ou leur
funiee, -les industries chirniques par exethple.
mats 9uel est le facteur qui a decide que les indus-
tries fegeres seront a Wola, les industries lourdes et clesa-
'grea.bles a Zeran?
-- trite wile socialiste doit etre une vile same et une
ville ,propre. Coinbien"de vines industrielles construites
an rtmleu des, usmes On no sait plus si c'est la vine qui
Ita 4. ?
estclans ou l'usine clans la vile ! Vous savez, les
rS, logis noirs, cette ?deur oti ces odeuts qui se
meient' clans les veternents, et jusque, dirait-on dans la
'
pea.ii des habitants. A V arsovie, le vent souffle d'Ouest
en, ,st. Installer nos industries desagreables a l'ouest
4, la vile c'etait couvrir celle-ci de firm& et rabattre
sur Ale thntes les pitanteuts ; Zeran, les odeurs et les
? futpees sen vont, dies se perdent sur la campagne.
est ,aussi pour une raison &hygiene physique et
augr, comment dirai-je, une raison psychique, que nous
n'au,rons plus de trains au charbon a l'interieur de la
vale- Sur tout le territoire de la grande Varsovie les
trairta seront electrifies, les locomotives a vapeur res-
terent loin* nos portes.
ourquoi dites-vous une raison psychique ?
fait proteger les habitants d'une vile contre le
plus de bruit possible, contre tous les bruits si possible.
La, population citadine a besoin de silence, elle a droit
au silence; cc silence, nous le donnons a nos immeu-
bles, & nos cites, a nos guar-tiers et, par voie de conse-
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74
14 POLOW
trance, a is vile entiere. Les bruits interieurs ou
et-
neurs reempecheront personae de bien dormir, ; les gros
vdticules, les W.-hist:1e5 al bruit ;le pourront pas pent-
ter k rinterieur de la, cit, ils passeront sur les bords
et an large.
Transports.
A Varsovie de x.tioo km2 de superficie, que vous de-
? uottpez l'Ensecable municipal, aura besoin de se-
de= .moyens de transport a cause de son etendue et
d'antant que si vous logez vos ouvriers jusque dans le
centre fkla vale il sera necessaire de les vehiculer jos-
quilt huts usines qui se trouveront, elles, en bordure ?
Vstre question sem,ble vouloir dire que la segre-
gation sociale l?a elle est une regle, a Paris par e.xem-
pie, place le travailleur pas de son lieu de travail,
bureau, wine, &Wier, er-ole. Vous savez qu'fi n'en
est nuliement ainsi et que tous les ouvriets et techniciens
des usines de Boulogne-Billancourt n'habitent pas. et
loin de l?Boulogne-13illancourt. 11 en est qui habitent
20 et 30 km. de Boulogne-Billancourt et qui passent
ainsi just: 3 et 4 heures par jour dans vote metro,
vos auto bus, vos trains de petite et gra.nde banlieue.
Cela dolt etre trt$ mauvais pour Ic rendement, mai,s
east certainement mauvats' pour l'homme et la femme
eu.x-ratmes qui. le soir, se trouvent etre fatigues, sur-
meats, et aussi pour leur fatale. A ces ennuis s'ajoute
le hit title vous coupez Ia journie en deux. Vous finis-
sez a duc-huit, a dix-neuf heures, sinon plus tard. i.e
temps de faire une toilette sommaire, de regagner le
lointain omi?e, II ne reste plus que la force de manger
et (le se coucher. Chez nous la journee est terminte a
seize heures : ii n'y a eu a midi qu'un Leger arrtt pour
absorber une legere collation. Le soir, nous avons le
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GORNOSLASKA 43
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teMps de faire nos courses, dialler, a clix-neuf heures
an theatre, au concert ou au cinema j'ai cionnu la vie
de Paris. Ele est hallucin ante pour la femme qui doit
etre ouvriere ou employee, mere de famille, menagere,
euisirdere.
'rake une ville sans quartiers d'habitation specia-
lises, cela vent dire d'aberd que les conditions d'habi-
teflon seront les memes pour tous, que tout le monde
sera contortablement et sainement loge. Ceux qui tra-
vellierOxit dans le groupe industriel sud habiteront
Moltqtow, Wierzbrno, Miaow, Okecie. Ceux qui tra-
vailleront dans le groupe ouest habiteront Rol?, Wola,
no*,-Sre miescie, Ochota, Rakowiec. Ceux qui tm-
Wont dans le groupe nord (rive droite surtout de
la ristule) habiteront Maryrnont, Mlociny, Brodno,
Praga, TargoWek tin travailleur ne devra pas employer
plus d'une demi-heure pour se rendre a son travail Cu
en reventr. Mais ces dispositions ne nous empecheront
pas d'avoir un systerne de communications ties &ye-
1?P,P?
o dui, ii y aura d'abord ces avenues de longueur jus-
quici ,
inconnues comme la vale Est-Ouest, comme la
Marszalkowska. prolongee. Dans le cadre du plan de six
arts, nous comptons construire en plus 50 km de rues
importantes ; nous multiplierons les lignes de trolleybus,
de tramways , d'autobus ; nous creuserons une premiere
ligne de metro qui partira du centre pour aboutir a la
limite nord. C'est vers le Nord que la vine se develop-
peta et c'est dans cette direction que se trouvera le
centre inclustriel de Zeran et le port. D'ailleurs, des
/956, d'autreilignes de metro partiront du Centre pour
se rendre dans les diverses directions, en etoile ; cela
fera en tout 26 km de metropolitain II faut dire que
nous ?irons, ou , un port
T..Tn port?
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LA POLOGNE
le plan de six ans prevoit l'amilioration du
do la Vistule,en mord et en aval de Cracovie,
Mat ridruS dattlihilicons des maintenant la construction
dn port de Varsovie, un tres grand port. La vile possede
deux pants; en 1955, elle en possedera trais, rnais nous
pensOns 4 al construire quatre autres par la suite. Notre
patique de construction, vans le voyez, est lain d'?e
une.politique a la petite semaine. Nous sommes tene-
ment salts de notre Avenir
Aurez-volls 49; liars COW= Wes de Pols ?
Pinsez-vous I 11... est difficile d'imminer que les
Fraricala tolere.nt encore le systeme des Italles, taus ces
ttalagea en plein air, au ?mar de Paris, dans des
rues plus on mains larges. ?n'a rien de bien hygie-
nique- tout cela la circulation de votre rive eraite
se trouye considerablemept genee pendant une grande
partie de la journee. Certains trouveront c.cla pitto-
rogue ; ici nous ne vo*ns plus de cc pittoresque-la I
II y aura a. Varsovie des centres cornnierclaux de
quartlers, tout un ensemble de cooperatives, d'entre-
pots, de frigidaires, tout un reseau special de distri-
bution 4es produits laitiers et de la viande ;ii y aura
de grinds rnagasins d'Etat. De gmnds hopitaux. de
nouvalei centrates eectriques, une nouvelle usine a gaz
sont d? en construction.
lirou?s me deniandiez quels etaient nos principes?
P 'sire u4e yftic social*, la faire avec la volonte, l'en-
tbousiasme de' taus -les rolonais, faire tine vile belle
et' heurelise.
Et rola le Parti warier usifi
Tom eels est plus facile a. dire qu'a faire. Et nous sa-
MIS fort bien n'y ,a pas de miracles. II n'est
surtout pas possible que les chases 4trint crites au dessi-
nees, bien ecrites et bien dessinees, dies se realisent
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GORNOSLASKA 45
d'elles7mernes on meme sous la direction d' une adminis-
tration si bien organisee, si devouee soit-elle. L'aide et
l'experience de l'Union sovietique n'interviendraient
?pas pleinement, avec le maximum de puissance, s'il n'y
,-avlit pas en Pologne des hommes et des femmes (lament
organises et decides a se faire, au prix de tous les sacri-
fices, les conducteurs de travaux du peuple entier et
dans tous les secteurs de l'activite.
sous les yeux la traduction de l'expose fait en
ufllet -?.940 par le camarade Wich devant la Fed&
?ration varsovienne du Parti ouvrier unifie de Pologne,
Federation dont Wich est le secretaire general. Cet
expose &a rien d'un travail confidentiel. Ii a.-ete publie
-extenso par le_quotidien du Parti ouvrier unifie, Try-
udu. Ily a la une analyse critique qui va pro-
of de Ciractere irnpitoya.ble. Rien n'est passe sous
'tes rnethodes de travail en equipes sont insuffisam-
nicht alvliguees...' La preparation? 'du terrain a batir
est astOujours bonne... Sur les chantiers se cons-
Iateitde_nombreuses Courses a vide, de longues periodes
9,,,sfationnernent.. Ii y a des postes- surCharges de
fraVai e a41.1tres qui n'en ont pas suffisamment...
-Dans un chantier, on a creuse une galerie souterraine
pour evacuer les gravats vers un emplacement eloigne
cin4 kilOmetres alors qu'a quelques dizaines de metres'
de ce &antler une autre entreprise faisait venir d'un
lieu distant de deux kilometres les gravats dont elle avait
besoin... Bien que nous souffrions d'un manque cons-
ant' 'de specialistes, le plan de formation de nouveaux
cadre tea, p?ete realise 'dans sa totalite... Le systeme
cjePartition'des 'cadres 'techniques aceuSe de grossieres
eng::Surui ndinbre _total de 650 ingenieurs en acti-
Xit6, ,243 trakaillent sur-les auntie's et 298 dans les
divers rpuseils et associations centrales...
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LA POLOGNE
Cs ;a rt de With fut suivi d'une discussion, ainsi
quo lee autres rapports presentee au cours de la
=thence p.
Mine, delegue du CA:mite central du Parti
ottvlier unit* et ministre de la Coustniction, fit le
pottit des discussions et tira, comme on dit, les conclu-
skins.
Le !engage fut toujours realiste et vrai.
VIII a &lime americain a des allies chez
? els sont ces allies? Ce scot les clos-
et; disloquees? les capitalistes et les
rinds proprietaires tertian que nous avons
ftaa? Is an. cows (les aaaes x944 et i945 et
Ue none bannissons tons les jours. Allies de
isnie tout as gene qui, avant la
dant de longues alludes, furent les
les agents de la bourgeoisie... Alliee
de l'imperialisme est la fraction du clerge ainsi
clue cc qui reste du mouvement terronste. Al-
lies de l'impenaliame ou pinta set agents di-
rects, les espions qui out ete envoy& chez
nous? Et toys US combattent coutre nous. us
tent notre economie. Ils s'efforcent de
=der, de alarment la popula-
ils speculent, lit stockent, ils tentent d'or-
la panique... On a peu parte de tout
I la presente conference...
Nous scowls les commis inconciliebles du
mal; nous lintons pour extirper le mal.
au cours de la presente conference, il a ete
fort peu question de la lutte acharnee qui doit
etre menee mitre tout ce qui est mauvais. II
Sigubleralt que tout Varsovie soit bien. Cepen-
dant 11 y a encore beaucoup de racaille et de
Crapulerle. Nombreuses sant les personnes qui
se ent du fonctionnement des institutions,
deJa bureaucratic qui y regne et qui les renvoie
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GORNOSLASKA 45 79
d'un guichet a l'autre. II y a encore beaucoup
de desordre dans le commerce et en c-e qui
conceme la refection de l'habitat. Au cows de
la, conference, OD n'a pas senti de passion dans
la lutte a mener contre ce mal... Ii faut mettre
fin a cette ambiance de dimanche...
Trop soirvent encore, chez nous, on dirige
la construction du socialisme depuis la table
autour de laquelle on est assis...
... Nous disons que Varsovie est un chantier
de construction: nous avons construit tant de
batirnents, ta.nt de pieces d'habitation, l'artere
Est-Ouest ; nous conitruisons actuellement la
Marszalkowska. Tout cela est vrai. Mais ii
serait utile de se rappeler egalement que l'on
peut voir dans certams quartiers, a Zoliborz
nota.rnment, des facades ecalees, des traces de
banes qui prouvent que personne ne pense
les fake disparattre et a les revetir. II y a en-
core des rumes, de la salete et de la =sere a
cote desquelles on &lift la Marszalkowska et
on &eve des maisons. Peut-on tolerer un pareil
?t de choses
Waxy Minc ten-nina sa critique des &bats et de
l'acti9a pass& de la Federation varsovienne en souli-
ant, entre autres, que cc voter la meilleure des reso-
uti. ons est inutile si l'on ne controle pas sa mise
eieCution et son execution... ? Dans la definition
de Ia. Planification socialiste, la question du controle
constant est pour ainsi dire la chose essentielle.
II n'y a pas de miracles. 11 y a l'intelligence et la
volonte de l'homme tendues vers une fin.
Ces explications apportees par les textes que j'ai
Cites valent pour Varsov re et la Pologne entiere. Elles
font a preuve que, sous la conduite du Parti ouvrier
unifie, ? Ic Para des masses et de la vie ?, la classe
ouvriere joue son role dirigearit avec clairvoyance, cou-
rage et autorite. Elle est devenue le moteur de l'histoire.
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LE MAN1FESTE DE JUILLET
Nationale
NOVsBristol, jai assez peu dormi. Toute la mit, Var-
Sommes le 22 juillet. La, dans ma chambre
40:vie 4'a tte que bals, chansons et musique. On a
cAalAt6 e dans6 sur toutes les places, sur les bords de la
Vistule, clans toutei les salles de restaurants et de cafes.
On a dame dans les salons di rez-de-chauSsec do Bristol
j'ai ma c.hambre an premier etage ; je n'ai rien perdu
de ces rejoalssances nationales.
Le 2; julllet est, en effet, la f? nationale de la
Retiaissoncepolonalse. Vraiment a ceux qui se fi,gurent,
dans certains pays d'Occident, quo la Pologne nou-
velle est tnecontente, triste et desespette et qu'elle sou
-
hake 1:explosion d'une troisibme guerre mondiale pour
se sortir de l'esclavage totalitaire oh elle serait tenue,
je cot:defile de fake un tour par ici en ces jours
fastes.
Jo pense an 14 julllet que?P ? al vecti a Paris, ii y a
seulemmt, huit jotus ?manquait bien d'entrain et
de conviction chez nous ! Les bals furent pea fournis
et sans joie, et pour cause! La vie est dure, les spuds
sot uombreux, llindependance nationale est compro-
mise, la volante de guerre de nos gouvemants n'est
plus ignoree de personne, les grands principes de 1789
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$14NIFESTE DE JUILLET 8i
aont violes tous les jours. Le 14 juillet, chez nous, notre
gouvernement accomplit sa corvee rituelle a cote des
Champs-Elys?; il se debarrasse de la ceremonie offi-
p4ement, sans y croire, et sans que le peuple y soit.
Le peuple, lui, il est du cote de la Bastille et de la
Nation, du cote de la Republique, a donner son vrai
sens ?ne 4ya.nde date, a revendiquei pour de meil-
lepres conditions d'existence et pour une politique de
alX.
L'entrain, l joie que j'ai constates ici sont presque
renants. Cela durera- tout aujourd'hui, samedi, et
lusqu'a lundi matin sans desemparer. Je suis passe
d'une place h une salle de bal. J'y ai constate combien
fi se consommait peu de vodka. J'aurai juste rencontre
tui ivrogne en regapant l'hotel. Jeunes et vieux con-
sorntrient de la biere, de l'eau minerale et beaucoup
de gIaces. joie of entrain reont rien d'artificiel. rad
4p.ssi ete frappe par la sante de tout ce monde, par
la fraicheur des toilettes ferninines, par la decence de
masculin. Beaucoup de militaires, soIdats,
officiers, meles au peuple, tous bien decouples dans leur
;towel uniforme, visages sculptes sous la nouvelle cas-
quette rondo et plate h courte.visiere, car c' en est fini
de la quadra.ngulaire schapska.
Les chants que l'on entend sont ceux de la vieille
Pologne. Ce sont ceux de la Pologne d'aujourd'hui. Ce
sont souvent les chants de la Resistance. Ii en est un
qui dit la nostalgic des Polonais pour la Varsovie qu'ils
? quittee? il en est un autre qui dit leur joie d'avoir
r,ctrouve Varsovie reconstmite; il en est qui celebrent
I.Wfart et la paix.
Je sais que dans tous les ministeres, par exemple,
lcsfonctionnaires ont dispose des vastes salles officielles
?lir 5se reunir, danser, chanter, eux et leur famille.
es liauts responsables, les ministres eux-memes etaient
l?e pense a M. Robert Scriuman entralnant dans
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82 LA POL.OGNE
tine valse encliablee la femme de son hai.ssier, on celle
du concierge du Quai d'Orsay S
les minis' tres descendent sur les places publiques
et dansent parmi lent peuple. Les generaux en font
autant. Personne ne s'etonne ni ne s'exclame. Tout
cela est tres naturel. Chacun se sent en famine.
Ma promenade a travers Varsovie, cette nuit, m'a
menage d'autres surprises. j'ai vu des hommes et des
femme travailler la lumiere des projecteurs aux
abords de la Maison de la Parole et du cinema Moscou.
Ces ouvriers avaient decide que la Yfaison de la Parole,
et le cinema Moscou seraient prets le 22 juillet. us te-
intent lent engagement. La celebration d'une fete,
en Pologne, c'est d'abord un proves dans la cons-
truction du pays, une realisation nouvelle dans le
clomaine culturel on social.
Les banderoles qui s'etalent sur les facades des edi-
fices publics, qui decorent les bals en plein air qui
traversent les rues dans lent largeur, portent toutes un
Mot. que tout etranger est oblige de connattre. de
Savor lire et prononcer, tant il est sur tons les murs et
sur toutes les levres : Pokoj.! ? ? Paix ?.
y a de la joie
ifeNi matin du 22 itlinet, Jo suis done dans le ball du
Bristol, abime dans un fauteuil. Non, je no dors pas.
II y a eu les flons-flons de la 4 joie populaire de cette
nut. Ii y a en ce soleil qui, en Pologne, se 'eve si tot:
b. 3 h. du matin il fait (Ai clair vers l'Est ; tres Ate
le del devient d'un blanc a petite teinte de bleu et
ii ne s'agit plus de dormir. Alors, on saute du lit, on
prend un bain, on s'habille a la va-vite, et ron s'en va
an basard, et on regarde et on &mite.
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LE MANIFESTE DE JUILLET 83
Aux premieres heures du matin, dans la rue Karowa,
qui descend vers la Vistule, et au-dessus de laquelle
j'ai ma chambre, ca a ete un va-et-vient continuel
e groupes de jeunes gens qui, bras-dessus, bras-des-
SOUS, pa.ssaient en chantant. Apres une nuit de danse,
ils salualent le jour. Je n'ai vraiment pas dormi et
,Jo t?a.i aucunei envie de dormir. Mon fauteuil fait face
l'entict les gens vont et viennent, entrent, sortent,
gaghent ,eur -cbarribre ou la salle du restaurant. Jo les
diselyR et. Iressaie de sa.voir qui us sont, cc qu'ils
font : la mine est toujours conforta.ble, cc sont les visa-
ges et ,res mains qui m'apprennent qu'il s'agit la de
travailleqrs ceux qu'en France, clans note pays
petit-bourgeois, certains appelleraient avec tine petite
rootie des petites gens.
Los ellipses en sont l?les hOtels de Pologne, et les
plus renommes, sont remplis d'ouvriers, d'enaployes,
de paysans. J'en eprouve une impression de securite,
(le delassement.
je sors.
vale, il est dix beures,, est pleine de la musique
dispense par des haut-parleurs, de la musique de
danse, des valses, c'est stir, et c'est stir encore, des
polkas et des mazurkas, mais aussi des tangos, des
boogie-boogie et des sambas. Et l'on danse encore et
toujours. De la musique aussi de varietes comme disent
les programmes de la Radiodiffusion franeaise, avec des
chanteurs dont les voix no manquent pas de charme.
Quant moi, en me dirigeant vers Marienzstadt, je
fredonne : m Y'a de la joie 1 Y'a de la joie 1 ?
La Vistule s'etale sous mes yeux portee de la
main, jaune-vert, rid& par moment par une brise
vivace qui fait se pencher plus fort les voiles blanches.
Au dela, ii y a Praga et la plaine infinie, mais qui n'est
qu'une ligne verte bordant le ciel a peine azure avec,
par-ci, par-la, des dentelures de fabriques ou de bou-
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84 LA POLOGNE
quets d'arbres. II tie fait pas chaud et j'ai rimpression
d'?e an printemps.
A Marienzstadt, surprise la place, entouree de ses
facades aux lignes anciennes, mais crepies de jaune ou
de ruse ou de bleu ardoise, est a recart et comrne stir-
elevee un peu, puisque sur run de ses cotes on y accede
par quelques marches, la place, aux arbres jannes
et ntairs, est peuplee d'enfants, d'enfants qui dansent.
Sur tine estrade des musiciens tres serieux ne s'arretent
de jouer des rondes que pour pemiettre a un jeune
bonimenteur de raconter des histoires qui attendrissent
les =mans et font partir de grinds Mats de rire
clairs la foule enfantine. Pub, raccordeon fait un
rrean imperatif, brutal et rigolard; chiscun s'arrete,
rorchestre sur I estrade, les enfants stir la piste, et Ia
musique repart, repartent les rondes, repartent les chan-
sons. Et je me surprends a. dire a haute voix, sur le ton
des parades de foire tt Et en avant la musique I ? Je
tie suis pas soul a etre gagne par tonte cefte jeune
insouciance; des couples de grandes personnes se met-
tent en piste, et ca danse, ca danse, ca tourne tant
quo ca pent.
Tout autour de cette joie des. grands et des petits,
sou' les galeries de modele ancien des maisons
chement construites, sont installees des etageres mobi-
les,legerement inclinees d'avant en arriere, peintes en
bleu, en vert tendre, en rose. Sur les rayons, des
jouets on des byres pour les enfants et la jeunesse. Je
tie connais malheureusement pas Ie polonais, mais je
sais apprecier un livre dans sa forme materielle, son
papier, le brochage, le caractere d'imprimerie,
Je feuillette des volumes pleins de merveilles
pour les yeux. thielles belles histoires il dolt y avoir
blI Les prix? Quelques dizaines de zlotys. En France,
il s'agirait de quelques centaines de francs I
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LE MAIO*TE DE JUILLET
85
- Du ctit6 des jouets, on ne peut parler de sembla.bles
perfections. II s'agit de jouets en bois, animaux, trac-
tem, de jouefs en gros drap de couleur montes sur
fil de ler, Ti y a aussi de jolies poupees avec les costumes
du folklore. Mutes les provinces de Pologne sont repre-
setitees, je ne sais nen de plus beau. je voudrais
sa*Ir le nom de toutes Ies parties de ces costumes si
oOlores, si brillants de boutons et de perles, si seyants
et si lourd.s et ott, parfois, un collier d'ambre sa.uva.ge
rilbt sa note bar are.
Maison de la Parole
A promenade se poursuit. Me voici au pied de la
colonne Qjoi Sigismond. Le Palais royal est toil-
jltirg r,etat deruine. II sera releve clans son aspect de
toujoith. L'tdlise Sainte-Anne dont je vous ai dit Phis-
tire miractileuse, le Faubourg de Cracovie. L'ami Wis-
Triewski treattend. Nous allons nous rendre a l'inaugu-
ration de la Maison de la Parole polonaise. J'ai long-
temps hesite a me decider pour cette inauguration-l?
jci le 22 juillet, on inaugure de tous cotes et dans tous
les coins. Les ininistres sont sur les dents, l'un est a
rinauguration de telle cite du cote de Muranow ou de
gola,Iautre l'inauguration d'un batirnent admi-
nistra?tif 4u oyer cuIturei, ou d'une cr?e, ou
. .
cr`Jin?sSad,,chrematigure pas qu'a Varsovie. On mau-
gure dans toutela tOlogne. Les titres des journaux que
j'arriVe a'il6clisiffre.r me parlent de Wroclaw, de
S%ezecin, di-etE.covie, de Lodz. Cha,que vine a ses
traya,ux Xpieienter a la Republique.
De eette 1Vlais2R de la Parole, polonaise, j'ai d? vu
la maquette, ntn dans le secret du cabinet de je no
sais quel transcendant architecte ou haut fonctionnaire
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86 LA POLOGNE
la Reconstruction, mais bien dans la rue. Tout ici
se passe a. del ouvert. La reconstruction on la cons-
truction d'une vile, d'un monument, d'un stade, d'une
ecole ou d'un hdpital, je l'ai d? dit, toute la popu-
lation en est &aisle. Les plans, les maquettes sont
exposes stir les places publiques, aux grands carre-
fours, ou sous des galeries ou promenades couvertes.
Les gens s'arretent, regardent, itudient, discutent. Sou-
vent- ils transmettent leurs observations au service inte-
resse. C'est ce qui se passe dans les usines oa tine
boite aux lettres recoit toutes les propositions et sugges-
tions pour l'amelioration des methodes de travail. Au-
cime remarque West negligee, ni classee les yeux fennes,
mais examine avec soin et, si elle est juste, on en
tient compte.
j'ai done d? vu la maquette de la Maison de la
Parole polonaise. II s'agit la de la plus grande
que l'Europe aura jamais possedee. Cela fait un
corps de bettiment presque carte, de faible hauteur,
quiencadrent, stir le devant, deux edifices transversaux
legerement plus eleves completes chacun stir leur extre-
mite laterale arriere par deux tours carries arrondies
aux angles et a cinq etages de largeur et de hauteur
degressives.
Le halt principal al-niters un nombre impressionnant
de rotatives geantes et de linotypes. Tout autour s'ali-
gneront les bureaux et tous les services appropries. En
dessous courront les tunnels par lesquels passeront les
conduitou de transmission de chaleur et d'electricite, et
oa seront menages les garages, les magasins de matie-
res premieres. Le chauffage viendra du plafond. Toute
tine installation de caractere social a Ate privue : can-
tine, foyer recreatif, bibliotheque. Les entourages,
comme diseut les architectes, seront c.onstitues de bandes
sazortn6es et d'a116es plantt.es d'arbres.
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LE MANIFESTE DE JUILLET 87
La Maison s'etale sur l'ancienne Place Casimir-le-
Grand, sur l'emplacement des maisons environnantes
et, entre autres, des Hanes de l'ancienne Varsovie.
-En 1948, sur une superficie de 12 hectares et demi,
ii ne restait debout que 66 immeubles fort endommages
et fallut abattre ; cela a fait pres de 650.000 m3
de gravats a enlever.
Les travaux commencerent le 28 juin 1948. Des sec-
tions de travailleurs de tous corps de metiers rivaliserent
d'ardeur pour &passer les nornaes, Prirent des enga-
gements et les tinrent.
Le grog de l'ceuvre etait pratiquement acheve en
juillet 1950 et, en novembre 1950, les 2.500 delegues
du 2e congres mondial des Partisans de la paix et lent
important appareil technique, tenaient leurs assises dans
I'immense fabrique et s'y trouverent fres a l'aise.
Avec Wisniewski, nous arrivons sur les lieux. Les
persormalites soni sur le hall d'acces. Le president Bierut
est la, en costume Plain je reconnais entre autres le
ministre Minc, le marechal Rokossowski.
Le president du Cons ii Cyrankiewicz, parle. 11
dit la signification d'une telle r?isation Ii dit 1' impor-
tance de l'imprimerie, du journal, du livre, dans une
libre democratie. La Pplogne populaire ne fait pas que
mettre briques sur briques. Elle dispense la culture a
tous ; cue multiplie les livres et les journaux et les
revues ; elle en fait des instruments d'emancipation ;
elle sert la verite parce que la verite est l'arme par excel-
lence de la culture et de la paix.
Les membres des delegations qui font face aux offi-
ciels ecoutent avec attention et comme avec recueille-
ment, je me suis mis parmi eux et j'aime a reg4rder
les visages des gens qui m'entourent, visages d'ouvriers
pour la plupart et dont les plus emouvants sont certai-
nement ceux de ces vieillards moustachus en qui je me
plais a reconnaitre des representants du vieux mouve-
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A POLOGNE
Ment tevolutionnaire de Varsovie. Ce sant surtout ceux-
a qui ant sauve l'hon.neur de la Pologne an temps
memo tfi l'aristocratie et la bourgeoisie, fonctionnarisees
dans leur grande masse, etaient passees au service du
Isar, cies 'Hohenzollern, des Habsbourg. fideles
aux pfus belles traditions polonaises, ont toujours lutte
pour la liberte, l'independanee du peuple, de taus les
petipIes. Ds ont ete les compagnons de Rosa Luxem-
bourg, de Felix Dzerjinski, de Julien Marchlewski. us
ant connu la repression tsariste, la repression de la
haute bourgeoisie et des proprietaires terriens qui, en
2919. Sauterius par les gouvernements franca's. anglais
dt arnericains, s'emparerent intftiment du pouvoir et
transformerent la Pologne en une prison pour ses
ouvriers et ses paysans, afin de pouvoir mieux la livrer
en pature aux affairistes internationaux. Ces ouvriers
evrohnes dc Varsavie ant caftan lioccupation et la
Maslen hitlerienne. Ils n'ont jamais desarme ; ils
leant jamais faibli. Ps ont fini par l'emporter. Unis aux
Enouvements ouvriers de taus les pays, unis au man-
vement revolutionnaire de Russie, ant su saluer la
Revolution de 1917 comme le presage de leur propre
Aeration. L'Armee rouge a delivre leur pays.
L'U.R,S.S. tout entiere aide puissamment et fi-aternel-
lement sa voisine dans sa reconstruction. Ces ouvriers
ant en raison.
Par la suite, a Varsovie, a Cracovie, a Gdansk, a
Katowice, dans les carnpagnes comme dans les mines et
les usines et sur les ports, leurs conlpagrions me diront :
a II taut lutter encore; ii faut sauver la paix ?.
Le President du Conseil Cyrankiewicz parte. Il fait
l'examen de la situation dans ,le monde, il pane de
la guerre de Coree, ii parte do la guerre du Viet-Nam.
Non, il ne suffit pas que la Pologne soit independante
et prospere pour qu'elle soit heureuse. Un peuple
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LE MA.NIFESTE DE JUILLET 89
aura le droit d'etre hpureux que lorsque tous les
mitres peuples le seront.
Le president Cyrankiewicz pule.
Sur le toit du hall d'entree fiottent les oriflammes
trottge t blanc sur le del -fres bleu. je suis la, an milieu
es, meilleurs repr4sentants de la courageuse population
de Varsovie, hommes et femmes, jeunes gens, jeunes
filles. Voici que les yeux se font plus clairs, que les
traits figes par 1' attention se detendent : on lit des
citations a l'Ordre du travail.
euri Krzyczkowski, l'un des plus anciens
mecaniciens de rotatives de Pologne... Adam
'Slusarski, macon, 4.0 a,ns de metier, a fait phis
d'e,i8o pour cent de la norme... Ambroise Fran-
,
charpenfier, a fait 29? pour cent de la
nohne... Pierre Guzek, de 'equipe de beton-
, nVe, a eta.bli le record polonais de la profession
par equipe en realisa,nt 749 pour cent de la
=Me, et en faisant a titre individuel 319 pour
cent de la norme.
Dos females sont citees cornrne Zofia Dlubinska, des
inOnieurs - architectes comme Casimir Marzenski,
Etienne Putowski, Sigismond Skibniewski auteurs du
projet.
'La Radiodiffusion porte ces noms de travailleurs
tons les Polonais de Pologne, a tons les Polonais vivant
de par le vaste monde.
inauguration se poursuit a l'inte'rieur de ce quion
611e le hall de production. Le moteur d'une rotative
agrit 1a longueur ne finit pas a ete branche ; les rouleaux
tournent ; le long ruban de papier se deroule ; des exem-
plaires de trybuna Ludu viennent an jour. Sur leur
ptenare page, us portent, en lettres rouges, qu'il s'agit
la du premier numero sorti le 22 juillet 1950 des presses
de la Maison de la Parole polonaise.
- , -
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90 L4 POLOGNE
La joule des invites se repand dans l'immense
passe par les promenoirs ou passages vitres aeriens,
s'arrete devant les linotypes.
lei, je voudrais dire fres simplement tine chose tres
hnportante : des ouvriers sovietiques sont venus pour
munter les liuotypes fournies par l'U.R.S.S.
allez-vous penser, eest ordinaire : l'aide de l'U.R.SS.,
c'est connu ; sans cette aide, la Pologne n'en serait
pas oh elle en est avec sa reconstruction et sa cons-
truction ?. D'accord, mais je n'ai pas fini. Nous swanks
Nen dans le hall di la Maison de la Parole polonaise,
sur l'emplacement (Pune place detruite par les hitleriens.
Des fandes bares vitrees qui ecLairent le hall, je vois
les runes environnantes, les pans de murs billies. 11 y
a dug ens, les stuluts, les tanks, les mortiers, fais' alma
pleuvoir star Varsovie un deluge de feu. Tout flambait.
Lee SS, draient is mitraillette star les pompiers var-
soviens qui, contre toute esperance, s'essayaient a itein-
dre quand mem le dantesque incendie. II fallait detruire
la capitale et jusqu'aux pierres de ses vieilles murailles.
Les hitleriens s'acharnaient comme us s'etaient acharnes
durant cinr q ans a fusilier, a massacrer, a &timer je
regarde les mines et je regarde ce bel animal d'acier
multiplie, cet agregat de rotatives qui, a lui set!, pour-
raft enorgneillir une capitale, et Pon me dit y aura
dix ou quinze, ou vingt, je ne sais plus, de cevensembles-
la dans ce hall. Et Von me dit que toutes oes machines
qui aideront It la culture d'un peuple eta, faire un hornme
nouveau, c'eat la Republique democratique allemande
qui les a offertes la Pologne I Les ouvriers qui out
month de maniere impeccable et a la date voulue l'agre-
gat de rotatives, ce sont des Allemands. Non pas des
prisonniers de guerre. Man des hommes fibres qui, dans
le cadre de devastations que laissent voir les verrieres,
travaillent au Oak des ouvriers polonais et sovietiques,
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LE MANIFESTE DE JUILLET
91
avec la Tame volonte de faire bien et vite, a nue ceuvre
de paix.
Je suis tout entier aux reconfortantes reflexions qu'on
imagine lorsque je m'entends appeler.
Noaro, comment allcz-vous ?
Joseph...
Et je me trouve dans un groupe joyeux de Polonais
que j'ai connus en France. us etaient mineurs et metal-
los depuis des 15 et des 2o ans chez nous. L'un a l'accent
du Nord, l'autre du Gard, l'autre du Tarn. Je les con-
flats blen. us se "S'ont battus dans les -'ings des F.T.P.
et des F.F.I. Es S011t decor& de la croix de guerre de
la Medaille de la Resistance. 'Au mois de novembre
dernier, notre gouvemement les expulsait. Motif law:
que : ma.uvais renseignements, complot contre la sttrete
extetieure et interieure de l'Eta.t I Men que ca I Eux,
us savent que le peuple de' France nest pour rien dans
ces mesures qui les frapperent, dans les maiivais traite-
ments qu'ils subirent au cours de leur expulsion. Jo sins
ass, de questions.
Comment ca va, l?as?
y avait du monde au defile -du 14 juillet ?
,Je sors awn paquet de gauloises Wiles. Nous fumons
avec delice. Carvin, Henin-Lietard, Lens, Escaudain,
La.Moarnalie, Arras, Montcea.u-les-Mines, La Machine,
asiille, Le Martinet, FirminY, Gannat : les norns de
France partent de toutes les 'bouches.
Que devient Jacques? Jean? Paul? Francois?
13allester ? cone ? Garot ? Courtois ? Briou ? Helene
Chartier ? Hugonnot ? Barthelemy ? rAmitie franco-
polonaise, ca tient toujours ?
A mon tour de poser des questions:
Que faites-vous ?
? On travaille, tout le monde travaille ici.
Loges ?
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92 LA POLOGNE
-- Bien lovis et, vous le voyez, bien nourris, bien
chanties, lien vetus et frais cornme des gardons I
En diet, us ant des mine; superbes, mes amis polo
-
nes. Ils out aussi de bons metiers.
Lorsque le moment est venu de se quitter, run d'entre
eux me dit : ? Nous avons beaucoup appris de la classe
ouvriere franiaise ; ses enseignements nous sant aujour-
null de grande utilite. ?
Ls Manifosts as juinet
EN France, le 14 inflict, cola vent dire la prise de
1st Bastille.
Quo vent dire en Pologne le 22 juillet ?
3'1)1 d? dit comment pendant la guerre derniere,
les Poionais furent presents sur taus les champs de
hataille d'Etilope et d'Afrique, partout oa la liberte
Oak en ou.
En Prance, s'etait constituee une armee polonaise que
optnmandait le general Sikorski. Au moment des com-
bats de 194o, cette armee fit preuve d'une valiance
exemplaire. A Dietme, a Baccarat, a Saint The sur
l'Aisne et sur l'Oise, a Reims, a Champaubert, a Mont-
i:era, aa.ns la region de lielfort, le sang polonais conk.
11 coula a Narwick, a Tobrouk ; ii coula abondarnrnent
a Cassino, a. Caen, a Bayeux, jusqu'aux frontieres, et
an dela, de la Belgique, de la liollande, de l'Alle-
=tete 11 avait coule tout an long des quatre annees
de notre risistance ; dans beaucoup de nos cimetieres,
Dienze comme a Thouats, c:omme a Falaise, comme
La Ricarnarie, ii y a des tombes de combattants polo-
nais.
Nos monuments aux marts, parfois, comptent autant
de noms polonais que de noms francais ; dans certaines
regions comme cellos du Nord et du Pas-de-Calais, des
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4.6 M4NIFE,STE DE JUILLET
93
Polouais corn_me Pawlowski et Ciurlik furent la tete
ch,Lcorpha.t cle nos Francs-Tireurs et Partisans.
, Les Polonais se battirent sur le sol de leur patrie, on
le salt, Le ter janvier 1944, les organisations de resis-
tances constituerent le Conseil national polonais qui
lana l'appel a la lutte Contre l'occupant et fusionna
tons les groupernents de cornbattants dans l'Armee popu-
laire,
En Union sovietique, s'etait constituee en septembre
941, tine armee polonaise que comnaanda le general
ciers. Celui-ci, a.nitne par son anticommunisrne et tra-
vaille par Londres, retira ses troupes &Union sovietique
au, moment theme oir le sort du monde se jouait a. Sta-
lingrad. Chest afOrs qu'un Comae de patriotes polo-
nais decida d'organiser une nouvelle armee qui se corn-
posa vite de trois divisions, se battit vaillamment et qui,
en 1944, entra en Pologne aux cotes de l'Armee rouge.
Entre temps, s'etait constitue un Comite polonais de
? liberation na.tionale. Lorsque, le 22 juillet 1944, la pre-
miere ville polonaise, Chelrn, fut lib?e _par l'Armee
rouge, ce Comite, agissant au nom du Conseil national
? polonais, publia un rnanifeste, le Manifeste de Juliet,
qUi posait les fondements de la democratie populaire
polonaise.
Cela avait ete rend-a possible par la lutte des masses
populaires, dasse ouvriere en tete, pour. la liberte et
I mdeflendance nationales et par la victorre remportee
. .
par l' mon sowetique sur les forces fascrstes allemandes.
?- Le manifeste de Chelm &late d'abord comme l'appel
aux arms de tous les Polonais pour la liberation du
?pos. 11 a, a cet egard, le souffle des manifestes revolu-
tionnaim qui l'ont precede, ceux de 1792 et de 1793
que, notis Francais, nous n'oublions pas. On y retrouve
la merne haine de l'oppression, Un arriour aussi ardent
? de la terre natale, Un elan aussi vigoureux vers la
? liberte.
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94 LA POLOCNE
11 appdle tous les Polonais a se lever en mane. ii leur
demande de porter une aide efficace a l'Armee rouge:
... La plus large participation des Polonais
aux combats dimMuera les souffrances de la
nation at accelerera la fin de la guerre...
Saiaissez-vous d' tine arum, combattez les
Niemand.% partout oi vous les rencontrerez, atta-
(Inez les transports, aidez les soldats polonais
et sotrietiques...
Les frontier% du nouvel Etat sont definies
Polianais, participez d'abard It la lutte pour
la liberatio9 de la Pialbgne, _pour le retour de
ia Pomerame polonaise et de la Silesie a la mere
patrie, pour c?i de la Prusse orientale, pour
un large acces It la mer Baltique, pour la fron-
tiere polonaise sur l'Oder.
Quant aux frontieres de l'Est, le Conseil
national polonais et le Comite polonais de libe-
ration nationale reconnaissent que cette ques-
tion dolt etre reglee par consentement mutuel...
11 taut prendre toutes mesuxes contre le danger tou-
jours renaissant du militarisrne prussien.
11 faut en tmir, l'interet vital du pays l'exig.e,
avec les conflits_perp.et.uels separment les Po-
lanais et les likramiens, les Polonais et les
Bielorussiens, les Polonais at les Russes. L'ami-
tie scellee par la fraternite d'armes de l'arrnee
polonaise avec l'Annee rouge devrait trouver
sa pleine expression dans une alliance durable
avec une collaboration fraternelle apres la
guerre...
Alliance durable aussi avec la Tthecoslovaquie, ren-
forcemeat des alliances avec la Grande-Bretagne et les
Etats-Unis, fidelite a l'arnitie traditionnelle et It Val-
Hance avec la France.
Le raanifeste traite de l'organis' ation du nouvel Etat.
La Constitution fasciste de 1935 est condamnee. On
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6
LE MANIFE.STE DE JUILLET
95
reviendra au, principe democratique de la Constitution
de 1921, en attendant qu'une nouvelle Constitution soit
elaborte par une Assemblee legislative issue d'eledions
generales au scrutin direct, secret, egal et proportionnel.
C'est le Comite polonais de liberation nationale qui
prend Ie nouvoir ; joue le role d'un pouvoir executif,
wx-
le Conseg national constitua.nt un veritable Parlement
provisoire.
Le Comite polonais de liberation na.tionale se
propose de refaire un Etat polonais, declare
la restitution de toutes les libertes dernocrati-
l'egalite de tous les citoyens sans distinc-
tion de race, de religion, de nationalite, la
liberte des organisations politiques, profession-
nelles, la liberte de la presse, la liberte de cons-
cience,
Les libertes dernooratiques ne sauraient en
aucun cas servir les ennernis de la dernocratie.
Les organisations fascistes, en ta.nt qu'antina-
tionales, seront poursuivies impitoyablement,
avec toute la sev6rite de la justice...
Auclin crirninel allernand, aucun traitre a la
patrie n'echappera a la punition...
Ii faut ref aire le pays, pour cela ii faut realiser l'union
de la nation ? Nous avops devant nous des taches
gigaritesques, nous somme3 decides a les r?ser ?
La dem,Qcra.tie ne sera pas que politique, elle sera
atssi sociale ; l'arnelioration des conditions d'existpnce
des grandes masses sera assuree ; deux oeuvre* surtout
seront accomplies de toute urgence : la reforme agraire,
la. reforme scolaire. La tem a ceux qui la travaillent,
l'enseignement gratuit a tous.
Et, pour bien marquer quel esprit animait les auteurs
du manifeste, je detache ce paragraphe :
Polonais, luttez pour que la Pologne ne soit
jamais plus menacee par l'invasion teutonne,
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LA POLOGNE
lutteg pour une Pologne a. qui une paix durable
et un effort eonstructif garantiront le redres-
sement et la prosperite.
Voila done l'origine de cette fete nationale du 22 juil-
let a laquelle j'ai la grande chance d'assister.
je regagne le Bristol. Mon pays aussi a: en son mani-
feste a peu pres semblable qui demandait aux Francais
de se battre jusqu'a la liberation du territoire. jusqu'a
l'etrasement de l'ennetni hitlerien, qui promettait que
les traltres seraient chaties, quo seraient chaties les
MiMizels de guerre, les bourreaux d'Ascq et d'Oradour-
-Gime, qui pmmettait qu'une democratic nouvelle
ferait oublier la honte de Vichy et que cette democratie
trerait sociaie autant que politique.
Notre manifeste a nous, Francais, s'est appele le Pro-
me du Conseil national de la Resistance. 11 n'a
jamais ete appliqu?
En Fologne, le manifesto de Chehn a ete applique
dans le moindre de ses articles, il l'a ete au dela meme
de sa lettre. 11 a cree un Etat democratique populaire
qui a rnis le pouvoir entre les mains du peuple et surtout
entre 14 mains de la classe ouvriere, un Etat dont la
earaetetistique &est point de faire machine en arriere
ou de s'iMMobili,ser, de se fossiliser, mats bien d'aller de
l'avant, de pousser toujours plus en avant sur le chemin
qui mene au socialisrne. Cot Etat n'oublie xien de l'aide
quill a regue et gull recoit des peuples de l'U.R.S.S.
dont l'amitie lull est precieuse. 11 vent la paix, chacun
de ses actes est un acte de paix.
Tout cela, les Polonais le savent, de tout cela les
Ptolemais sont sa.tisfaits, pour eux tous tine nouvelle
vie a commence a Chelrn. Le 22 juillet est la date de
leur renaissance. Chaque armee ils celebrent leur fete
avec une conviction et une joie accrues.
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CHAPITRE VII'
SUR LE CHEMIN
DU SOCIALISME
OU LE LANGAGE DES PLANS
C UR la table de ma charnbre d'h?tel, j'ai pris ces docu-
a merits qui ne me quittent pas et qui ne sont que des
rapports. Je reviens constamment a eux. Grace a
eux, j'arrive a mettre de l'ordre dans l'infinie richesse de
'Ines observations, de mes impressions. Sans eux, tout
ne wait que chaos dans mon esprit. Sans eux peut-
6tre, serais-je tente de parler de miracle. Sans eux je
courrais bien des risques de ne faire que mechante lit-
terature.
Dans ces rapports tout est explique, tout a ete pense,
ordonne, Methodiquement. Calmement. On sent, en des-
sous, un grand travail minutieux, une somme de tra-
vaux de detail; on sent les nuits de veille d'un homme et
de milliers d'autres hornmes qui ont apporte leurs obser-
vations et leurs chiffres et leurs suggestions ; on sent uric
eXperience qui vient de loin, qui a d? fait ses preuves,
et qui est Are de ses principes, qui ne laisse nen au
hasard, qui veut faire le decompte de toutes les choses
possibles et qui y arrive, qui tient compte des choses
eXistantes pour en creer de nouvelles. E y a des chiffres.
13o1eslaw Bierut, president de la Republique popu-
lake et secretaire general du Parti ouvrier unifie de
Pologne, fait, le 15 juillet 1949, son rapport devant le
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98 LA POLOGNE
Comite central du Parti et il ne traite que de la recons-
truction et de la construction de Varsovie Ii faut voir
avec quelle precision, il faut volt avec quelle simplicite.
L'emotion existe, qui en douterait ? mats elle est conte
nue ; elle est sous les mots. Une eloquence meridionale
et petite-bourgeoise habituee aux tremolos et aux effets
de manches, s'en serait paye, elle. Avec Boleslaw
Bierut, nous avons affair? a un communiste. Nous
sonunes loin de ces blablablas presidentiels quo personne
n'ecoute chez nous.
Hilary Mine, ministre de la Construction, a fait en
1948, un rapport sur les resultats du plan de trois ans.
II a fait un autre rapport en juillet 1950 sur les buts
et les rnoyens du plan de six ans. Ces rapports ont ete
present& au Comte central du Parti ouvrier unifie de
Pologne, et discutes. Avec le Manifeste de jwllet ii y
aura la les bases th?uques Si je puis dire, de la Pologne
socialiste. Si nos rninistres actuels patient, non en public,
mais l'Asserriblee nationale ou derriere le micro de la
Radiodiffusion date nationale, us n'ont a. la bouche et
dans l'esprit quo les mots qui disent la guerre et la haine.
Notre monde lumineux de demain aura vite fait de les
oublier La Pologne et de ant le peuple polonais, on
pane de paix et de liberation de l'homme, mais aussi
dependance nationale.
Ecoutez Hilary Mine :
Le projet de loi sur le plan de six ans qui
vous est soumis prevoit l'elevation du niveau
de vie de la population de 50 a 6o pour cent
par rapport a Vann& 1949: C'est l'accroisse-
meat numerique de la main-d'oeuvre prevue
sur le plan qui constitue no des principaux
elements de cette rnontee du niveau de vie
de la population. L'ernploi de la main-d'eeuvre
sans le secteur specialise, l'agriculture non
comprise, passera en cbiffres roads d'environ
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SUR LE CHEMIN DU SOCIALISME
99
3.6o0.000 personnes en 1949, a environ
5.700.000 personnes en 1955... Il est evident
que cet accroissement important de la main-
d'ceuvre et, en patticulier, de la main-d'ceuvre
feminine, qui signifie que le nombre de per-
sOn.nes actives dans une meme farnille devien-
dra?plus grand, fern augmenter sensiblement
le en-etre de Ia population.
autte element de relevation du bien-etre
eneral sera constitue par l'augmentation du
ajre reel des ouvriers et des employes qui,
ans, suivant les previsions, doit etre de
dre 40 pour cent. Cette augmentation
.,realisee par deux moyens : la hausse des
s aims d'une part, et la baisse progressive des
pfli des articles de consommation courante
cl'autre part...
Ecoutez Boleslaw Bierut :
Le niveau de notre economic nationale est
? relativement bas ; notre economic est serieu-
sement arrieree tant materiellement que tech-
niquement, en comparaison avec les pays pos-
sedant une inclustrie developpee. Le rendement
du travail de notre ouvrier industriel est encore
rejativernent bas, C'est r economic rurale
disseminee et souvent rabougrie qui,
dans notre agriculture, predomine encore. Nous
avons fait un pas en avant considerable par
rapport a cc dont nous avons herite du regime
bourgeois de la Pologne d'avant-guerre...
Le pas en avant, un pas en avant ne suffit pas. La
dernocratie populaire esi: faite pour aller de l'avant,
pour jeter les fondements du socialisme qui signifie
rorganisation d'une vie aisee et cultivee pour les
mernbres de-la societe 1 ?.
i. J. STALINE.
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?LA POLOGNE
Aussi, dit Boleslaw Bierut :
Notre plan de six ans postule une elevation
extraordinaire du niveau des forces produc-
trices, jusqu'ici inconnue dans l'histoire du
developpement economique de notre pays, et
basee sur la technique la plus moderne et la
plus avancee. C'est aussi bien pour l'industrie
et l'agriculture que pour tous les domaines de
notre economic nationale. Ii resultera du plan
de six ans une Pologne transformee en l'un
des pays les plus industrialises d'Europc...
Plan economique mais aussi et fatalement plan poli-
tique. Un instrument de renovation econornique et
humaine, lin instrument dc justice sociale et de paix :
Les masses laborieuses de Pologne qui reali-
sent le plan grace a des efforts pleins d'abne-
gation doivent tire conseientes de participer
amsi a? la lutte de classes, a la lutte sans merci
entre les forces decadentes du capitalisme et les
forces nouvelles sans cesse aseendantes, reveil-
lees par le proletariat et inspirees par ridee
grandiose et invincible du socialisme...
Mais 1' intelligence lucide qui a preside a l'elabo-
ration du plan n'a rien du praticisme etroit qui ne ver-
rait le monde qu'a, travels chiffres et indices quanti-
tatifs, Parce qu'elle vent se rendre vraiment maltressc
des forces de la nature afin de mieux servir l'homme,
elle est audacieuse et revolutionnaire, et eela d? est
source d'enthousiasme. Et aussi die denombre les
ruhies, les mistres, les douleurs. Et aussi elle se donne
comme objectif supreme le bonheur des hommes. Et elle
compte sur les hommes pour atteindre cet objectif.
Elle leur demande beaucoup. Elle vent en effet leur
donner tout.
Elle park une languc comprise de tons et non de
quelques inities seulernent, comprise de cheque ouvrier.
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SUR LE CHEMIN DU SOCIALISME lox
de chaque paysan, de chaque ingenieur, des hommes,
des femmes, des enfants.
faut, dit Boleslaw Bierut, pour assurer la
victoire, que chaque travailleur devienne un
createur conscient du plan de six ans. Il faut
que, depuis ecole, chacun connaisse le plan et
le programme de redification du socialisme,
? que chaque travailleur lai soit devoue et de-
vienne un combattant et un realisateur du plan
de six ans.
Sans la connaissance precise de ces rapports, nul ne
Pourra ecrire d'epopee. On ne retourne pas h. la Chan-
son. de Roland. On dolt faire mieux. Ces rapports sont
.
?
les prehmmaires necessaires. Es sont d? de l'action.
us sont dej?e l'epopee. Aussi exaltants qu'une epopee.
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DEUXIEME PARTIE
DE KATOWICE
A ZAKOF'ANE
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CHAPITRE PREMIER
MINEURS DE KATOWICE
Katowice, ville noire.
E suis arrive a Katowice, la capitale du charbon, par
une fin de journee ensoleillee encore. Les rues grouil-
lent de monde. Les ponts de fer semblent eventrer
maisons et quartier. Sur vote tete passent les roulements
grondants des trains dont les locomotives semblent
lAcher de la film& et de la vapour de toutes les jointures
de leur cuirasse. Qui s'en etonnera ? Katowice est une
ville noire. On a l'impression qu'ici les usines et la ville
ne font qu'un, et les puits de mines. Si on ne voit pas
ceux-ci, du moms vous previent-on que les fosses sont
sous vos pieds et quo cola empeche certains travaux
d'edilite qui embelliraient la cite et rendraient ses rues
plus larges. Le capitalisme sans patrie, cupide et des-
tructeur. a fore avidement n'importe oil et n'importe
comment sans se preoccuper de cc qu'il adviendrait
la surface. Gagner de l'argent, beaucoup et vite : tout
le reste importe peu. Cette formule n'a plus cours
en Pologne oa la terre est exploit& mais au mieux des
interets de t01.1S.
Katowice n'est pas une vile seule mais ce sont six
vilks d'un seul tenant. C'est Chorzow, Bedzin, Sosno-
wiec, Mystowice, Krol-Huta; c'est aussi, du cote des
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106 LA POLOGNE
territoires recouvres, Zabrze, Butom, Tarnowskie-Gory,
Gliwice. On no salt jamais quand on sort de l'une pour
entrer dans l'atttre. La, les lignes de c.hemins de fer
sont c,omme un filet aux mailles serrees. En dehors du
cceur des agglomerations, ce no sont quo boulevards
intenninables, durement paves, bordes Tune suite inin-
terrompue de lAtiments d'usines ou, par moments, de
terrains vagues couverts de masures ou d'inextricables
antes de dechets mecaniques. Les tramways fluent avec
leur long bruit sifflant de glissement. La nuit, les hauts-
fourneaux jettent leurs flammes et Fon voit alors toutes
ces superstructures compliquees et geometriquement or-
clonnees se profiler noir sur rouge panni des echappe-
meats monstrueux de futnee.
Katowice et son ensemble de cites est Fun de ces
'centres cta la condition ouvriere a tine grande histoire
quo Von voudrait connattre, mais connattre en vivant
ici-metne et en ecoutant parlor les militants certes,
mats aussi tout simplement les ouvriers, les vieux les
jeunes, les femmes. On voudrait rester la a vivre la vie
des mineurs, la vie des met,al.los, parmi eux, chez eux.
Pour savoir comment s'operent les changements intimes
dans la pratique de la democratie populaire, ce qu'a ete
bier, ce qu'est aujourd'hui, ce quo sera demain.
Le syndicat des mineurs
et le mouvement d'emulation.
IS AI rendu visite a la direction du syndicat des Mi-
neurs, 'Utica Koseiuski, 38, a Katowice. Le secre-
taire general Czerwinski &sit la entoure de ses prim-
cipaux collalx)rateurs. Its tenaient une s?ce de tra-
vail longue je suis arrive m'a aussitot recu et nous
'
avons cause. j'ai ete frappe de la simplicite fraternelle
de cette reception, du ton calme et serieux avec lequel
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MINEURS DE KATOWICE
107
ces responsables syndicaux de l'industrie-cle de la
Pologne m'ont parle, m'ont demande des nouvelles de
France, et m'ont dit comme les choses allaient chez
eux. Ces hommes simples, aux visages parsemes des
shies et des points bleus provoques par les eclats de
charbon, aux mains parfois amputees d'un ou de plu-
sieurs doigts, ont une grande responsabilite I Ici la
Mine appartient aux mineurs, et rien dans la mine,
dans l'organisation du travail, dans l'exploitation, ne
se fait sans eux. Le directeur du charbonnage n'est que
le delegue des ouvriers a ce poste. Et cela se passe ainsi
l'echelle du puits. ? Chaque mois, dans chaque fosse,
une reunion groupe le directeur, les ingenieurs, les
porions, les delegues, les responsables syndicaux et les
representants des ouvriers de chaque quartier de la
mine. Tous les problemes sont debattus en commun.
Le plan du travail pour le mois est elabore et chacun,
quelque poste qu'il se trouve, s'efforce ensuite d'en
realiser au mieux l'applicai ion...
Les courbes de la production figurent sur les jour-
na.ux muraux. Des graphiques montrent de fawn claire
ce que sera l'augmentation des salaires si la production
augmente.
Les problemes de requipement, du renouvellernent
de l'outillage, sont portes a la connaissance des mineurs.
Ceux-ci sont tenus au courant des commandos revues,
de la date des livraisons. Chaque ouvrier, qui pout
ainsi controler la gestion et la production, se sent
veritablement le co-associe de la mine.
Cest ainsi que la production a suivi depuis 1945
une montee exceptionnelle. En 1945, elle etait de 27 mil-
lions de tonnes; en 1946, elle passe a 47 millions ; en
1947, elle est a 5o millions, en 1948, a 7o millions. Elle
a Ettteint 78 millions en 1949. Elle atteindra ioo millions
de tonnes en 1955.
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08 LA POLOGNE
? A quoi attribuez-vous cette poussee de la pro-
duction ? qui se retrouve d'ailleurs, il est vrai, dans
tons les autres domaines de l'activite ouvriere ?
-- Au mouvement d'emulation qui dolt sa force
d'expansion a deux faits. Nous avons liquide chez nous
le regime capitaliste. Notre industrie est devenue une
industrie socialiste qui ignore l'exploitation de l'homme
par l'honune. L'ouvrier, ainsi que le disait Hilary Mine
dans son rapport sur le plan de trois ans, travaille
maintenant, non plus pour un exploiteur, mais pour
lui-meme, pour sa classe, pour la societe. Cest le pre-
mier fait. Le deuxieme fait est celui-ci si le mouvement
d'emulation a Pu prendre naissance et connaltre une
grande extension, c'est quo la condition primordiale de
cette evolution, a savoir l'amelioration des conditions
de vie de la classe ouvriere, s'est trouvee remplie; II y
a en chez nous augmentation du salaire reel et chacun
comprend un pea mieux chaque jour le rapport qui
existe entre un meilleur effort dans la travail, le rende-
ment et le salaire. Nous arriverons vite avoir en
face du travail ce qu'on pourrait appeler uric attitude
socialiste.
Le mouvement en Pologne a ete lance par le mineur
Pstrowsld.
On me montre l'appel qu'a son tour, entre beaucoup
d'autres, le mineur Markiewka lancait le 16 janvier 1950:
Moi, Viktor Markiewka, l'un des neuf fils du
mineur Paul, travaillant dans l'industrie mi-
niere, participant au mouvement d'emulation
depuis 1947, ouvrier de choc, comprenant
l'importance des aches que nous impose le
plan de dix ans dans le secteur de l'industrie
miniere, comprenant l'aspiration au socialisme,
an bien-ttre et au relevement culturel des mas-
ses laborieuses de Pologne, je prends avec
mon chargeur l'engagement survant : en l'es-
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MINEURS DE KATOWICE
109
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la Pelogne
...Limite de /939
..... limite de yelevedie
ioq BM!, Km
CARTE PoLITIQUE DE LA POLoGNE?
pace de trois mois, c'est-h-clire pendant les
mois de fevrier, mars et avril, je creuserai
'220 Di. 50 de galerie au lieu de 78 m. 50 pre-
'us par la norme, et m' engage durant ces trois
mois a extmire r.62o tonnes de charbon au
lieu de 540 tonnes prevues par la norme. J'ap-
pelle tous les mineurs de notre mine et tous les
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ITO LA POLOGNE
mineurs de l'industrie miniere a me suivre pour
, clue nous puissions realiser avant terme le plan
de six ams et batir 4insi plus rapidement les
bases du socialisme.
La charte du mineur.
A VEC Czerwinski et ses carnarades, nous parlons de
la charte du tnineur.
Avant-guerre, la condition du mineur polonais n'etait
guere enviable.
A ne se reporter qu'a l'immediate apres-guerre, en
1945, le mineur de fond touchait un salaire de 9.800
zlotys, le travailleur de surface un salaire de 6.800 zlotys.
Au debut de 195o, les deux salaires etaient passes a
27.300 et a 19.30o zlotys. Il s'agit seulement des salaircs
de base non compris les primes de rendement.
? Au temps des colonels, 93.10o ouvriers etaient
inunatrioules dans les mines. En 1932, on comptait
26.00Q chameurs. En moyenne, dans beaucoup de mines
on ne travaillait a cette epoque que deux a trois jours
par sernaine. L'ouvrier qui, dans le mois, avait realise
13 on r5 journees de travail pouvait s'estimer heureux.
C'etair la triste ?que du ch6rnage et aussi, naturelle-
Went, de l'emigration. De 1927 a 1928, 30.000 mineurs
s'expa.triaient. Rien qu'en 1938, 14.000 mineurs furent
licencies.
? Aujourd'hui, me dit-on, cette situation est ren-
verge. 14.000 mineurs sont renrres depuis 1946. Le
terrible fleau du ch6mage n'odste plus chez nous.
Avant guerre n'y avait pas tine politique du
logement; Si quelques millers de logements out ete cons-
fruits, us le furent de maniere primitive. En 1949, la
Pologne populaire avait d?. construit 12.000 logements.
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MiNEURS I)E KATOWICE !TT
Le plan de six ans prevoit la construction de 140.000
pieces. Ont ete construits aussi des centres de protection
de la mere et de l'enfant, des ecoles matemelles, des
colonies de vacances, des creches, des jardins, des foyers
culture's, des terrains de sport. Autres avantages : le
transfert integral aux mines de la charge des cotisations
d'assurances sociales pres de 8 milliards de zlotys que
les mineurs n'ont plus en a payer ; le taux des allo-
cations familiales, a ete eleve de telle maniere que les
revenns des mineurs se sont eleves pour l'annee 1950
d' environ 9 milliards de zlotys ; enfin un systeme de
conges payes a ete mis en application qui permet au
mineur et a sa famille de se rendre a la montagne ou
a la mer, dans des maisons de repos munies de tout
le confort, avec gratuite du voyage aller et retour,
le prix de pension &ant calcule d'apres le salaire.
Pour 14 jours, ceux qui gagnent de m.000 a 18.000
zlotys, payent 1.96o zlotys. Ceux qui gagnent de
18,000 a 25.0oo zlotys payent 2.800 zlotys, ceux qui
gagnent de 25.00o a 30.000 zlotys payent 3.500 zlotys,
ceux qui gagnent plus de 36 000 zlotys paient 4.200
zlotys. Pour le sojour des enfants en colonies de vacan-
ces, les prix sont a l'avenant.
Pour un enfant, le sejour de deux mois en colonie
cote a la lamille t.800 zlotys, soit 30 zlotys par jour,
Un peu moms de trente francs.
Le 30 novembre 1949, un decret a etabli la charte
du rnineur, ce qu'en France on appellerait le statut des
minenrs.
Cette charte apporte aux mineurs une prime tri-
inestrielle qui est de 5 a 20 pour cent selon les categories.
EIieaugmente les prestations accordees par les mines
pour "'instruction des enfants des mineurs : 1.50o zlotys
sont verses aux familles a, la rentree des classes. Elle
augmente les prestations servies pour les institutions de
l'assurance sociale an titre de maladies ou au titre
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112
LA POLOGNE
d'incapacite temporaire de travail causee par un acci-
dent au fond. Elle assure une retraite apres 25 annees
de travail et a partir de 55 ans, retraite equivalent, a
6o pour cent du salaire moyeri ; au cas ou le retraite
continue son travail, il =flute sa retraite et son salaire.
Elle accorde 21 jours de cong? chaque mineur. Elle
prevoit enfin toute une serie de distinctions honorifiques,
entre autres l'Ordre du Mineur emerite de la Pologne
populaire. Elle permet sur tout a qui s'en montre digne
d'avancer dans la hierarchic du travail et d'en atteindre
le plus haut sommet.
Modernisation du bassin
EN France, nous avons parte de la charte du mineur
polonais. Nous n'avons pas assez dit toutefois, si
nous rayons jamais dit, qu'un autre decret pris le meme
jour quo le decret de la charte decidait la transformation
fondamentale du bassin minier du point de vue tech-
nique, le plan de six ans prevoyant 250 milliards de
zlotys pour les investissements dans les mines.
Nous disons, a dit Hilary Mine, et il me
sernble clue nous le disons avec raison, que
Jo charbon c'est notre richesse nationale, quo
"Industrie houillere est notre industrie natio-
nale, quo le devoir de sa reconstruction techni-
que est notre devoir national. C'est pourquoi
la condition premiere des grandes taches clue
nous impose le plan sexennal, l'aide complete
l'industne charbonniere, cette condition sera
remplie.
Ce qui m'a Ate dit A Katowice sur ce sujet, je l'ai
retrouve dans be discours prononce par Hilary Mine a
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MINEURS DE KATOWICE
"3
Sosnowiec, le 4 decembre 1949, jour de la fete des
mineurs. La-bas, en Pologne, le discours d'un homme
d'Etat est plein de substance : il est sorti de l'experience
oUvriere, de l'experience des ingenieurs, des techni-
dens, des ouvriers et il devient comme une regle pour
tous; sorti de l'action de tous, ii dirige l'action de tous.
On np pane pas pour parler en Pologne, ou pour endor-
' mir, ou pour mentir : les trois manieres se valent.
.
250 milliards de zlotys consacres aux mvestissements
dans les mines Oui. Et qui serviront a ouvrir de nou-
veaux puits, a exploiter de nouvelles couches, a ame-
Rorer les vieilles mines.
En quoi consiste cette amelioration des vieilles mines ?
Ecoutez Mine :
Elle consistera en trois facteurs fondamen-
taux : premierement, la mecanisation; deuxie-
moment, l'electrification ; troisiemement, la
ventilation.
Et Minc ajoute :
Cola ne signifie rien d'autre quo la recons-
truction fondamentale, technique, de l'indus-
trie charbonniere polonaise.
C'est une tache lourde et difficile.
En viendrons-nous a bout?
Pour cela, ii faudra d'abord mobiliser l'in-
dustrie polonaise tout entiere. Et voila tout le
pays interesse au probleme ; voila la respon-
sabilite de toute la classe ouvriere engagee.
11 faudra ensuite orienter justement notre
technique. Nous n'avons pas a prendre pour
modele ces pays de ? stagnation technique ?
prononcee comme l'Angleterre, par exemple,
qui depense pour les investissements une
somme quatre fois inferieure par tonne de char-
bon extrait a celle que nous depensons, nous,
pauvre pays detruit et naguere encore arriere.
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LA POLOGNE
En Angleterre, un sixierne a peine des devan-
tures est pourvu de ces transporteurs a etrille
qui facilitent tant la mecanisation. Notre plan
prevoit de pourvoir presque toutes les devan-
tures de transporteurs a etrille.
L'Angleterre n'a aucun programme de gene-
ralisation de machines charbonnieres combinees,
c'est-i-dire de machines effectuant a la fois le
travail d'extraction et le travail de chargement.
Nous vouions, a a fin du plan, pourvoir 40
pour cent de nos tallies de machines combi-
nees,..
Dans la lutte pour la mecanisation, et l'aug-
mentation du rendement, nous prenons modele
sur l'industrie inini? sovietique... Nous avons
l'ambition, avec rindustrie nuniere de l'Union
sovietique, de devenir la premiere industrie
miniere de l'Europe, et meme du monde...
Les mineurs, Joliot-Curie et la litterature.
J s dit que la direction du Syndicat des mineurs de
Katowice avait bien voulu pour me recevoir inter-
rompre une seance de travail, yavais done a no pas abu-
ser d'instants precieux. j'avais marque combien les Fran-
cais ? et pas settlement les mineurs ? s'interessaient
au grand travail qui s'accomplissait dans le bassin minier
polonais. j'avais apporte les salutations des membres
de l'Amiti6 Franco -Polonaise et plus Particulierement
celie du president de cette association, Frederic Joliot-
Curie. Quand j'eus prononce ce nom, je vis les visages
s'eclairer d'un sourire. Czerwinsky fit un geste. Un
secretaire partit et revint quelques minutes apres por-
tant an lourd paquet do livres. 11 y avait lit les ceuvres
de Mickiewicz et entre autres cette grande edition de
Pan Tadeusz, si bien presentee, si Men imprirnee, si
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? MIN.EURS DE KATOWICE
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richement illustree... et qui s'est tiree a 230.000 exem-
plaires I En Pologne, le beau livre n'est pas le pri-
vilege de quelques-uns : on le fait pour tous et il est
accessible a tous. Ce s livres, les mineurs me demandaient
de les remettre a Joliot-Curie en temoignage de leur
admiration. Faut-il dire que sur les levres de ces mili-
tants vinrent souvent les noms connus de leurs cama-
rades francais, ceux de Maurice Thorez, de Lecceur,
de IVIartel, de Duguet ?
De mon passage a. Katowice, j'ai ramene un autre
hvre Ii s'intitule : Zyciorisy Gornikow, Biographies de
anneum Un concoms a et o institue un jour. On demanda
aux tnineurs polonais d'ecrire leur vie. Vingt biographies
ont ete retenues et editees. Cela fait un ouvrage de
346 pages de grand format. Il m'arrive souvent de
prendre ce volume dans mes mains, de le feuilleter.
C'est alors que je regrette infiniment de ne pas con-
haitre la langue polonaise. J'imagine quelles richesses
ii y a dans ces vies de travailleurs, celle de Thomas
Rybok, ne en 1879, celle de Pierre Gajewski Pawel, no
en t875, celle de Wenceslas Swiatkowski, ne en 1903,
celle de Jean Nowak, no en 1891, celle de Joseph Poch-
ciol, ne en 1898'. celle de Stanislas Polak, ne en 1886,
pour no citer que quelques noms I Si je ne peux puiser
dans le texte de cette riche rnatiere, du moms puis-je
m'attarder 4 regarder les photogra.phies des ? auteurs ?
visages familiers, reflechis et graves, marques par les
longues annees de travail et de lutte, visages de Pologne
certes, rnais visages aussi de mon pays, visages d'on-
vriers. J'attache un grand prix a ce recueil. Ii dit beau-
coup de ce qu'est la classe ouvriere polonaise en demo-
cratie populaire ; il dit beaucoup sur la culture de la
classe ouvriere, culture qui tient compte des grandes
ceuvres du passe et qui assure la continuation de l'heri-
tage en allant chercher les richesses nouvelles la on elles
se trouvent. L'avenir est maintenant ouvert a tous.
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xx6 LA POLOGNE
Sone-t-on assez a. thus ces tresors qui se sont perdus
parce que le regime capitalistc n'a pas mis les travail-
leurs dans les conditions de s'exprimer ? parcc que cc
regime a voulu faire de la chose litteraire et artistique
sa chasse garde et qu'elle l'a entouree de toutes ses
defenses grammaticales et rhetoriques ?
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CHAP! TEE H
FRONTIERES
Nons sommes partis en voiture visiter le preventorium
des enfants des mineurs de Paczkow, petite ville qui
se situe a environ 16o km a l'ouest de Katowice, a.
7o km. 'au sud de Wroclaw, tout pres de la frontiere
polond-tchecoslovaque. Nous sommes, avec le chauf-
feur, quatre passagers. Mes compagnons d'excursion
sont : la secr4taire de la section des ceuvres sociales du
syndicat des rnineurs et dont je regrette d'avoir perdu
le nom, Thad& Wisniewsli i et Julien Szwed, de la section
' culturelle ciela voievodie de Katowice.
En quelques tours de roues, nous atteignons l'ancienne
frontiere polono-allemande. Nous traversons Zabrze,
villemini? de plus de roo.000 habitants.
II fait une belle journee de soleil. La route file droit.
On commenc?distinguer sur la gauche, au Sud, la
ligne bleue des Sudetes I a voiture, de carrosserie basse
et assez peu eonfortable, ne permet pas de voir le pay-
sage. 11 faut courber l'echine et redresser le cou pour
arriver distinguer quelques details. Il est de fait que
nous son:tines ,ici dans une region qui n'est plus tout a
fait de Vaine. Nous sommes au pied des montagnes,
sur de riches terres de loess. Nous suivons la meilleure
route Est-Ouest que la Pologne ait jarnais cue au cours
de son histnire et la plus vieille ? celle qui va des
Portes de Mora.yie aux Portes de Lusace. Les rnaisons
de $ villages traverses, Ryskowice, Toszek, sont en pierre,
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XIS LA POLOGNE
n y a, l?ncore, des fleurs aux fenetres, mais aussi des
plantes grimpantes, des tonnelles, plus de couleurs wives
que je n'en ai vu dans le nord et le centre de la Polo-
gne. La chaleur est aussi dune autre qualite, de meme
que l'atrnosphere. Le ciel est tres haut. La voiture va.
On somnole. Nous sommes stir les territoires recouvres.
Aujourd'hui et depuis 1945, la terre est justement rode-
venue polonaise. Il y a encore six ans, c'etait la tine terre
sous exploitation allemande.
11 y a eu repolonisation, ainsi que se sont exprimes
journalistes et hornmes politiques. Les chases s'etaient
conclues a Postdam, le 2 aot)t 1945.
A Yalta, Churchill, et Roosevelt, Staline, quelque
temps plus tard. deterrninaient la frontiere polonaise
de l'Est. Cette frontiere suit la ligne Curzon. Ainsi la
Pologne retrouvait-elle en 1945 le domaine national
bien individualise que tui a menage la nature. Ces iron-
tieres ant ete librement acceptees par la Pologne,
l'U.R.S.S. et la Republique democratique allemande.
Elles sant contestees par cc que l'Allernagne dite de
l'Ouest compte de militaristes et de revanchards. Elles no
sant pas reconnues par les actuels gouvemements des
Etats-Unis, d'Angleterre et de France.
La Pologne de 1920? Une vaste masse continentate
enfoncee dans l'Est }, avec tine etroite fenetre de 140 km.
sur la Baltique a laquelle menait tin couloir (le fameux
coulair de Dantzig), etrangle entre la Prusse orientate
et la Pomeranie occidentate. Cette Pologne ne pouvait
pretendre a devenir une puissance industrielle et mari-
time. Elle no pouvait demeurer qu'un pays agricole et
pa.uvrement agricole.
Elle n'avait pratiquement rien de ce qu'il est convenu
d'appeler des frontieres naturelles. Du cete sovietique,
la frontiere mesurait 1.400 km. : elle tranchait, a travers
les regions naturelles sans aucun souci de la geographic
ni de l'ethnographie. Du cote allernand, Ia frontierc
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FRONTIERES
ng
trade a meme la plaine mesurait 1.900 km. de lon-
gueur. Ces 1.900 km. n'ont nullement empeche Varsovie
de se trouver a roo km des aerodromes hitleriens. us
ont permis au contraire a Hitler de prendre le coeur du
pays en tenaille entre la Silesie et la Prusse orientale.
Dans cette meme Pologne de 1920, 30 pour cent des
habitants ne parlaient ni ne pensaient polonais. 4.800.000
Ukrainiens, 1.000.000 de Bielorussiens, 780.000 Alle-
mands, 2.900.000 juifs, 93 300 Lithuaniens constituaient
des minorites nationales et qui no cesserent jamais, de
1919 & 1939, d'?e des minorites revendicatrices. Elles
te cesserent jamais d'?e opprimees : la vie interieure
de la Pologne ne pouvait qu'en etre empoisonnee. Et
sa politique exterieure aussi.
Les Anglo-Saxons ne voulurent pas, en 1919, que
la Pologne retrouvat un large acces a la mer et ses anciens
terntoires de l'Ouest. Ils voulurent aussi empecher la
trance ? d'obtenir le desarmement effectif de son enne-
rnie (l'Allemagne) et les justes reparations qui lui reve-
paient ?. Ils mirent tout en imuvre pour maintenir la puis-
sance allemande a l'Est : ii y a la un chapitre a evoquer
de Is. grande conspira.tion contre la Russie.
Le gouvernement fra.ncais ne put qu'obtemperer aux
volontes anglo-saxonnes : antisovietisme d'abord, interet
national apres.
L'attitude du nouvel Etat sovietique en face du pro-
bleme polonais avait ete definie le 27 avril 1917 par
L?ne:
Nous savons quel crime inoui constituait le
partage de la Polore entre le capital alle-
mand, russe et autnchien... Nous ne voulons
pas de guerre pour des frontieres territoriales,
nous voulons detruire le passe maudit...
En a,vril 1917, le Conseil des deleg-ues ouvriers et
soldats de Petrograd lanca un appel aux Polonais, appel
que signa, entre autres, Staline
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LA POLOGNE
le conseil declare que la democratie russe
reconnatt le droit des peuples a l'autodetermi-
nation et fait saveir que la Pologne a le droit
l'independance complete du point de vue
de l'Etat et des relations intemationales. Nous
envoyons au peuple polonais nos salutations
fraternelles et nous lui souhaitons du succes
dans la lutte pour l'installation dans la Pologne
independante du regime democratique et par-
lementaire...
A ces declarations d'amitie, le general Pilsudski, aban-
donnant a l'Ouest les patriotes polonais de Silesie et de
Potneranie aux prises avec les Allemands qui preparaient
leur maniere les plebiscites au sujet de la frontiere
polono-allemande, repondait en essayant de marcher sur
Kiev. Il s'agissait de realiser le reve des grands hobe-
reaux qui, loin de vouloir perdre leurs immenses domaines
d'Ultraine et de Bielorussie, voulaient encore les agrandir
par le moyen d'tine guerre contre le jeune Etat sovie-
tique. Ces messieurs avaient les yeux plus gros que le
ventre. L'expedition sur Kiev, encouragee par tous ceux
qui en voulaient naissante tourna au desas-
tre et la situation ne fut retablie pour les reactionnai-
res polonais qu'avec l'intervention des troupes du gene-
ral Weygand. La paix fat dictee a la Republique des
Soviets a Riga (le 12 mars 1921) : une partie de l'Ultraine
et de la Bielorussie constituait le butin de la Pologne
de Pilsudski. Tout cela etait encore marque du sceau de
l'anticornmunisme.
11 s'etait pourtant trouve des Polonais pour corn-
prendre qu'une tette politique d'expansion a. l'Est, une
telle politique de brigandage, etait d'un autre age et
qu'elle ne pouvait faire, comme elle n'avait jamais fait,
l'interet de la Polqgne. Ceux-ci, sans reclamer une
politique d'amitie avec la Russie, souhaitaient qu'on en
fmisse avec une politique anti-russe catastrophique a.
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FRONTIERES
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tous egards. us auraient voulu que ft ac,ceptee la deli-
mitation adopt& le 8 decembre 1919 par la Conference
des ambassadeurs et connue sous le nom de ligne Curzon.
Ces patriotes clairvoyants ne furent pas ecoutes.
M. Leon Noel, ambassa deur de France a Varsovie de
1934 a 1939, a ecrit au sujet des ? annexions ? operees
par Pilsudski :
La possession de ces regions par la Pologne
etait un anachronisme... En s'etendant ainsi
l'Est, la Pologne de Pilsudski s'etait affaiblie
au lieu de se renforcer.
M. Jean Guille a Pu ecrire :
Des 1919, la Pologne rompit des lances avec
toutes les nations slaves voisines. Avec la
Lithuanie, l'Union de Lublin paraissait refor-
gee, mais sous le signe de la force, non pas
sous l' tide de la magnifique declaration des
chevaleries lithuanienne et polonaise a Horo-
dlo en 1413. Pendant vingt ans, une ? Iron-
tiere morte ? separa les deux nations, souli-
gnee par une zone neutre et des barbeles. La
situation n'etait guere meilleure avec la Tche-
coslovaquie et l'U.R.S.S. La Sanacja 1, pen-
dant vingt ans, par ses complaisances avec f' Al-
lemagne, l'ennemi hereditaire, par son anti-
? sovietisme forcene, a isole la Pologne dans un
cercle de haines et de malentendus. Ces der-
? niers tenants de Ja Szlachta 2, apres avoir cree
? une Polope provisoire ? dont ? les fron-
tieres donnaient une facheuse impression d'ins-
tabilite ?, ont voile ce rnonstre politique au
suicide 3.
r. Groupe politique de Pilsudski, qui protendait tra-
vailler ii? l'assainissement >) du pays.
2. alasse de la noblesse terrienne.
3. Peuples arnis, noy. 2949.
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LA POLOGNE
Lorsqu'en 1939, l'U.R.S.S. recouvrait les terres qui
lui avaient et6 asraohees par la force en 1920, il en fut
qui voulurent crier a un quatrieme partage de la Polo-
gne. Ce qu'une calomnie de plus.
Car isur la Ras-sic des Soviets, recouvrer
les co. Is n'etait pas settlement une juste repa-
ration ; c'etait aussi et surtout repousser
l'Ouest la base de depart de 'Inevitable agres-
sion allemande et, par la Merfle, accomplir le
premier acte de guerre contre Hitler et la pro-
messe de liberation faite a la Pologne, que
l'Annee rouge a si brillamment tenue cinq ans
plus tard 1.
Les confiris ? cela veut dire que la Pologne a rendu
l'U.R.S.S. tine bande nord-sud,.
un territoire de 188.000 kilometres carres, com-
pose- de ses anciens departements de Wilno,
Novogrodek, Polesie, Wolhynie, Lwow, Stanis-
lavov et Tarnapol. Mais II faut se souvenir
qu'elle s'etait annexe la plupart de ces pro-
vinces par les armes et surtout aux depens de
l'Union sovietique qu'elle avait attaquee, en
avril 1920, alors quo s'y dechainait la contre-
revolution appuyee sur !Intervention etran-
gere. L'Union sovietique rentre dans son bien,
et II est remaninable que la nouvelle frontiere
jalonnee par Grodno, Brest-Litovsk, Rawa-
Ruska, cote nisse, Przernyl, cete polonais, coin-
cide a pen pres exacternent avec la ? line
Curzon tracee an lendemain de la premiere
guerre mondiale par tine commission d'arbi-
tra.ge qu'on no pout pas soupconner d'avoir
voulu favoriser les Soviets. Saul deux a trois
millions de Polonais a qui on a laisse la faculte
d'opter et dont le rapatriement devait etre of-
i. Jean G ILLE, Peuples antis, nor, 194g.
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FRONTIERES
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fectue en juin 1946, la population est tout en-
tiere lithuanienne ou ru ene, et elle ne se pri-
vait pas de manifester contre la domination
polonaise, qui maintenait une forme feodale
dans les immenses domaines que les magnats
polonais faisaient exploiter au moindre prix par
la main-d'oeuvre indigene. Ce sont surtout des
regions pauvres et peu evoluees, oil le marecage
et la foret tiennent la plus grande place. La
civilisation est encore a l'Age du bois, dans cette
Polesie oil le paysan se chausse encore d'ecorce
et constmit son isba sans que parfois ii y fasse
entrer un clou !
Ii n'en est pas de meme, cependant, en bor-
dure des Carpathes, au Sud, ou la terre est fer-
tile et le sous-sol bien pourvu : la Pologne y
perd la grande ville de Lwow, et les pmts de
Boryslaw, qui lui donnaient annuellement
500.000 a 600.000 tonnes de petrole 1.
Mais, continue le meme auteur,
la Pologne recoit d'ailleurs en dedommagement
plus de 100.000 kilometres canes enleves a l'Al-
lemagne. Au Nord, elle s'approprie les deux-
tiers de la Prusse orientale, au-dessous d'une
ligne tendue entre Braunsberg et Goldap, et
qui laisse Koenigsberg aux Soviets, et elle s'etend
en bordure de la Baltique jusqu'aux boucles
de l'Oder, dont elle garde le controle. A l'Ouest,
sa frontiere suit le cours de l'Oder, puis de
son affluent, la Nissa, qui passe par Gcerlitz
et Guben, et elle englobe la Silesie ainsi qu'une
partie du Brandebourg et de la Pomeranie.
La seule carte des chemins de fer permettrait
d'apprecier la valeur de l'acquisition : a la
rarete des lignes de la Pologne centrale et
orientale s'oppose la densite du reseau dont
, Maurice Twiner Pologne nouvelle.
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124 LA POLOGNE
tits Allemands avaient dote ces regions fron-
titres, a des fins A la fois economiques et stra-
tegiques. C'en est fini de la double menace que
constituaient stir lc fla.nc de la Polobone la Site-
sie et la Prusse orientale, d'oa Hitler a lance
les offensives fouclroyantes de septembre 1939 ;
fini, l'etranglement de la Pologne par le ? cor-
ridor ? de Dantzig ! Certes, ces pays mouilles
et froids de Prusse orientale et de Pomeranie,
ces tristes plaines relevees de collines moral-
niques, troueis d'etangs o6 se reflete le ciel
tourmente, piquees de bosquets de pins aux ffits
minus ckui alternent avec les landes et les tour-
bieres, n offrent souvent que des sols mediocres,
mais la technique allemande a su en tirer le
meilleur parti. La plupart de ces terres appar-
tmaient I quelques junkers qui les faisaient
travailler par des manouvriers polonais... Sur
la c6te, les Polonais resolvent, en compensation
des destructions operees a Gdynia, los ports
de Dantzig, Kolberg et Stettin, avec son avant-
port Swmemiinde, au debouche du systeme
navigable de l'Oder, qui dessert jusqu'a la
Haute-Silesie.
C'est la Silesie qui est lc morceau de choix.
La aussi regnait la grande propriete, mais sur
des sols plus feconds qui en faisaient l'un des
pottrvoyeurs de la capitale allemande, et oil
s'est depuis longtemps etablie l'industrie. C'est
la Haute-Silesie, toutefois, qui retient le plus
l'attention. L'ancienne fronhere la coupait en
deux. Elle passe maintenant tout entiere a la
Pologne qui y trouve a peu pres intacts les eta-
blissernents miniers et inclustnels dont on con-
natt la capacite industrielle, et sa reconstruction
en sera facilitee. T.,'abandon de ses territoires
de l'Est se trouve plus quo compense par ses
acquisitions a l'Ouest ; dans tous les domaines,
les provinces occidentales plus evoluees l'em-
portent en richesse sur les enciennes provinces
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FRONTIERES
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orientales o? l'on no comptait par exemple quo
59.471 etablissements industriels, contre 234.959
dans les tetritoires redlines 1.
La Pologne nouvelle
apparait territorialement mieux conformee que
l'ancienne. Plus petite, ramenee a 310.000 kilo-
metres carres, elle est, par contre, mieux ramas-
see, plus compacte. Elle a resorbe les deux
tentacules entre lesquelles elle se trouyait pine&
par l'Allemagne, au Nord et au Sud, et la
reduction de ses hernies, la rectification de ses
contours, raccourcit la frontiere germano-polo-
naise de 1.900 a 400 km. environ, assurant de
meilleures possibilites de defense. Autre fait
capital, l'installation de la Pologne en bordure
de la Baltigue sur une longueur de plus de
500 km. qui lui donne le large acces a la mer
dont a besoin une grande puissance modeme.
Enfin, et c'est peut-etre l'impression la plus
saisissante qui se degage d'une comparaison
entre la carte de 1939 et cello de 1945, la Polo-
e se trouye notablement deplacee vets
'Ouest, o?lle est portee jusqu'a l'Oder, tandis
qu'elle effectue h l'Est un repli de 150 h 200 km.
Aux avantages presentes par Maurice Thiedot, ii
fa,ut ajouter ou preciser ceux-ci. Les Allemands des ter-
ritoires recouyres ayant ete eyacues a l'ouest de l'Oder,
la Pologne n'est plus peuplee aujourd'hui quo de Polo-
nais : cela est une garantie de paix interieure et exte-
rieure. En Silesie, en Prusse orientale, en Pomeranie, et
Brandebourg. de par la reforme agraire et la natio-
nalisation des mines, la base terrienne et industrielle.
du prussianisrne a ete demolie : cela constitue un motif
de prosperite pour le peuple polonais et une garantie de
i. Maurice TinAmy, Pologne nouvelle.
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x26 LA POLOGNE
pais pour l'Europe et le monde. Et il se trouve que la
Pologne teUe qu'elle est faite entretient avec ses voi-
sins les rapports les plus fraternels. Dans cette partie
de l'Europe, l'amitie des peuples l'a emporte sur les
cupides discitsions nationalistes. Les actuelles frontie-
res de la Pologne possedent aux yeux du monde une
immense valeur de demonstration. Elles signifient que
les questions frontalieres peuvent etre reglees par la voie
pacifique ainsi que cela s est produit critic la Pologne
et l'U.R.S.S. pour les frontieres de l'Est, entre la Polo-
gne et la Tchecoslovaquie pour le district de Teschen,
entre la Pologne et la Republique democratique alle-
mande pour la frontiere Oder-Nissa. Elles signifient
que e'en est fini de l'inimitie entre le peuple de Rus-
sie et le peuple de Pologne, entre le peuple de Pologne
et k peuple allemand.
Bismarck ordonnait a ses ministres de tout faire
pour ne ? jamais permettre la reconciliation entre la
Pologne et la Russie Cela voulait lien dire que
l'Allemagne prussianisee devait etre l'eternelle ennemie
de la Pologne et de la Russie.
Bismarck a ete vaincu. Ii l'a ete par celui qui. a 'tau-
rore de la Revolution de 1917, ecrivait :
Nous ne voulons pas de guerre pour des fron-
tieres territoriales ; nous voulons detruire le
pass?audit.
Les disciples de Lenine, Staline en tete, ont ete fideles
cette parole.
En Pologne ? le passe maudit ? est detruit au meme
rythme que se construisent les maisons et les vines
et que s'extraient des mines de Silesie les millions de
tonnes de charbon.
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CHAPITRE: III
LE PREVENTORIUM
DE PACZKOW
A la table de la Mere Superieure.
Ncos laissons Opole sur notre droite et nous abordons
un paysage de collines, tres pourvu de cours d'eau,
d'axbres fruiticrs. Les mots des Sudetes se rappro-
chent de nulls. Nous traversons Nysa, ville peuplee de
feuillages et arrosee par une belle riviere. Void un lac
artificiel, Les cOtes se font plus severes. Le paysage
devient de plus en plus vane. C'est l'arrivee a Paczkow.
Le preventorium se ,presente a nous avec sa longue
facade blanche dominant un paysage vert et doucement
ondule. Nous moutons les marches du perron et nous
somrnes accueillis par une religieuse a l'immense coiffe
blanche, au visage rond, tres color& plein de componc-
tion, eclaire d'un sourire. Elle et la secretaire des ceu-
vres sociales du syndicat s'embrassent avec beaucoup de
cordia,lite. Les presentations se font tres protocolaire-
ment. La religieuse nous souhaite la bienvenue en polo-
nais et nous invite a enter.
, ? Vous avez fait un long voyage, vous avez besoin
de faire un peu de toilette et vous devez surtout avoir
faim. Ne vous inquietez pas : la scour cuisiniere aura
vite fait de preparer a dejeuner. Vous prendrez votre
repas dans notre salle a manger.
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128 LA POLOGNE .
La maison brine de proprete. !.es parquets sont cires.
De grandes fenetres l'emplissent de lumiere. II y a des
flours partout, des plantes vertes. Les murs sont peints
a. l'huile et clans des teintcs claires. je n'ai jamais vu
autant de confort dans urn, raison de cette destination.
je dois avouer pie mon etonnement est grand d'avoir
trouve la, cette religieuse digne, hriposante, pleine d'ur-
banite, mon etonnement de voir alter dans les vastes
couloirs bras-dessus bras-dessous cornme deux grandes
antics, la religieuse et la militante du Syndicat des
mineurs et dont j'ai su, to matin, a. travers des mor-
ceaux de conversation du voyage, qu'elle est membre
du Parti ouvrier
L'ami Szwed devine que j'ai besoin de quelques
explications.
? Ii y a ici un personnel laique, me dit-il, qui s'oc-
cape des enfants, de leur instruction, de leur education,
de leur sante : instituteurs, institutrices, medecins, infir-
mien. L'administration de l'etablissement est entiere-
ment a.ssuree par six religieuses qui ont eu, pendant
l'occupation, tine attitude patriotique exemplaire. C'est
la sceur Maria Glowska qui est, si l'on petit dire. la mere
superieure... celle justement qui nous a accueillis.
La piece du rez-de-chaussee oa nous penetrons, aux
mars blancs, decor& de tableaux de saintete, recoit
tin aveuglant eclairage d'une fenetre ouverte sur laquelle
tombe un brise-bise de tulle. Un buffet, une desserte
en bois noir. La table, a. la nappe immaculee, est belle
avec ses services d'assiettes, de verres, de carafes frap-
pees, de carafons oh scintillent deux ou trois sortes de
vodkas colorees. Au-clessus de la porte, un crucifix.
Nous prenons place. Nous sornmes six convives,
chauffeur compris. La mere superieure s'assied sur an
c8te de table. Elle assistera ainsi a tout notre repas,
causant, posant des questions, racontant des histoires
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LB ,PREVENTORIUM DE PACZKOW
129
Nous avons d'abord bu le verre de vodka rituel
la Pologne populaire.
Pus on a servi le menu que voici : Bouillon a la
irangaise avec flocons d'oeufs flottants, Riz, Tranche
de veau.
Entre ces plats s'intercalaient des gateaux, des p'atis-
series, des compotes de fruits.
Nous &ions servis par une sceur qui, chaque fois
qu'elle apportait un plat, nous faisait demander de la
part de la sceur cuisiniere Si nous &ions satisfaits, si
c'etait bon.
Je fis dire a la sceur superieure qu'il y avait des gens
en France qui s'en alla lent repetant qu'en Pologne
l'Eglise etait opprimee, lc clerge persecute. Je precisai
que c'etaient dans des journaux se pretendant catho-
liques que se lisaient surtout ces affirmations.
La mere superieure me repondit que cela 1 etonnait
beaucoup, qu'elle avait peine a me croire, qu'il lui etait
difficile d'imaginer que des catholiques dignes de ce nom
puissent prendre tant de liberte avec la Write, que je
n'aurals, a mon retour, qu'a dire ce que j'aurai vu
Pa.czkow, par exemple l'administration d' un grand
preventorium, propriete du Syndicat des mineurs et rece-
vant des enfants de mineurs, entierement confies a des
religieuses.
me sera difficile, dis-je encore, de faire croire
certains que j'ai dejeune dans cette salle, regu par
Vous, dans cette salle ott se volt au-dessus de la porte
ce crucifix.
Dites la verite, dit la scour Maria Glowska, repe-
tez la verite, ne vous lassez pas de repeter la verite.
Nous, id, dans cette maison, nous demeurons des reli-
gieuses, nous servons le Christ et notre pays. Nous
Sorrunes Catholiques. Nous sommes Polonaises. Nous sou-
9
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X30
LA POLOGNE
haitons a notre pays la prosperite et la paix. Ceux qui
se servent du mensonge ne servent ni leur pays, ni la
pix.
preventorium de Paczkow.
A fin du repas arrivee, la sur superieure nous pre-
vint quo les enfants, leur sieste etant terrninee,
allaient partir en excursion et gull etait temps de les
voir. Nous sorfirnes dans le hall du preventorium. Gar-
cons et fillettes etaient l?debout sur les marches du
large escalier. Et nous fames accueillis par une Mar-
seillaise assez hesitante, mais une Marseittaise quand
memo. L'hyrnne polonais suivit. Nous questionnames
les enfants. Cela fut facile il y avait l?es gamins et
des gamines rentres de France avec leur famille, les
nns en 1946, d'autres en 1947, d'autres a l'epoque des
expulsions, c'est-a-dire de 1948 a 195o. Gamins et
gamines qui connaissaient surtout le francais, qui me
prierent de dormer de leurs nouvelles A leurs maitres
on A leurs mattresses du Nord on du Pas-de-Calais. Et
lorsque je parlai en francais, ne pouvant faire mieux,
aux cent-trente pensiormaires de Paczkow, des enfants
de France, cc fut une fillette de douze ans qui servit
d'interprete. II y eut encore des chants. Le dernier, cc
fut l'Internationale. J'avais pres de moi la scour supe-
rieure. Elle ecoutait les enfants chanter le chant revo-
lutionnaire sans aucun etonnement, sans aucune cris-
pation dans ses traits cahnes et reposes, sans run de ces
moindres riens qui peuvent dire la gene sur un visage.
Les enfants partis, la scour Maria Glowska nous invita
visiter d'abord le jardin : cela nous perrnettrait de
faire une promenade fort utile I notre digestion, nous
fut-il dit. Nous contournimes le grand edifice stir son
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LE PREVENTORIUM DE PACZKOW 131
certe droit pour tornber sur un chantier. Ii y a des chan-
tiers partout en Pologne !
? Nous nous agrandissons, dit la mere superieure.
La maison ne manquait pas de confort, mais un certain
nombre d'installations modemes lui faisaient defaut,
surtout en ce qui regarde les choses de la medecine,
de la chirurgie, de l'hygiene generale. Vous le voyez,
dans peu de temps, nous aurons tout ce qu'il nous faut.
Ii faut dire que des a present une maison comme celle-
la est cleja une chose unique.
Le jardin est la. Tous les legumes : choux, carottes,
rads, poireaux, oignons, poinmes de terre. Et 3.000
pieds de tomates ce chiffre donnera une idee de liken-
due du jardin.
Les arbres fruitiers, des pommiers surtout, ne man-
.
quent pas. Ni les fraisiers. Ni les fleurs, ceillets, roses,
giroflees. petunias.
Voici de la luzerne..., et les hautes tiges de mais,
et des chassis..., et une serre. Ce sont les six sceurs
qui cultivent la propriete, aidees aux grands moments
par trois ouvrieres saisonnieres, des files de paysans
des environs.
Nous visitons maintenant l'interieur du preventorium.
Des chambres a deux lits. Un lavabo dans chaque cham-
bre. Parquet eke, murs peints a l'huile. Rideaux. Meu-
bles peints. Salles de bains. Des fleurs sur les appuis
de fenetre. A chaque aile du preventorium est affec-
tee une jeune flue pour l'entretien. Chaque ale possede
aussi une chambre d'institutrice, fauteuils, bibliotheque,
fleurs, lampe de chevet un confort d'excellent gait,
plein d'intimite. La maison est faite pour le service
des enfants. Tout est adapte a leurs petites personnes.
Les families peuvent rendre visite a leurs gosses une
fos par mois, mais us ne les voient qu'au rez-de-
chaussee, Le prix de pension? 250 zlotys par mois. Les
enfants prennent 12 a 13 kg. en trois mois.
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132
LA POLOGNE
La SCOW' cuisiniere
et son enfer bourre de provisions.
Nous regagnons le rez-de-chaussee, puis le sous-sol.
Nous allons visiter le dornaine de l'Achninistration,
celui oti regnent les six religieuses.
La cuisine est de dimensions inusitees. Nous y sommes
accueillies par tine sour cuisiniere monurnentale dans
sa robe blanche, to teint tres fleuri, joviale et qui, ries
qu'elle nous voit, saute au cou de la responsable sociale
du Syndic.at des mineurs. Embrassade. Des que je lui
suis presente, la sceur maitre-coq passe son bras sous
to mien et elle mtentraine pour me montrer les richesses
de son dornaine.
y a dans tin angle du mur une grille de haut-parleur
qui retient mon attention, La sceur me fait expliquer
(Welk etait seule dans la maison a ne pas avoir de
musique. Elle a exige et obtenu cette installation radio-
phonique. ? Comrne ca, dit-elle, je ne suis plus seule
dans mon enfer. ? Et elle eclate de rire. Elle nous
conduit, une grande ecumoire a la main, une ecumoire
assorruner les lxeufs et qu'elle brandit a tout propos.
je pense a hire Jehan des Entomeures. Voici la cui-
shaiere au charbon qui trOne, au milieu de ce saint
des saints, venerable, longue, noire, brillante de tous
ses cuivres de bordure et de ses robinets. Mais ii y a
aussi une cuisiniere a gaz et un moteur electrique pour
animer des tas dinstensiles mecaniques : machines a
eplucher, machines a layer la vaisselle, que sais-je
encore ! La, c'est le frigidaire. Nous allons de salle
en piece et de piece en reduit : les dependances de la cui-
sine toujouni. Void la reserve aux configures, aux com-
potes, les grands bocaux on se conservent dans l'akool
terises, prunes, abricots, poires. Void la reserve des
sirops, des haricots verts, des oeufs. Void i le magasin
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LE PREVENTORIUM DE PACZKOW
133
des legumes secs : sacs, barils, caisses o? se voient le
riz, les lentilles, les farines, les semoules, le sel, le sucre,
la kasza ou orge perle. La, c'est la piece de la charcu-
terie, saucissons de toutes tailles, ficeles fins, jambons,
grandes plaques de lard ou de petit sale. La, c'est la
piece du chocolat et des biscuits.
La soeur cuisiniere nous montre toutes ces richesses
comme si elles etaient les siennes et elle commente :
? De quoi soutenir un siege. On ne mourra jamais
de faim.
Et la grande ecumoire trace a travers l'espace sombre
et frais des cercles eblouissants.
Puis ce sont les douches, la buanderie electrique, le
repassage electrique avec son rouleau et dont on m'ex-
plique le fonctionnement en repassant sous mes yeux
un immense drap de lit.
Nous avons termine noire visite au preventorium de
Paczkow dans les bureaux. On m'a montre les fiches
des pensionnaires, des graphiques de sante, un livre d'or
oi j'ai d crire mes impressions. Aux murs, un cru-
cifix, et les portraits de Staline, de Bierut, de Cyran-
kiewicz.
Le Syndica.t des mineurs possede huit de ces maisonsl.
-
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CHAP1TRE 1V
LA MAISON DE LA CULTURE
DE KATOWICE
Tout cela est fait pour l'homme.
CREST le directeur Kowalik qui nous a fait les hon-
neurs de la. Maison de la Culture de Katowice.
Il y a en Pologne pres de quatre-vingts de ces
maisons. Cellos de Katowice et de Cracovie sont consi-
&trees comme des modeles.
L'immenble oil est installee cello de Katowice est im-
mense. Ti flit tout a, fait detruit par la guerre. On nous
montre sur un album de photos en quel ?t il se
trouvait en 1943, tres exactement le riT fevrier, jour
oil les syndicats prirent possession des ruines. Quinze
jours apres la Maison fonctionnait. Le premier cours
etait destine aux chefs des salles de jeux qui se mon-
talent dans toutes les entreprises de la region. Il n'y
avait alors qu'une sale de cours, la piece oii est ins-
talle aujourd'hui le bureau directorial. Les autres salles
quson avait rendues habitables etaient prises par un
service d'intemat. Au debut de 1946 tout avait ete
rends en ?t. La Maison de la Culture fonctionnait.
Le Directeur Kowalik in'expliqua que la Commission
centrale des syridicats polonais possede tout un ensemble
de salles de jeux, de clubs d'usine, de maisons de
la culture, clans to but de relever le niveau des masses
laborieuses et d'assurer tour formation ideologique. 11
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LA MAISON DE LA CULTURE DE KATOWICE 135
s'agit d'une organisation des loisirs de fin de journee,
des dimanches et jours feries.
La salle de jeu est l'organisation primaire reservee aux
toutes petites entreprises industrielles ou aux coopera-
tives de production agricoles. -
Le club ouvrier est plus important. 11 comprend une
sale specialement amenagee ainsi que d'autres beaux
oa on peut se reposer apres le travail, lire les joumaux,
jouer aux echecs, emprunter un livre. Ii possede un
piano et une salle de spectacles. Il comprend plusieurs
cercles de travail : cercle autodidaxie, cercie de musi-
que, de danses, de theatre. C'est au club qu'ont lieu
les conferences educatives, les projections de films.
C'est le club qui organise les excursions qui permettent
aux ouvriers et aux paysans de connaitre leur pays.
Les families des travailleurs ont acces au club.
Les clubs ouvriers font la gloire des usines ; leurs
activites sont suivies avec passion par tout le personnel,
les families et la population elle-meme. D'autant plus
que la Commission centrale des syndicats organise entre
bus les cercles des concours de danses, de chants, de
theatre.
Le directeur Kowalik me foumit cette definition : la
1Vlaison de la Culture est be centre culturel et educatif
de la contree, de la voievodie ou de plusieurs voievodies.
Son activite sert de modMe aux clubs ouvriers. Elle
conseille et instruit les militants des clubs ouvriers. Elle
forme des militants du mouvement cuiturel syndical.
Elle fournit les programmes artistiques des Centres de
repos du Fonds des loisirs ouvriers. Elle est subven-
tionnee par la Commission centrale des syndicats. En
1950, la Maison de la Culture de Katowice a inn
quarante millions de subvention.
Ii y a la une veritable universite et qui dispense tons
les enseignements. L'enseignement general tient une ties
grande place. Void aussi des cours de danse, de pein-
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136
LA POLOGNE
ture, de sculpture, de musique, de theatre, de photo-
graphic.. Taus ces cours sant gratuits.
Les professeurs ? Les rneilleurs specialistes de la vile
et du pays lui-merne : peintres, sculpteurs, chefs d'or-
chestre, metteurs en scene, clioregraphes, ecrivains,
poetes, journalistes.
La maison possede un ballet d'adultes et wi ballet
d'enfants, un chceur de 120 personnes, un orchestre de
So accordeonistes. Les instruments sont fournis par la
maison ole-memo. Si des ? eleves ? ont de belles voix,
ils recoivent un enseignement individuel. Le directeur
Kowalik me dit avec satisfaction ;
? Trois de nos eleves chantent deja. a l'Opera.
Si quelqu'un habite hors de Katowice, et s'il croit
avoir des dons, il ecrit A la Maison de la Culture qui
l'invite aussitot a venir se faire examiner. Tous les frais
de voyage sont rembourses. Aussi tous les talents sont
detectes. bus les talents peuvent s'epanouir. Ii n'est
pas un coin de terre de Pologne qui doive rester en
friche. Ii n'est pas uric intelligence qui doive croupir.
fl n'est pas uric faculte humaine qui doive rester inem-
ployee. A ceux qui osent affirrner, en notre Occident,
qu'efl Pologne l'hornrne no serait plus qu'un matricule,
je souhaite, s'ils sont honnetes, qu'ils reflechis' sent A cet
aspect de la reconstruction polonaise quo je leur montrais
tout a l'heure en visitant le preventoriurn de Paszkow,
quo je leur montre a present en visitant la Maison de la
Culture de Katowice.
Chaque semaine, cette Maison publie le programme
de ses spectacles. j'ai sous les-yeux uric grande affiche.
Jo copie :
Lundi. Cinema; films documenta res.
Mardi. ? Musique, danse, theatre.
Mercredi. ? Recitation.
jeudi. ? Soiree litteraire.
Vendredi. ? Conferences politiques et scientifiques.
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LA MAISON DE LA CULTURE DE KATOWICE 137
Samedi. ? Th?re de marionnettes (pour les enfants
et les grandes personnes).
Dimanche. ? Concerts,
On peut, pour beneficier de tout cela, prendre un
abonnement ipensuel dont le cat est de roo zlotys :
3 zlotys par soiree : le "Fix d'une cigarette 1
Nous rnontons les &ages. Les murs sont converts de
journaux muraux des differentes sections. Je vois une
salle de spectacle qui est un veritable theatre de 1.200
places. Je vois une exposition de dessins d'enfants, une
autre de dessins d'ouvriers.
Voici l'atelier des maquettes de costumes folkloriques;
tout un &age, le dernier, est consacre a cette resplen-
dissante fabrication. En ai-je vu des broderies, des ors,
des argents, des perles, des galons ! tons les costumes
de la Pologne, les marins et les montagnards, les ou-
vriers pt les paysans, les bourgeois et les aristocrates !
Voici le ? laboratoire ou l'on fournit tous les ren-
seignements utiles a la creation et a la bonne marche
d'une salle de jeux... Voila la salle de concerts, le theatre
de marionnettes dont on me dit qu'il lui arrive de partir
en toumee t la campagne. On ajoute cette precision :
la Pologne possede 66 theatres de marionnettes.
Une bibliotheque vivante.
M ous arriyons 'dans le domaine des livres.
111 Cette salle est cello de la lutte contre l'a,nalpha-
betisme. Sur les ?g?s triangulaires, legerement pen-
chees en arriere, sont places les livres speciaux. L'eta-
lage est progressif. Des abecedaires en images on passe
graduellement aux !lyres de lecture courante. Tout cc
materiel est a la disposition des responsables de salles de
jeux ou de clubs d'usines.
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LA POLOGNE
La bibliotheque ordinaire est riche de 20.000 volumes.
Fin 1945, elle nen possedait que 510. Void la progres-
sion quo je lis sur un graphique de la sane reservee au
public.
En 1945 ? ? ? ? 510 volumes
En 1946 1.070 volumes
En 1947 3.050 volumes
En 1948 7.o00 volumes
En 1949 15.000 volumes
En 1950 20.000 volumes
A present la bibliotheque s'enrichit chaque mois de
1.000 volumes.
je vois d'autres graphiques.
Celui du nombre de visites resues par la bibliotheque :
En
1945
3.159
En
1946
14-807
En
1947
25.929
En
1948
59.652
En
1949
78./17
Celui des prets :
En 1945
2.430
En
1946
11.390
En
1947
20.716
ED
1948
4088
En
1949
62.155
Tons les prets sant gratuits.
On pout cependant prendre un abonnement qui, contre
tine somme derisoire, permet de lire tout de suite les
nouveautes. Voici le graphique des abonnements :
En
1945
220
En
1946
245
En
1947
339
En
1948
802
En
1949
1-840
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LA MAISON DE LA CULTURE DE KATOWICE 139
Les nouveautes sont presentees dans des vitrines.
Elles ne seront mises en lecture qu'une fois les volumes
relies. On peut cependant sortir un livre broche. Ii suffit
de s'engager a faire l'analyse et la critique de l'ouvrage.
, L'une des parties de cetie bibliotheque qui m'a vive-
ment interesse est celle ou se font les expeditions de
livres a la campagne. Chaque mois. i.000 volumes quit-
tent la Maison de la Culture de Katowice et 1.000 autres
y reviennent. Les envois vers les salles de jeux des
villages ou des cooperatives de production se font par le
moyen de ce que j'appellemi une caisse-armoire-h-livres.
Ii s'agit bien d' une armoire de bois epais de un metre
de hauteur, a trois ou quatre etageres, qui se ferme
cornme une caisse par le moyen de grosses vis. Line caisse
n est pas encore revenue qu'une autre part. Dans chaque
centre recepteur on dispose d'un registre general de la
bibliotheque ; les demandes sont etablies d'apres ce
registre. Mais pas au hasard : on a discute, a la salle
de jeux, des livres qu'il convenait de recevoir. Je dis
au directeur Kowalik :
- Mais qui vous fournit vos livres?
-- La section culturelle de la Commission centrale
des syndicats second& par une commission speciale
qui juge des livres du point de vue de leur valeur
litteraire et sociale, et qui tient compte aussi de la vogue
dont us jouissent.
? Comment se fait la repartition par bibliotheque ?
? Les bibliotheques qui ont le plus de lecteurs
recoivent le plus grand nombre de volumes. Cela a
Fair normal pent-etre. La verite est qu'une emulation
singuliere s'etablit entre les differentes bibliotheques.
Chacune d' entre elles fait le maximum pour developper
le goat de la lecture dans les milieux ouvriers et paysans.
? Combien votre bibliotheque occupe-t-elle de per-
sonnes ?
? Dix en tout.
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140 LA POLOG N E
Avez-vous calcule combien votre Maison de la
Culture recoit de visiteurs par jour?
Une moyenne de 2.500 et de tons les Ages.
Variations sur le genie, la musique et le peuple.
EN novembre 1948, j'avais entendu tine discussion dans
la salle de restaurant de l'Hatel Bristol, a Varsovie.
fl y avait du dote francais les cornpositeurs et autres
specialisks de la musique venus en Pologne pour pren-
dre contact au nom du Comite francais avec le Comite
polonais du Centenaire de la mart de Chopin, Ii y avait
du cote polonais Elsa Belder, l'une de ces fames
qui n'ont jamais cesse de se battre pour la liberte. Apres
avoir mene son combat sur none sol, et durant tout
le temps de l'occupation, Elsa Bekier s'est souvenue
qu'elle etait partie dans la vie pour no faire que do Ia.
musique. Elle avait sacrifie son art a la lutte imme-
diate. Retournee en Pologne, die a retrouve son art et
die le met au service de on pays. Elle a des responsabi-
hies dans le domaine de la musique. Elle dirige, elle
organise, die compose.
Les Francais, au Bristol, ee jour de novembre 1948
que revoquais en visitant en 1950 la Maison de la Culture
de Katowice, soutenaient d'etranges theories. Le genie
est un don du ciel, disaient-ils. La musique se situe
au-dessus de toute chose. Elle West faite que pour
quelques-uns ; le peuple no comprend Hen A la musique.
Un grand musiden, s'il a ete un traitre A son pays,
on doit l'absoudre parce qu'il est un grand musicien.
Elsa Bekier repondait de sa voix calme et posee.
Un artiste, si grand salt-il, a des devoirs envers
son pays et son peuple, a commencer par lc devoir de
fidelite ; sa responsabilite est A la mesure de son ceuvre
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LA MAISON DE LA CULTURE DE KATOWICE x4i
et de sa gloire ; s'il trahit, il est mule fois plus coupable
qu'un autre, il. devrait payer plus cher. Il y a plus a
dire encore : s'il trahit, c'est que sa reputation de grand
artiste est usurpee, ou exageree, et que si l'on regarde
bien, ii manque a son ceuvre l'un des elements qui font
au long de notre ?que les grandes ceuvres, l'element
national. Il faut faire passer un artiste, un ecrivain
aussi, a cc que le grand poete Aragon a appele le trebu-
chet national... et ne pas le juger avant cette epreuve.
Elsa disait encore dalmement :
? Pourquoi mettre la musique au-dessus de toute
chose ? Viendrait-elle du ciel ? ainsi vous croiriez aux
miracles alors que vous vivez, au nom de la musique et
parce que vous l'aimez, dans un amas inextricable de
difficultes materielles ! Si vous arrivez a. surmonter
ces difficultes, ou quelques-unes d'entre elles, alors vous
pouvez faire de la musique, la composer, la jouer.
La musique, c'est d'abord la consequence, comme la
litterature et la philosophic, d'un certain nombre de
conditions materielles, sociales, politiques, qui president
plus ou moms bien a l'eclosion ou a l'etouffement de
l'ceuvre. On petit dire quo chaque societe a la musique
qu'elle merite.
y a des musiciens de genie ? Oui, et j'espere que
plus nous avancerons dans le temps, plus nous chan-
gerons les conditions materielles, sociales, politiques,
plus il y aura de musiciens de genie. Mais le genie
suffit-il a. tout ? Ne cloit-il pas compter sur l'existence
d'un instrument, d'une pedagogic, d'un public? sur les
necessites de l' etude ? Si ces conditions dont je parle ne
sont pas realisees, si le genie ne les rencontre pas, il ne
pourra pas s'exprimer ou mal. Je fais a. l'humanite
Thonneur d'affirmer qu'elle a possede, en puissance,
plus de genies qu'il n'a pu s'en manifester. Je repro-
the aux societes, aux civilisations, de ne pas avoir
.perms a thus les genies d'eclore et de s'epanouir.
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142 LA POLOGNE
jusqu'ici, c'est le hasard qui a decide de tout, je ne
dis pas la selection, et les societes ont tort de laisser
le soin de choisir an hasard, c'est-a-dire en fin de
compte a l'injustice sociale. Vous dites, vous, que c'est
le malheur, la souffrance, la faim, la misere, qui font
les grands musicierts. De memo que certains pretendent
que si Chopin a ete Chopin, c'est parce qu'il etait
d'abord poitrinake. AlIons done I Le malheur, la souf-
trance, la faim, la misere. la maladie, cela pout dieter
de grandes ceuvres a. quelques '5.rtistes. Cela interdit
a. beaucoup d'autres de s'exprirner ? et de s'exprimer
comme Us le voudraient. Et je pretends que les ceuvres
issues de la serenite, du bien-etre, de la sante, de la joie,
seront toujours plus belles et plus nombreuses. Nous ne
voulons plus de la douleur comme maitre. Nous no you-
Ions plus non plus que la musique, et les musiciens, se
manifestent sous le signe restrictif de l'argent, du profit.
? Car, continuait, impitoyable et souriantc, Elsa
Bekier, vous mettez la musique au-dessus de toutc
chose et, en definitive, vous en faites purement et sim-
plement une affaire commercial. Vous la vender. comme
d'autres vendent du taffetas, des sardines a l'huile ou
du coca-cola. La chose la plus belle, vous la faites
rare pour la vendre plus c.here et gagner plus en la
vendant. Comment vivent vos compositeum ? Et vos
virtuosos? Ceux-ci, des entrepreneurs de spectacles
s'en enaparent, se les disputent, se les arrachent. Pour
quelques-uns qui deviennent riches, combien vegetent
et disparaissent des affiches ? Grace a certaines protec-
tions, a. la presse, a la radio, a. un savoir-faire que je
ne veux pas qualifier, vous fabriquez des renommees
comrne on lance une marque de savon. Aussi vos artistes,
vos compositeurs, vos interpretes, no sont pas libres. Ils
dependent de qui pourra les joucr et leur production
s'en ressent. us dependent de qui pourra les loner an
sens vii du mot. Et parce que la musique, ce sont
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LA MAISON DE LA CULTURE DE KATOWICE 143
d'abord des compositeurs et des interpretes, ceux-ci
n'etant pas libres, chez vous, la musique ne pent l'etre.
Comment serait-elle au-dessus de toute chose, ainsi
que vous le pretendez ?
? Voila, j'imagine chez vous, a Paris, aujourd'hui,
un jeune compositeur peu connu. Ii vient d'ecrire une
syrnphonie, tine ceuvre notable.I1 est cependant demuni
d'argent et d'appui. Arrivera-t-il a presenter son ceuvre
au public ? Ii lui faut un orchestre, un chef, une salle,
de la publicite, un entrepreneur de spectacle, et qui
songe a bien gagner so vie, aux &pens de l'artiste,
c'est stir. A Paris, le jeune compositeur aura pent-
etre, puisqu'il est sans argent et sans appui, deux
chances sur cent de voir interpreter son ceuvre pourtant
interessante. A yarsovie, 11 aurait cent chances sur cent.
A Paris, n' existent pas les conditions pour une musique
libre et qui fassent toutes leurs chances a tous. A Var-
sovie, ces conditions existent.
-- Notre but? Enlever la musique du rayon des'
choses qui se vendent. La donner a tous. Pour cela., faire
l' education musicale de tous, du plus grand nombre
possible de nos jeunes gens et de nos adultes, paysans,
manus, ouvriers, employes, iritellectuels, de tous nos
enfants surtout. S'il exist e, dans notre peuple, un enfant
capable de devenir un Beethoven, nous tenons a lui
donner toutes ses chances. Nous ne voulons plus laisser
le hasard faire ses miserables choix. Nous creons toutes
les conditions favorables a l'eclosion, non d'un genie,
mais de tous les genies possibles et pas seulement sur
le plan de la musique, vous vous en doutez, mais sur
tops les plans. Ainsi la musique, ce bien precieux,
deviendra, le bien de tous et non plus de quelques-uns,
Jo bien du peuple qui la comprendra parce qu'elle sera
sierme et qui l'enrichira parce que c'est dans le peuple
que sont toutes les richesses vraies et les seules possi-
bilit6s de renouvellement.
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CHAPITRE V
ZAKOPANE; LE SOUVENIR
DE LENINE
ET LES SYNDICATS POLONAIS
De Cracovie a Zakopane
au le souvenir de Lenine.
IE cornprenais mieux, a penser aux paroles d'Elsa
Beker a. quoi doivent servir les maisons de la
culture.
je conapris mieux encore combien la liberation de
l'homme etait le but supreme de la democratie populaire
en marche vers le socialisrne lorsque j' ens visite Zako-
pane et quo j'eus entendu les explications de la camarade
Cieslikowska, secretaire de la section culturolle de
l'Union des syndicats polonais.
Mats je voudrais dire d'a.bord deux mots sur le che-
min quo j'ai suivi pour me rendre de Cracovie a.
Zakopane.
Nous 6tions partis de Varsovie par la route. Par
palters successifs, celle-ci ne cesse de s'elever. Cost une
route de montagne avec ses tournants et sos surprises
continuelles. Mais une route bien tracee, bien goudronnee
et large Les eaux sont abondantes et vives. Les vil-
lages sant pittoresques avec leurs maisons de bois
gull est convenu en tous pays d'appeler des chalets.
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ZAKOPANE
/45
Plus pittoresques encore sont les montagnards avec leur
chapeau plat, leurs courtes vestes blanches, brodees,
leurs pantalons collants et brodes aussi sur le devant et
les cotes. A jeter un coup d'ceil sur les croupes arron-
dies en dos de hangar et comme camouflees d'un nombre
considerable de taches de couleurs differentes, on corn-
prend vite que la terre est la tres morcelee. Ce sont les
montagnes de Tatras, sur le territoire de la Galicie qui
fat, apres les partages, propriete autrichienne. Le regime
ici, avant la resurrection de la Pologne etait plus libe-
ral que dans les tares sous domination prussienne et
tsariste. Aussi ces montagnes devinrent-elles comme
le pays d'election des revolutionnaires polonais et russes.
Nous avons ,traverse Myslenice avant d'aborder les
hauteurs. C'est de la qu'un nomme Dobyszynski tenta
en 1935 de faire partir un pustch antisemite. L'homme
fut pris. mais la condamnation fut benigne : 5 ans de
prison. Les colonels alignaient leur politique sur celle de
Hitler et, a cc titre, ils avaient commence a opprimer les
juifs. C'etait comme un prelude aux exterminations
massives qui ailment s'accomplir au moyen des cham-
bres a gaz et des fours crematoires. Le denomme Dobys-
zynski s' en tira donc a bon compte. Durant les annees
noires de l'occupation, ii s'embaucha dans la Gestapo.
A la liberation, ii s'enfuit a l'etranger ou ii devint
l'agent de certains services secrets. Il revenait en Pologne
en 1946 pour y faire de ragitation, constituer des bandes
terroristes, promouvoir des sabotages et des assassinats.
E fut pris, condamne mort et execute. La justice de
la democratie populaire a a preserver la paix interieure
et les biens du peuple.
C'est dans le village de Naprawa que vecut ecrivain
jalu Kurek qui. dans ses ceuvres, s'est employe a
(Maim la misere des paysans. C'est cc qu'il a surtout
fait dans un roman bien connu en Pologne et qu'il a
intitule La Grippe sevit a Naprawa.
10
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146 LA POLOGNE
A Nowytarg, et nous sommes d? dans la bonne
et franche montagne, a veeu le grand potte polonais
Orkan.
Et c'est & Poronin qu'a vecu 1.enine. Le grand reva-
lutionnaire avait quitte Paris pour Cracovie ou ii arri-
vait le 19 juin 1912. De Pads, il devenait de plus en plus
difficile de clinger la Pravda &ant donne quo le travail
du Patti prenait de l'extension, et que le mouvement
ouvrier allait croissant. Il fallait se rapprocher de la
frontiere russe. Le choi.x tornba sur Cracovie.
Vous me clemandez pourquoi je sins en Autri-
che, repondait 'Arline a une question de Gorki;
le Comite central a organise ici un bureau
(entre nous). La frontiere est proche, nous
l'utilisons ; nous sommes plus .pres de Peters-
bourg, nous recevons de la les 3ournaux le sur-
lendemain. 11 est devenu beaucoup plus facile
d'ecrire dans les journaux de la-bas ; la colla-
boration s'organise mieux.
La compagne de Lenine, Kroupskala, ayant ete fati-
guee, its vont se fixer, Fete, dans le hameau de Poronin.
1Lenine ecrivait aux siens :
11 y a quelques jours, nous nous sommes ins-
talles, pour Pete, dans la montagne an village
de Poronino, a7 kilometres de Zakopane.
C'est pres des rnonts Tatre, a 6 ou 8 kilo-
metres du chemin de for de Cracovie, au Sud,
la communication avec la Russie comme avec
l'Europe se fait .par Cracovie. C'est plus loin
de la Russie, ma'sil n'y a rien a faire.
En septembre 1913 se tint a Poronin une importante
conference organisee par It. Comite central du Parti
bolchevik, conference dont Lenine avait assure la direc-
tion et oa il presenta un con-ipte rendu d'activite du
Comite central ainsi qu'un rapport sur la question natio-
nab.
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ZAKOPANE 147
Le 26 juillet 1914, Lenine fut arrete par les gen-
darmes autrichiens a la suite d'une fausse denonciation.
Ii fut remis en liberte le 6 aofi.t. Le motif de l'arrestation
etait absurde. Ii n'etait plus possible a Lenine de demeu-
rer en Autriche, ce pays etait en guerre avec la Russie.
Au reste, cela cut cree des difficultes inoules pour l'action
revolutionnaire. Lenine passa alors en Suisse.
La maison ou Lenine a vecu, ou Staline venait le
voir, est toujours la. C'est le chalet fait avec des troncs
d'axbres equarris, sa galerie ouverte, un rez-de-chaussee,
un &age. Tout est en lads, plancher, doisons, plafond.
La maison de Lenine est la. Elle est maintenant un
inusee'que viennent visiter les democrates de toutes les
regions du monde. Des tableaux, des photographies
comme on en faisait il y a trente et quarante ans,
des tracts, des journaux qu'animait la grande flamme
revolutionnaire, que dirigeait la lucide pensee, les
paroles qui jalonnent si lumineusement la vie du
penseur et de l'homme d'action, chaque parole menant
l'action, devenant action. La deportation, Fillegalite,
l'exil, la grande revolution. Parmi ces souvenirs de
Lenine, ii y a aussi ceux de Staline. Dans des vitrines,
des editions en toutes les langues des ceuvres de Fun
et de l'autre. Les visiteurs, nombreux, silencieux. graves,
passent lentement, regardent, reviennent sur leurs pas ;
a la sortie, ils attendent en silence, recueillis, que leur
tour soit venu de signer le livre d'or du musee. Sur
?ce livre, il y a des ecritures deliees et de grands noms ;
ii y a des ecritures qui ne trompent personne, des
ecritures de travailleurs, si peu cursives, mais si appli-
quees, et dans les caracteres de toutes les langues,
l'hommage sincere, senti, reflechi, a celui qui a tant
fait pour la liberation des hommes; il y a la reconnais-
sance infinie des exploites, des opprimes qui savent
que par Lenine toutes les chaines tomberont. Il en est
gni, au moment d'ecrire, ne trouvent plus les mots
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48 LA POLOGNE
qu'ils avaient en eux... ou qui, peut-etre. sentent ou
pensent que les mots ne peuvent dire que fort mal
les choses. Arretes devant la grande feuille blanche, inte-
rieurement troubles, Hs ecrivent leur prenom et leur nom
sans autre indication, cornme on signe un engagement,
cet engagement qui nous Vera toute la vie a tine grande
cause, cet engagement d'etre fidele a la grande memoire.
Les chevaliers sent vanes.
ZAXOPANE etale ses hotels, ses maisons de repos, ses
sanatoria stir un va.ste bassin, au pied des massifs du
Tatras. Sur l'horizon les montagnes aux masses lourdes
disparaissent souvent dans les nuees. Longue he cid
a'edaircit, il est tine de ces rnontagnes qui frappe la vue
at etonne, le Giezvont : on dirait le profit d'un homme
couch& gisant, drape dans un linceul de roches, la figure
degagee, nettement sculptee et regardant le del. Ces
montagnes de Tatras, a la fin du si?e dernier et au
debut du notre, out eu lours poetes patriotes, revolution-
naires, et qui donnerent dans la deviation mystique. lls
vivaient de symboles us reprirent au passe la legende
de l'homme endormi, la legende du Giewont. Le genie
de la Pologne etait enferme dans la montagne. La Polo-
gne ne renattrait que lorsque des chevaliers auraient tire
l'homme des Tatras de son sornmeil de pierre. II n'y
avait done qu'a attendre la venue des chevaliers I
je songe a cola en sortant de la maison de Lenine.
Les chevaliers sont tout de memo venus. La Pologne
est liberee. Si le Giewont n'a pas bone, et c'est tant
uneux, sil offre toujours an visiteur son masque im-
muable de cOmbattant petrifie, il est vrai que dans
cette Pologne completement liberee, beaucoup de choses
out change, que les forces de l'homme sont reveillees,
qu'un homme nouveau se cree chaque jour un peu
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ZAKOPANE 149
mieux. Ii reste que Zakopane n'est plus cette station
d'e.te et d'hiver que frequentaient hier encore les riches
oisifs de /Pologne et d'Europe. Zakopane est aujour-
d'hui parmi vingt autres stations de montagne, avec
Szklarska, Poreba, Bierutowice, Krynica, Rabka, Zdros,
Swieradow, un centre de cones pay& frequente par les
travailleurs de la Pologne et leurs familles. La clientele
a change. Jo l'ai bien vu a la maison de repos des
metallos o? j' ai eu l'honneur d'?e heberge deux jours.
La maison ? Que Fon imagine un hotel de premiere
? categoric. La clientele? Cent vingt brigadiers de tra-
vail, hommes et femmes. Le prix de la pension? En-
viron quinze mule zlotys par mois dont les deux-tiers
sont support& par l'entreprise et par l'Etat. Ii y a une
bibliotheque, une salle de jeux aux boiseries claires.
ii y a des portraits d'ouvriers et d'ouvrieres dans les
couloirs, dans la sane a manger commune. Voici Tekla
KoralewsIca, championne de l' emulation socialiste parmi
les femmes de l'acierie Zygmunt ; Florian Wit, premier
de la brigade des jeunes a l'acierie Bobrek ; Julia Sip,
brigadiere a l'acierie Baildon, medaillee du travail de
premiere classe ; Joseph Kachel, rationalisateur, qui a
permis a son acierie de realiser 9 millions de zlotys
d'econornies a.nnuelles ; Alojzy Jarek, initiateur a l'emu-
lation a l'acierie Kosziusko.
L'Union des syndicats polonais.
Tous les syndicats ont des ? hotels ? de ce genre dans
les montagnes aussi bien que sur la Baltique, me
disait la camarade Cieslikowska que j'invitais a me
parlor des syndicats polonais.
J'ai admire cette femme au visage si etrangement
seuli)te et bruni, exempte de toute coquetterie. solide,
'et dont j'ai su par la suite qu'elle avait fait la guerre
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xso LA POLOGNE
dans cette armee polonaise formee en U.R.S.S. et
qui etait arrivee jusqu'iBerlin je l'ai admiree parce
qu'il y avait infiniment d'intelligence dans son regard,
tant d'assurance dans ses propos. taut de fermete dans
sa pensee, tant de simplicite dans tout cc qu'elle me
disait. Elle dirige la section culturelle de l'Union des
syndicats polonais. 11 n'y a jamais d'hesitation dans
ses explications. Il faut que je disc quo Cicslikowska,
son marl et moi, nous nous sommes rend us hors de
Zakopane, a l'oree de la fork. Nous sommes a present
confortablernent installes sur la terrasse vitree d'unc
auberge qui porte le nom de Roma : le proprietaire est
un Rslien qui a fait souche ici. Nous mangeons des
fraises a la creme et nous buvons du the.
?-- Avant la guerre, me raconte-t-on, ii y avait en
Pologne neuf centrales syndicales appartenant a diver-
ses obediences politiques. On comptait 332 syndicats :
certains d'entre eux n'appartenaient a aucune centrale.
Au total, cola ne faisait, sur quatre millions de salaries,
quo 940.000 adherents. Les syndicats etaient constitues
d'apres les professions : syndicat des charpentiers, des
metallurgistes, des masons, des comptables. Ce qui
veut dire quo les ouvriers d'une memo entreprise appar-
tenaient a differents syndicats et n'avaient pas de repre-
sentation unique. Les syndicats etaient, de plus, cons-
tittles selon les nationalitS :ii y avait des syndicats
polonais, juifs, allemands, etc., et us etaient aussi cons
-
tittles d'apres les opinions politiques : syndicats ? de
classe ?, syndicats refonnistes, chretiens, fa.scistes II
y avait une forte coupure entre les syndicats des travail-
leurs intellectuels et les syndicats des travailleurs
manuels; intervenaient aussi la religion ou les religions
pour fmir d'emietter les 940.000 travallleurs 4( orga-
nises Le gouvernement semi-fasciste des colonels
montait, avec le concours des socialistes de droite. des
syndicats de type corporatif et persecutait les syndicats
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ZAKOPANE 151
de dasse, les dissolvait, confisquait leurs biens, empri-
sonnait leurs militants. Ces syndicats, qui se reconsti-
tuaient sans cesse, prirent une part active a la lutte
armee contre l'envahisseur hitlerien.
A l'assemblee de Lublin (novembre i944) et au pre-
mier congres (Varsovie, novembre 1945), la decision a
ete prise de creer une organisation syndicale unique
groupant tous les travailleurs sans distinction de natio-
nalite, d'opinion politique ou religieuse. Autre decision :
tous les travailleurs d'une meme branche d'industrie
appartiennent a un seul syndicat sans qu'il soit tenu
compte des fonctions exercees. II y avait, en 1945,
/.08.4.000 adherents. En 1949 ii y en avait 3.600 000,
soit go pour cent de l'ensernble des travailleurs. L'unite
de la classe ouvriere est realisee. Ii y a la l'une des
raisons qui expliquent le ? miracle ? de la reconstruction
en Pologne, le meilleur-etre dont jouit le travailleur
polonais et les progres considerables realises par le pays
dans sa marche vers le socialisme.
' Pouvez-vous me dire si l'Union des syndicats est
basee sur ce que nous appellerions une declaration des
principes ?
? Om, cette declaration est sortie du congres de
Varsovie et elle a ete adoptee par tous les delegues
quelque parti ou confession qu'ils aient Pu appartenir.
On y,trouve que notre mouvement syndical a pour base
l'unite de la dasse ouvriere, que l'Union des syndicats
defend les interets de la Pologne populaire, veille a sa
liberte, a sa souverainete, a son independance. La decla-
ration dit encore que l'Union a ete constituee dans le
but d'ameliorer les condiiions economiques et sociales
des travailleurs et de consolider les realisations demo-
eratiques. Le paragraphe VI stipule tres nettement que
la preservation de ces acquisitions ainsi que leur develop-
pement sont garantis par 1' abolition de 1' exploitation de
,rhomme par l'homme, par l'institution dans le monde
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LA POLOGNE
dun ordre nouveau qui eliminerait les guerres, prote-
gemit les acquisitions de la culture et de la civilisation
et etablirait un nouveau regime social donnant au peu-
pie, c'est-a-dire a l'ouvrier, au paysan et au travailleur
intellectuel, le profit de ses richesses. II est aussi al-fume
qu'une action systematique sera poursuivie pour per-
fectionner les qualifications des travailleurs, que raug-
mentation de la productivite est la condition premiere
du relevement du niveau de la vie et de la reconstruction
de reconomie nationale et que dolt contribuer a cette
augmentation de la productivite l'avancement des
ouvriers a des pastes directeurs dans rindustrie, les
transports et l' administration publique. La declaration
enfm decide de raffiliation de l'Union des syndicats polo-
nais a. la Federation syndicate mondiale : nous somrnes,
cela va de soi, pour le principe de la solidarite inter-
nationale.
-- Notre deuxieme congres s'cst tenu en Ig49 a Var-
sovie. Y ont pris part 1.700 delegues elus apres une cam-
pagne de discussions qui s'est etalee sur tous les lieux
de travail.
? Comment se presente l'organisation d'un syndicat
donne?
A la base, ii y a le comite d'entreprise dont les
pouvoirs soot fort etendus, dent les membres sent elus
Par ks travailleurs au suffrage direct et secret. Un decret
reconnalt a la representation des travailleurs les attri-
butions de co-proprietaires de l'entreprise. Dans les
entreprises employant plus de 30 salaries, en plus du
comite d'entreprise, il y a des groupes syndicaux qui
procedent a relection des hommes de confiance.
Au-dessus des comites d'entreprise, ii y a les
sections syndicates dans les vines et les districts, puis
l'organisation regionale et nationale. Tans les membres
des organismcs directeurs soot a tous les echelons elus au
suffrage secret dans des assemblees plenieres ou conges.
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ZAK.OPANE 53
Les 31 syndicats nationaux, cc que vous appelez en
France des federations, constituent l'Union des syn-
dicats polonais. Nous avons, naturellement, nos unions
departernentales, nos unions d'arrondissement et nos
unions locales...
Je disais un jour a Boleslaw Karpinski qui a travaille
quelque quinze ans en France comme metallo et qui,
des 1946, est rentre en Pologne :
? ? En France, certains journaux pretendent que la
Pologne est un pays totalitaire et que cela se volt, par
exemple au fait qu'il n'y a plus de greves chez vous.
Karpinski Math, de rire.
Je suis sr que les copains francais ne se laissent
pas preridre a. des arguments de cc calibre. Pourquoi y
aurait-il des greves chez nous? Les mines appartiennent
aux mineurs, les usines aux ouvriers, la terre a ceux qui
la, eultivent, les ports et les navires aux dockers et aux
marins. Nous elisons nos responsables syndicaux au suf-
frage direct et secret. Ce sont tres souvent d'anciens
ouvriers qui dirigent deja les entreprises. Notre unite
syndicale est une chose vivante. La vie baisse depuis
1947. Les salaires augn-tentent. Les ceuvres sociales se
developpent. L'instruction est donnee a tous. Nos loge-
merits disposent de tout le contort. Pourquoi, dans ces
conditions, nous mettrions-nous en greve ? pour faire
plaisir a vos faux democrates, a vos exploiteurs ? Dans
une democratic veritable comme la note, la greve serait
une absurdite. Dans votre fausse democratic oa 11 n'y
a de vrai que l'exploitation de l'homme par l'homme,
la greve est une necessite pour la classe ouvriere et les
classes moyennes de plus en plus durement exploitees.
Et nous savons de quale maniere elle est combattue
par vos gouvernants et entre autres par les socialistes
de droite a la Jules Moch et a la Guy Mollet. Ces valets
du capital n'hesitent pas a user contre les grevistes des
gaz lacrymogenes, de la matraque, des chiens poli-
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X54
LA POLOGNE
tiers et du mousqueton. us ont du sang ouvrier sur
Los mains. Le totalitarisme, il est plutOt chez vous o?
tine lot electorale infame s'est &ore& de priver des
representants de leur choix plus de cinq millions
d'electeurs.
La section culturelie de runion des syndicats.
J E demande Mme Cieslikowska :
Pouvez-vous maintenant me parler de la Section
culturelle de l'Union des syndicats ?
? Notre section culturelle comprend cinq sous-sec-
tions la sous section de l'instruction de masse, la sous
section de propagande, la sous section artistique, la sous
section des bibliotheques, la sous section des clubs
d'usine. je vous apprends tout de suite que l'Entr'aide
paysanne et l'Union de la jeunesse ont leur section
culturelle divisee comrne la notre en cinq sous sections
? Vous le savez pout -etre ? Dans la Pologne de 1939,
star 32 millions d'habitants, on comptait pres de cinq
millions d'analphabetes. Des la liberation, nous avons
voulu en finir avec cette plaie. La. tithe etait difficile
nos ecoles etaient dernolies, nous manquions de maltres.
Un decret est intervenu en avril 1949 qui creait un com-
missariat adjoint a la presidence du Conseil et qui rece-
vait la charge de mener la lutte contre l'analphabetisrne
et de le liquider. A la ttte du commissariat, fut place
M. Matusz,ewski, un ancien prkre, qui, avec quelque
deux cents collaborateurs, a dresse tin plan de bataille
prevoyant 50.000 cours specia.ux. Les cows sont donnes
par des instituteurs et aussi par des membres du Parti
ouvzier, des syndicats, -de l'Entr'aide paysanne, de
l'Union de la jeuncsse.
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ZAKOP NE
155
L'armee joue un role efficace dans la lutte
contre l'analphabetisme, et sa mission principale
est de preparer dans l'immediat la main-d'ceuvre
dont le plan sexennal a un urgent besoin. Elle
vise a reeduquer le paysan, c'est-a-dire a trans-
former l'ouvrier dos champs en ouvrier des vines.
Ces deux t'aches essentielles, qui sont des Ca-
ches de paix, temoignent d'une conception nou-
velle assez surprenante pour une armee, mais on
sera encore plus Monne d'apprendre qu'une pro-
pagande intensive a ete faite dans les casernes
en favour de la signature de l'Appel de Stock-
holm...
Ainsi, en depit de certaines affirmations re-
pandues dans le monde occidental, les faits
semblent demontrer rine l'armee polonaise n'en-
tretient aucun esprit offensif et qu'elle ne pour-
rait etre qu'un element d'intervention locale
dans un conflit international...
Charles FAVREL, Le Monde, 13 juin 1951.
us ont lieu dans les ecoles, les usines. Un livre
special a ete Mite et ;tire a 700.000 exemplaires.
II y a des difficultes : lane certaine honte chez les
gra,nds Cleves, les conditions de travail, l'eloignement
de l'ecole, la contre-propagande aussi de certains
pretres qui proclament que l'on peut sauver son
Arne et proclamer sa fol sans savoir ni lire ni ecrire. La
frequentation laisse donc a desirer ,parfois. C'est la que
les organisations peuvent intervenir. Les comites &entre-
prise et les directions d'usines permettent des chan-
gements d'equipe : ainsi los analphabetes qui travaillent
la nuit sont places dans les equipes de jour. On va
chercher les Cleves en voiture et on les reconduit, La oi.
ii n'y a pas encore de cr?e, on organise la garde des
enfa,nts pour rendre libres los meres de famille. Des recom-
penses diverses sont accordees aux meilleurs. Un examen
de fin d'etudes a lieu au bout de six mois. Les recales
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156 LA POLOGNE
redoublesit. .Aucune sanction n'est prevue contre ceux
qui manquent les cours ou qui se refusent a los suivre.
Nous voulons convaincre. Et, ma foi, les resultats sont
loin d'?e decevarits. Si, en 1949, ii y avait encore
tin million et demi d'analphabetes (sur 24 millions d ha-
bitants) ii n'en restait plus que 300.000 fin 1950. II n'y
en aura plus tin soul a la fin de 1951. Cc qu ii importe
de comprendre, c'est que tous les elements actifs du pays
sont intervenus aux cotes du gouvemement dans eette
grande bataille contre l'obscurantisme.
Ce qui nous est propre, ce sont les efforts que nous
faisons pour favoriser l'auto-didactisme. Nous consti-
tuous des cercles cl'histoire, de geographie economique,
de sciences diverses. Nous organisons des cours d'ins-
truction acceleree. Les enseignants sont fournis et payes
par les syndicats. Les ingenieurs, les employes, inter-
viennent aussi. II arrive que nos cercles soient conduits
par de simples ouvriers et que l'ingenieur ne figure
qu'a titre d'eli.tve. Nous accordons une gra.nde impor-
tance aux cercles de larigucs. Les cours out lieu dans
les clubs d'usine. its durcnt trois MOiS ou une annee.
its comportent deux degres. Les livres sont fournis
par les syndicats : us no content rien aux eleves. En
1949, 35.000 personnes ont termine les cours.
? La sous-section des bibliotheques facilith ce tra-
vail culture!. En janvier 1946, nous avions un millier de
bibliotMques syndicales. Nous en comptons a. present
7.600 qui disposcnt de pres de deux millions de volumes.
Ces bibliotheques sont montees dans les clubs d'usine.
Vous savez ce qu'est un club d'usine ?
cola m'a ete explique a la Maison de la Cul-
ture de Katowice.
--- Nous en controlons 9.000. Le club d'usinc ne se
contente pas de mettre des livres a la disposition des
traavilleurs. Il indique comment a faut lire. Scs conseils
vont surtout ceax qui ont ternaine les cours d'anal-
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ZAKOPANE
157
phabetes. Il organise des cercles de lecture a haute
voix avec des commentaires simples et succincts sur
le contcnu des livres presentes, leur valeur sociale et
litteraire.
? D,ernierement, nous avons organise une propa-
gande pour la lecture en liaison avec des cercles de
l'Union de la jeunesse. Chacun des membres d'un cercle
recoit dix livres doll porter a dix membres adhe-
rents de la bibliotheque du club, A. de vieux ouvriers
que le fait de se rendre A la bibliotheque fatiguerait,
des menageres chargees de famille. Ces ? courriers ?
discutent avec ceux qu'ils visitent et ils rapportent leurs
impressions au club d'usine. Ces conversations sont tres
importantes.
Presque tous nos clubs d'usine, continue Mme Wies-
likowska, ont des cercles artistiques : chant, danse,
musique, theatre. peinture...- s'est ainsi constitue plus
de 7.000 cercles d'amateurs qui rassemblent au total
2oo.000 membres.
? Le ler mai 1949, a eu lieu au Musee national de Var-
sovie une exposition de peintres ouvriers. Une scconde
exposition g.'est tenue en 1950. Les professeurs sont
des artistes authentiques et connus pour leurs idees
progressistes. 1.200 ouvriers frequentent leur cours,
surtout des emineurs. Nous comptons 300 mineurs
peintres ou scuplteurs. L'un d'entre eux est deja un
peintre confirme, c'est Ociepka, de la mine de Wieczorek,
en Silesie.
? Mais c'est surtout le Theatre qui passionne les ha-
' vailleurs Les cerci es de the'atre rassemblent 120.000
membres. Nous mettons a leur disposition une biblio-
th?e dramatique o?voisinent les grandes oeuvres de
thus les pays. Nous disposons de So titres. Chaque piece
est accompagnee de commentaires pour son execution.
? gn quatre annees, Fes de Ioo.000 representations
out e'te donnees auxquelles out assiste 23 millions de
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LA POLOGNE
spectateurs. Nous avons organise deux concours augur.'
le pays a porte grand interet. II y a Cu des eliminatoires
de districts, puis des eliminatoires de voievodies, puis
des eliminatoires nationales. En 1947, on compta 47.000
competiteurs, en 1948, 100.000. 1949 a ete consacre
un immense festival du theatre sovietique, joue, tou-
jours, par nos cercles. Les troupes Sc sont rendues dans
les coins les plus perdus de Pologne. Cela a dure deux
mois. Io.000 representations ont ete donnees. Nous
avons compte deux millions et demi de spectateurs. En
1949, cc sont les professionnels qui ont donne un fes-
tival dans toutes les vines, petites et grandes, a la cam-
pagne et dans les usines. Dans le festival du theatre
sovietique, 2.213 troupes ont triomphe des eliminatoires
de voievodies. Les eliminatoires nationales en out retenu
zoo qui toutes ont rep un prix. Trois de ces troupes
avaient joue des pieces de Tchekhov. Le premier prix
etalt de 5oo 000 zlotys. Inutile de vous dire que cet
argent va au club et non aux acteurs...
Une autre lois, il West agi de presenter une adap-
tation scenique de la Jeune Garde de Fadeev, compor-
taut 90 personnages. Trois theatres de professionnels
et des troupes d'amateur sant entres en competition. Ce
sont les ouvriers du textile de Basse-Silesie qui ont enleve
le premier prix, un prix d'Etat de 500.000 zlotys.
cc On joue beauc,oup de pieces modemes ou adaptees
de romans modernes : Fadeev est le plus connu des
auteurs progressistes du monde entier. On joue des clas-
siques. /dais ii y a des auteurs ouvriers Les themes de
leurs produeions sont pris a leur vie, a la vie de leurs
usines, ou a la Resistance ; le theme des paysans arrieres
revient souvent. Beaucoup de talents peuvent ainsi s'af-
firmer dans le domaine de la creation et de l'inter-
pretation.
? Que je vous disc pour finir quo ma section dis-
pose d'un budget annuel de trois milliards de zlotys. ?
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TROISIEIVIE PARTIE
? DE ZAKOPANE
A LA BALTIQUE
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CHAPITRE PREMIER
LA VILLE AUX 76 EGLISES
ET LA NOUVELLE FORGE
La 011ie des Itois de Pologne.
CRACOVIE est l'une de ces villes dont on est accou-
tume a dire qu'elles sont de veritables musees.
La guerre n'a pas touch?ette ancienne capitale
de la Pologne. Une audacieuse manceuvre de l'Armee
rouge l'a sauvee de la devastation, comme elle a permis
d'epargner les grandes villes minieres et industrielles de
Haute-Silesie.
A Cracovie, tout est done demeure intact. Dans la
verte ceinture de ses plantations tout est a voir de ses
Murailles mordorees et des bulbes cuivres de ses c10
-
Chem. C'est la vile de la lutniere, de la couleur, une
irruption de l'Orient ? d' un tres romantique Orient ?
stir cette plaine de Pologne a la glebe plate, grise et
brune.
11 y a, a Cracovie, cette forteresse ronde de la fin du
XV? si?e et qu'on appelle la Barbacane, construction
de ,briques rouges flanquee de tourelles et garnie de
galeries a machicoulis. Des restes d'anciens remparts
s'ornent encore de quatre tourelles ? les seules qui
demeurent des quarante-sept que l'on comptait a l on
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162 LA POLOGNE
gine : tour des Passementiers, des Pelletiers, des Menui-
siers, des Charpentiers. En face de la Barbacane s'eleve
tine attire tour avec tine porte du mu* si?e, la Porte
Saint-Florian, par laquelle on a acces vers le centre de
la ville. Par la rue Saint-Florian, en effet, on arrive A
cette rnerveilleuse place du Rynek, d'une superficie de
40.000 metres carres. Les maisons qui entourent le Ry-
nek sont d'une grande diversite architecturale. Elks ont
toutes tine histoire, et souvent merne un nom :ii y a la
Matson grise, la Matson italienne, la Matson du lezard, la
Matson an tableau, la Matson de saint Christophe II y a
surtout sur le elite est l'eglise Notre Dame construction
gothique des mu? et xtv? siecles, aux inestimables tre-
sors artistiques, A commencer par l'autel gothique orne
d' un immense retable en bois de talent polychrome. Ce
retable de Wit-Stwosz rnesure treize metres de hauteur
et onze metres de largeur ; il se compose de deux pan-
neaux mobiles; on voit la la Dormition de la Vierge
au milieu des douze apotres, des scenes relatives aux
ptincipales fetes de l'annee, des episodes de la vie de
Marie et de la Passion. Au cours de la derniere guerre,
les hideriens s'emparerent de cc chef-d'ceuvre unique
et us le transporterent a Nuremberg. Il a ite retrouve
et ramene 5. Cracovie quelque pen deteriore. On a pris
loin de Iui patiemment. Depuis cinq a.ns, le professeur
Stonecki, entoure de specialistes, a revu l'une apres
l'autre les 2.000 pieces dont se compose le travail de
Wit-Stwosz. C'est dans le chateau de Wawel, le Pan-
theon de la Pologne, quo le gouvernernent a voulu ins-
taller cet atelier qui allait rendre au pays et a la civili-
sation rune des plus etonnantes productions du genie
human. Longue je visite he Wawel en aofit 1950, les
travaux de preservation et de rafraichissement sont
terrnines. Conduit par he professeur Stonecki je me
promene an milieu de ces immenses statues dont le main-
tien, les mains et les visages sont si vrais. je m'arrete
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LA VILLE AUX 76 EGLISES 163
longuement devant cette Vierge an visage parfait, rose
et blond comme on en volt dans la Pologne entiere. Je
trearrete devant une Marie l'Egyptienne emouvante.
? Dans quelques semaines, l'Eglise Notre-Dame aura
retrouve son plus bel ornement, me dit le professeur
Stonecki, qui ne me cache nullement qu'il a mis a, son
patient labour toute sa sch:nce et toute sa foi.
' Sur le Rynek de Cracovie, ii y a deux autres eglises,
tine un peu en retrait et derriere Notre-Dame : eest
l'eglise Sainte-Barbe ; l'autre est a l'interieur meme de
la place et comrne enfoncee car, depuis que cette cons-
truction romane existe (xie si?e), le niveau de la place
s'est elev6. Curieuse place qui est aussi omee d'une tour
dite datant du xvie siecle, et qui pos-
sede en son beau milieu cette Halle aux draps de style
renaissance, longue de soixante-dix metres et dont la
galerie interieure, d'un seul tenant, haute et vofltee,
abrite une double rang& de bazars oit se vend ent des
. .
cuffs travailles, des objets en bois sculptes, des poupees,
des pantoufles de Zakopane, des corsages et des vestes
brocl6es, des jouets, des dentelles. Chaque boutique a mis
toutes ses richesses vivement colottes a son etalage.
On se croit perdu an fond des temps, quelque part dans
um vine des Mille et une nuits. Des qu'on sort par l'une
ou l'autre des deux portes tr-ansversales, on se trouve
sous tine longue galerie aux arcades gothiques, an long
de laquelle ne se voient que des vitrines modernes : un
rnorcea.0 de rue de Rivoli en moins luxueux. Au-dessus
de la Halle aux draps proprement dile. s'elevent deux
etages, en retrait sur le corps du batiment de base, et
qui abritent des collections du Musee national.
Quelque rue que l'on prenne, on y trouve un monu-
ment : ce sera, dans Ia. rue Sainte -Anne, la Bibliotheque
des Jagellons, siege de l'ancienne Universite et dont la
cour, e joyau d'art gothique ?, ainsi est convenu
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164 4.4 POLOGNE
de dire, s'ome en son milieu (rune statue de Copernic ;
ce sera, dans la rue Sienna, la Banque Pie, fondee au
xvt? si?e; dans la rue Szpitalna, la Maison des prelats ;
dans la rue Pijarska, le Musee des princes Czartoryski
dans la rue Grodzka, 1 Palais Wielopolski, dans la rue
Slawkowska, l'Academie polonaise des sciences et des
lettres.
Des rues entieres semblent sortir du passe avec leurs
anciennes maisons aux portails canes de sculptures et
aux cours interieures a arcades. Telles sont, entre vingt
autres, la rue Kanonicza, la rue Grodzka, la rue Sto-
la.rska. Dans cette ville qui est a elle seule Un musee, les
musees abondent : Musee des princes Czartoryski, Music
national, Musee Czapeski, Musee de l'Indu.strie, Musee
de la Societe des amis des beaux-arts. Maison du peintre
Jean Matejko, Musee ethnographique.
Mais
cc qu'on trouve chaque croisement de rues,
sur chaque place, cc soot les eglises. Elles sont de taus
les ages et de tous les styles : eglise Saint-Marc, gothique;
eglise et clottre des Franciscains reforms, eglise Notre-
Dame, gothique ; eglise Sainte Bathe baroque ;?se
des Bernardins du xv? si?e; eglise Sainte-Catherine,
eglise des Peres de Saint Paul, eglise du Corpus Domini,
de style ogival ; eglise Saint -Gilles, du )(iv? si?e ;
eglise Saint-Andre, du xzt? si?e, de construction romane,
Dias dont l'interieur est (al style baroque ; eglise de Saint-
Pierre-et-Saint-Paul , baroque; eglise des Franciscains,
du mu? si?e, eglise des Dominicaines du lairsi?e
d'architecture cracovienne ; eglise de la Sainte-Croix,
gothique.
Toutes ces eglises, les unes plus, les autres mains, Pos-
sedent leurs tresors artistiques, leurs tableaux, 'ems sta-
tues, leurs tombeaux, leurs vitraux. Si vous cedez a la
tentation de vouloir tout visiter et tout voir, vous vous
cnioncez dans le passe, vous perdez la notion du temps.
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LA VILLE AUX 76 EGLISES
'165
Vous sortez de la comme d'une immersion -en eau pro-
fonde ; ii faut vous y prendre a deux lois pour vous y
retrouver, pour retrouver l'air habituellement respire.
Les choses agissent sur 1(3s hommes, les choses touj ours
les mernes qu'on no change jamais de place parce qu'on
les venere, les choses sur lesquelles s'ouvrent les yeux
de Ia premiere enfance et se ferment les yeux des vieil-
lards. La population de Cracovie regarde vers le passe.
Elle subit le poids de son riche heritage ; elle en est la
victime ; elle est conservatrice.
BEAUCOUP plus quo les musees profanes, les eglises sont
frequentees, continuellement frequentees. Si on les
voit pleines a no plus savoir oil se mettre le dimanche,
chaque jour, des matines et jusqu'aux heures vesperales
les plus avancees, elles recoivent des suites ininterrcm-
pues de fideles, hommes et femmes meles.
Le dimanche 30 juillet j'avais employe mon apres-
midi a grirnper par le moyen du funiculaire de Zakopane
pres de 2.000 metres d'altitude. Sur la crete passe la
frontiere polono-tchecoslovaque. Un sentier, des tomes
de-ci, de-la, et, de-ci, de-l?un garde-frontiere. II y
avait beaucoup de monde, des touristes, des ? conges
payes ? : figures de travailleurs, chants, eclats de rire.
Et parmi tout cc monde, des coiffes blanches, des robes
bleues de religieuses. Des religieuses vieilles et jeunes,
main toutes au pas decide et qui jouissaient librement
de cette excursion sur les clmes. Le soir, vers les villages
de la plaine, sur la route qui menait a Cracovie, j'avais
vu des camions ramenant des bouquets chantants d'en-
fants, de jeunes gens et de jeunes fines. Les montagnards
rentraient leurs b?s. Ii y avait des motos, des velos, des
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166 LA POLOGN E
vultures Iegeres. 11 y avait meme des calec.hes et c'est
de Pun de ces vehicules dont je veux me souvenir.
Devant, le cheval, bien sin., et le cocher sur son
hant siege, un cocher des Texas, avec son chapeau plat,
sa veste courte, SCS pantalons collants, veste et pantalons
brodes comme il est d'usage. Et dans la caleche decou-
verte, on ne voyait que quatre immenses coiffes blanches
qui se penchaient l'ime vers l'autre, se redressaient,
slcartaient, se rapprochaient ; la conversation des quatre
tonnes sceurs devait &re animee ; les quatre bonnes sceurs
devaient avoir pass?n beau dima.nche. Et le cocher,
hilare, agitait son fouet et cocotte trottait, et passaient
les velos, les motos, les autos, Au sud, s'evanouissaient,
violettes. les montagnes y avait dans Fair comme
une grande satisfaction. Et je pensais aux bons apotres
de chez nous qui voudraient faire croire aux braves
gens que le peuple de Pologne est miserable et triste et
que la religion, les religieux et les religieuses sent, en
Pologne, persecutes
Mais, le natme jour, retais arrive a l'Hotel de France
Cracovie. it etait 21 heures. j'etais a table. Une
musique tres solennelle arrivait jusque dans la salle
manger, une musique d'orgues sur le fond de laquelle
se detachait un ensemble de voix de femmes. je savais
qu'une eglise se trouvait la, a quelques dizaines de
metres de la porte de l'hbtel. Mais ii etait pass?1 heures
et je ne pouvais croire que la musique et les chants
qui arrivaient ainsi jusqu'a moi provinssent de l'eglise.
je sortis. que je crois etre celle des Peres des
Muvres Pies, etait pleine de monde et qui commencait
a sortir pendant que continuait le jeu des grandes orgues
et que s'elevaient encore les cantiques. Des pretres avec
leur surplis etaient la qui tendaient des troncs d'une main
et benissaient de l'au.tre. La foule s'ecoulait lentement.
j'etais parmi elle. Personne ne parlait. Toutes les este-
gories de figures : figures de femmes du peuple et figures
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- LA WILE AUX 76 EGLISES
167
de patriciennes, figures d'ouvriers et figures ? distin-
guees ? de vieillards. L'eglise sentait l'encens et l'air
vicie. Je voulus attendre que tout le monde fut sorti.
1ytai ii y avait des fideles qui ne bougeaient pas, qui
restaient la, assis, genou a tame les &Iles, les mains
jointes.
Le lendemain matin, j'etais tot leve : je voulais voir
de ma fenotre se lever le jour. II etait pres de 4 heures.
Grace A, une ouverture de rue, je voyais une aube blanche,
peine grisee. Des pigeons se posaient sur le pave de la
rue Saint-Jean. Un fiacre passa au bruit caracteristique
des quatre sabots alternes. Ii etait 4 heures. Un monsieur
traversa la rue ; des qu'il arriva a la hauteur de l'eglise
des Peres des CEuvres Pies, il &a son chapeau et il le
tint a la main tant qu'il passa devant la fa?e de l'egfise,
le visage tourne vers elle. Un monsieur. une dame, un
sac a provisions a la, main, une serviette sous le bras :
us entrent dans reglise. Et puis, pendant une heure
et plus, les uns entrent, les autres sortent.
Je comprends : avant de se rendre au travail, on se
rend a l'eglise. J'y vais moi aussi a l eglise. Elk n'est
pas aussi pleine qu'hier, mais elle est tout de m'eme bien
garnie. On celebre trois ou quatre messes a la fois, au
maitre-autel, dans des chapelles laterales. Des cantiques.
On communie. Je circule a pas lents et precautionneux.
Il m'arrive malgre moi de heurter un homme, une femme
en priere. Personne ne fait attention a moi, per-
sonne re me voit. Je suis le bas -cote de droite. II se
termine par une chapelle surelevee de la hauteur de deux
naarc4es Sur les &lies, une femme est &endue, les bras
en crdix, le visage contre terre. Tout autour, odeur d'en-
cens, psalmodies des officiants, cantiques. La femme est
l?les bras en croix, le visage contre terre, dans une
immobilite absolue. Agee ? Jeune? Je voudrais savoir.
J'attends. La robe est plutot claire. Non, ce n'est pas
Line vieille baba, Agee? Jeune? Le corps ne bouge
?
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268 LA POLOGNE
pas je veux savoir. j'attends. Les fideles entrent, pas-
sent, partent, rasant les dates, les cantiques continuent
de $'elever : seules les voix changent. Psalmodies des offi-
cia.nts. j'attends. La femme est la, etendue, les bras en
croix, le visage contrc terre J'attends. le quitte Cracovie
a 7 heures. je m'en vais sans avoir vu se lever la peni-
tente, sans avoir Pu voir son visage.
Etat et l'Eglise
NON, il no faut pas croire ceux qui pretendent que
l'Eglise et ses fideles sant persecutes en Pologne...
on dans n'importe quelle autre democratic populaire ou
en Union Sovietique.
II est ne=tsaire de souligner, puisque nous voici dans
la vitte des 76 eglises frequentees de l'aube a la rmit,
que rEglise polonaise pratique librement son culte. Elle
dispose dune presse abondante et libre : bulletins parois-
siaux, quotidiens. hebdomadaires, revues de theologie.
Le Gosc Niedczelny (L'I-lote du dimanche) tire a. io.000
exemplaires. Le quotidien Slotvo Poswszchne tire a
40.00o exemplaires. Un million d'exemplaires au total
pour la presse quotidienne 600.000 exemplaires pour
la presse hebdomadaire ; 600.000 pour la presse men-
suelle.
En matiere de foi, de morale et de juridiction ecde-
siastique, le Pape demeure l'autorite supreme, et cela
est reconnu en toutes lettres par l'article 5 de l'accord
intervenu le 14 avril 1950 entre VEtat democratique
populaire et l'Eglise polonaise. Ti est dit aussi dans cet
accord que renseignement religieux continuera d'?e
donne dans les ecoles, que les &Dies seront dotees des
manuels necessaires, que les professems d'enseignement
religieux seront traites sur un pied d'egalite avec les pro-
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LA VILLE AUX 76 EGLISES 169
fesseurs des autres disciplines. II est dit encore que les
OcoJes de caractere ca.tholique seront maintenues; elles
devront cependant appliquer loyalement les reglements
et les programmes etablis par les autorites nationales. II
est a,ussi specifie dans l'accord du Lei avril 1950 que
l'Universite catholique de Lublin pourra poursuivte son
activite dans ses limites actuelles, que les associations
catholiques continueront a jouir de leurs droits et qu'il
en sera de merne pour les ? Enfants de Marie ?, que
l'Eglise pourra poursuivre son activite de bienfaisance et
de bonnes ceuvres et l'enseignement du catechisme, que
les pelerinages et les processions ne se heurteront
aucune difficult?uil y aura des aumOniers dans l'ar-
Mee, les hepitaux et les prisons, que les ordres et congre-
gations jouiront, dans le cadre de leurs regles et des lois
en vigueur, d' me entiere liberte d'action.
L'Eglise, elle, exhortera le clerge a enseigner a,ux fideles
le respect de la loi et de l'a utorite de l'Etat. Elle exhortera
le clerge a encourager les fideles a accroitre leurs efforts
pour reconstruire le pays et elever le bien-etre de la
nation. Elle constate que les territoires recouvres font
partie integrante de la Pologne. Elle s'opposera aux
menees antipolonaises et revisionnistes d'une partie du
clerge allemand. Si en matiere de foi, de morale et de
juridiction ecclesiastique, elle conserve pour chef supreme
le Pape, dans les autres questions, elle se guidera sur
la raison d'Etat polonaise. Elle engagera le clerge ne
pas s'opposer au developpement des cooperatives rurales
etant donne que toute cooperative repose dans
son essence sur le principe moral de la nature
hurnaine qui tend h une solidarite sociale libre-
rnent cOnsentie dont le but est le bien cornmun.
Elle s'opposera a tout abus tendant a utiliser les sen-
timents religieux a des fins hostiles a l'Etat. Elle
condamnera, conformement a ses principes, tous les
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X70 LA POLOGNE
crimes; elle comba.ttra done ractivite criminelle des
bandes clandestines? fletrira et punira des sanctions
cauoniques les ecctesiastiques qui se seront rendus
movables d'une quelconque activite clandestine et anti-
natioaalc. Elle apportera, conformement a ses principes,
on apptii a. tout effort tendant a la consolidation de la
paix et s'opposera, dans la mesure de ses moyens.
toute tentative visant au declenchement de la guerre
11 y avail bien des gens de par le monde qui voudraient
faire de l'Eglise polonaise un instrument de guerre
ejvile, ? un facteur de dissociation pour preparer la guerre
d'agression ?. L'accord du .14 avril 1950 doit les avoir
fortement de?l Its en ont peu ou pas parte. Its ont
seulernerkt calonanie plus fort. Car tette est leur honne-
tete, l'honnetete par exemple, des journalistes du Figaro,
qu'ils ne soient pas, ou gulls soient academiciens.
Le Wawel it... la salle de bain du baurreau.
CRACOVIE a done des maisons couvertes et pleines
Wks' toire, des musees, des eglises, et combien de
convents I Mais Cracovie a surtout le Wawel, l'ancienne
residence des rois, le Pantheon de la Pologne.
Sur la colline avec laquelle il fait masse. le Wawel, c'est
d'abord une cathedrale, gothique dans son ensemble,
mais avec des parties de style roman, rcnaissance et
baroque. La basilique a trois tours et aussi trois nefs :
elle est entouree de dix-huit chapelles ouvertes abritant
toutes de riches tombeaux. Dans les cryptes soot ensevelis
les rots de Pologne, les heros et les grands poetes.
C'est an Wawel que dewait reposer Frederic Chopin
encore enseveli dans tine tombe derisoire du PereLa.chaise. Un jour le peuple de France remettra au
peuple de Pologne la depouille sacree. Ce grand geste
d'amifie et de paix, un gouvernement francais ne voulut
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LA VILLE AUX 76 EGLISES 271
pas le fake en 1949 lors de la celebration du premier
centenaire de la mort de l'insigne compositeur.
Le Wawel, c'est aussi la Cour a arcades, l'une des
plus belles cours Renaissance d'Europe.
Et puis c'est le ch?au avec ses immenses salles riche-
'tient a.menagees, abritant des ceuvres d'art, des meubles
de style; des tapisseries, des tapis immenses.
C'est dans ce ch?au que vecut Frank. le bourreau
de Cracovie. C'est l?u'il signait les longues listes de
Cracoviens qu'il.condamnait a. mort.
Frank ? Voici de ses paroles :
Jamais plus no renaitra une Republique ou
un Etat polonais quelconque... On pout donner
de l'instruction aux Polonais, juste suffisam-
ment pour gulls voient que la raison d'etre de
la nation est sans espoir... Une fois la guerre
gagnee, si cola 'depend de moi, on pourra faire
un carnage de Polonais, d'Ukrainiens, et de
tout ce qu'on fouette. Si j'allais vets le Fiihrer
et lui disais : cc Mon Fiihrer, je viens vous rap-
porter que j'ai de nouveau tue 150.000 Polo-
nais ?, ii me repliquerait ? Admirable !... ?
Frank avait au Wawel SEL chatnbre a. coucher, II s'etait
fait aussi installer une salle de bain ultra-moderne et
qui &tonne outrageusement dans ce cadre ancien et
imposant. Les Polonais ont pendu Frank. us ont laisse
sa salle de bain. Le peuple de Pologne qui visite en
foule la grande demeure voit et verra la baignoire on
s'ebrouait le criminel de guerre... le complice de ceux-
l? qui on a laisse la vie en Allemagne occiden-
tale, de ceux-la memes a qui on redonne des armees et
des armes pour qu'ils puissent se precipiter une nouvelle
lois sur la Pologne, pour qu'ils occupent le Wawel et
y retrouvent la salle de bain du tueur. Et cola aux
applaudissements et avec l'aide, le coup de main, de ces
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LA POLOGNE
traltres leur pays que sont le general Anders et l'ex-
Mi. igtre Mikolajczyk.
Beureusement pour la Pologne, pour Cracovie et le
Wawel, heureusement pour nous tous, braves gens,
beaucoup de choses oat change de par le vaste monde
depuis 1939. Mais ii faut veiller sur tous les monuments
de Cracovie, sur ses eglises et sur ses musees et sur son
Ryaeli ;ii faut yeller sur le Wawel ;il faut veiller sur
toutes les maisons des hommes sur lesquelles des fous
font peser la menace de la bombe atomique. II faut
yeller sur les vieilles pierres et sur les pierres fral-
clement chnentees. 1:1 ne faut pas non plus que le retable
de Wit Stwosz, qu'on a pa sauver de la demiere guerre,
disparaisse un jour dans la rnonstrueuse atmosphere de
la deflagration nucleaire.
Ii faut veiller sur ce grand heritage.
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CRACOVIE REVOLUTIONNAIRE
A Cracovie, il y a l'ancien.
Il s'y fait aussi du neuf.
Il y a d'abord une histoire qu'on n'avait pas
l'habitude d'entendrc conter et qui, aujourd'hui, affleure
a la surface de nos temps et s'y epanouit.
En juillet 1950 se tenait, a la Maison de la Culture,
une exposition consacree a ? Cracovie revolutionnaire ?.
je la visitai.
La Maison de la Culture a Cracovie est peut-etre aussi
renommee en Pologne que celle de Katowice. Elle
occupe, sur le Rynek, Vanden palais de l'une des
grandes families de l'ancienne Pologne, la famille
Potocki. C'est dire dans quel cadre, intelligemment
preserve, vivent, a leurs heures de loisir et d'etudes,
les ouvriers et les employes cracoviens.
L'exposition occupe tout le premier &age de la mai-
son. Elle montre les differentes &apes du mouvement
revolutiormaire cracovien depuis Kosciuszko jusqu'a
1950. C'est une exposition vivante qui peut etre com-
prise par tous ; elle n'est pas une tranche morte d'his-
toire ; elle va de l'avant, elle explique le present, elle
ecIaire l'avenir.
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174 LA POLOGNE
Void la Constitution de 1791 decidee dans l'enthou-
slasme provoque en Pologne par la Revolution francaise.
Elle no favorisait qu'une partie de la bourgeoisie polo-
naise et laissait les paysans dans leur ancienne depen-
dance. Elle marquait cependant to declin du feodalisme :
elle proclamait quo tout pouvoir provient de la volonte
peptdaire et dolt rester au service du peuple.
L'exposition rappelle les belles paroles de Kosciuszko :
? La liberte ne pent etre defendue quo par la main
d'hommes libres ?. Celles aussi de Kollataj, no pretre
radical de repoque : ? Un peuple oa l'homme est
escia.ve ne saurait etre libre ?. Cellos aussi de Jacob
Ja.sinski : ? Nous claznons : quo perissent les rois et
quo le monde soit libre
Mais soot aussi montres les representants des diffe-
rentes classes sociales dans lents costumes d'apparat et
de tous les jours, dans leurs maisons on leurs chau-
mieres, dans leur abondance ou leur misere.
Le mouvernent revolutionnaire d'ou est partic la Cons-
titution de 1791 est &rase par roo.000 soldats nisses
appeles en Pologne par les aristocrates polonais dont le
=gnat Felix Potocki dans la maison duquel l'expo-
sit' ion a lieu en cet an de grace 1950.
En janvier 1793 a lieu le second partage de la Polo-
gne. Le Parti pa.triotique n'a pas perdu l'espoir.
Kosciuszko en est I ante. It &est battu en Amerique, six
annees durant, aux cotes de Lafayette. Notre Assernblee
Legislative lui a decerne le titre de citoyen francais.
Le 24 mars 1794, sur Ia place du marthe de Cracovie,
Kosciuszko lance l'appel a l'insurrection :
L'extetraination de toute tyrannic. aussi bien
etrangere 9ue propre, errnissement de la
liberte nabonale et de l'independance de la
Republique, voila le but de notre soulevement.
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CRACOVIE REVOLUTIONNAIRE
175
Le peuple repond a eel appel. Les paysans grossissent
les rags de Farm& des insurges. us constitueront les
bataillons de (c fa.ucheurs ?. A Raclawice, Kosciuszko
remporte sur les Russes lane eclatante victoire. Toute la
.Pologne se souleve alors, et c'est le general Dombrowski
qui bat les Prussiens a Bydgoszcz. Le gouvemement
revolutionnaire etablit des relations avec les pays &ran-
gers et d'abord avec la Republique francaise.
.Emile Bourgeois ecrit
La France fut sauveepar un concours lieu-
reux de circonsiances. Occupes en Orient a la
cut& de la Republique polonaise, les puissances
lui laisserent sans, negociations une treve ines-
per& 1.
Engels ecrit, au sujet des partages de 1793 et de 1795 :
Le pillage de la Pologne avait fait porter ail-
leurs les forces de la coalition de 1792-1794 et
affaibli la puissance de sa pression sur la
France. Il donna a cc dernier pays le temps
de se renforcer un tel point qu'il put rem-
porter la victoire a lui soul. La Pologne suc-
cornba, mais sa resistance sauva la Revolution
francaise et celle-ci commenca un mouvement
contre lequel le tsarisme meme fut impuis-
sant 2.
Mais les chefs du gouvernement revolutionnaire polo-
naisi s ont accorde aux paysans quelques droits,
n'ont pas fait asset pour hberer la paysannerie de son
servage. us ne peuvent obtenir une levee en masse d'au-
tant que les nobles s'occupent a saboter les reformes
1. Manuel historiquc de politique etrangere.
NIA.vor et ENGELS : OEUVIVS0 t. XVI, partie II, p: 16.
(Cite par Vladimir POTEMKINE, Histoire de la diplomatie,
t. I, p. 347.)
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176 LA MOONS
decidees. Les nobles freinent l'elan du peuple lcusqu'ils
ne vont pas jusqu'a interdire aux paysans de s'enr6ler.
En oclobre 1794, Varsovie est prise par les troupes tsa-
sistes et l'insurrection est noyee clans le sang. Mais, grace
1Coscin47kof la Pologne, qui n'etait jusque la qu'une
noblesse herolque, &sit devenue me nation, It une
grande et indestructible nation ? (Michelet).
De 1815 a 1846, les societes secretes, les cercles clan-
destins abondent. On y trouve des bourgeois, des nobles,
des professeurs, des etudiants, des prefres. Yai sous
les yeux tots cm types de conspirateurs, les joumaux
qurils ecfitent et qui repandent dans le peuple l'idee de
l'independance nationale a reconquerir et l'ideal repu-
blicain.
En 1831, c'est la revolution : Paris s'est souleve un
an auparavant, la Felgique aussi. Le tsar Nicolas 1.**
aurait voulu marcher sur la France et l'annee polo-
naise ',Talon lui aurait servi d'avant-garde. A Varsovie,
1a revolte &late :
? Au,jourd'hui, nous vaincrons on nous rnour-
tons I Mort aux tyrans I Nous couvrirons les
Francais de nos poitrines...
Mais le gouvemement francais ne veut pas aider les
insures. Le peuple de Paris, lui, ouvre des souscrip-
lions, envoie de l'argent et des annes aux patriotm polo-
nabi. Des Francais partent combattre a leurs Wes. Les
Polonais luttent heroiquetnent us rernportent d'ecla-
tantes victoires. Ils fmissent par etre ecrases. Casimir
Delavigne ecrit alors les paroles de la Varsovienne. Les
patriotes polonais prennent le chemin de l'exil : ils se
dirigent vers Paris.
Les organisations secretes contiiiiient leur travail de
taupe. La repression sevit. La jeunesse ne s'arrete pas
de conspirer.
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CRACOVIE REVOLUTIONNAIRE In
L'exposition me permet de decouvrir des lettres que
des ouvriers parisiens ont &rites en 1841 a des ouvriers
cracoviens.
En 1846, se deploie le drapeau de la vrate revolution
? soctaliste. J'ai sous les 37eux des documents polonais
irnpritnes a Paris par Maulde et Rendu. La paysan-
? netie du royaume se souleve a l'appel du pretre Pierre
Sciegienny. Les montagnards de Zakopane s'insurgent
leqr tour, Marx et Engels ecrivent :
Parmi les Polonais, les communigtes appuient
le paid qui considere la revolution agraire
cornme &ant la condition de la liberation natio-
pale, parti qui, justement, a provoque
rection cracovienne de 1846.
? C'etait le parti d'Edouard Dembowski et de Julien
Goslar dont le manife,ste decla,rait :
Nous jouirons d'une liberte telle qu'il n'y
en a pas encore cu sur la terre, nous nous for-
gerons une organisation sociale oi chacun
pcturra, selon ses services et ses aptitudes, jouir
des biens de la terre et oil il n'y aura place
pour aucune forme de privilege.
On lance ainsi le mot Torch? de revolution sociale,
de r4forme agraire, d'organisation des chantiers natio-
naux ; on veut une Pologne independante et demo-
cratique. Edouard Dembowski a cette parole : ? Ce
qui n'est pas ne de l'amour du peuple ne vaut rien ?.
Puis les annees passent. L'agitation continue. Le mou-
vernent de 1863 echoue a son tour. La Commune de
Paris, dans laquelle s'illustrent les Polonais Dombrowski
et Wroblewski, &rank le monde. Comment sa nou-
VeIIe pas a Cracovie ?
En 1880, c'est Louis Warynski qui organise a Cra-
covie des cercles revolutionnaires, qui publie le Prole-
tariat, journal par lequel ii repand le socialisme scien-
12
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178 LA POLOGNE
tifique. Warynski est arrete, juge par un tribunal tsariste
et condairine a 16 ans de travaux forces. Il mourra dans
La forteresse de Schliisselbourg.
Avec le developpeinent de l'industrie, l'opposition
entre le capital et le travail augmente de jour en jour.
Le proletariat polonais se constitue lentement en classe ;
ii acquiert sa conscience de classe. C'est a. ce moment
cpie se constitue le Parti social-democrate de Polope
et de Lithuanie qui sortira a. Cracovie le theilleur de ses
publications.
Felix Dzerjinski, dont le nom de clanclestinite etait
Joseph, edite a Cracovie le Drapeau rouge ; Leon
Tyszka edite la Revue social-democrate. C'est
colic que partent les brochures de propagande a. esti-
nation du reste du pays.
be 1905 I 1907, la vile sort de point d'appui aux
revolutionnaires. Dzerjinski et Julien Marchlewski y
font de frequentes sejours, ainsi que Felix Khon.
PrOsence de Lenine.
EN 1912, Lenine quitte Paris et s'installe a. Cracovie.
On a vu dans un precedent chapitre les raisons
quill donne a Gorki : Cracovie est proche de la
frontiere russe, la collaboration avec le rnouvement
ouvrier russe est plus facile. L'experience dernontre
qu'a Cracovie la liaison est plus etroite, qu'on reagit
plus vite a tout cc qui se passe au dela de la frontiere
proche, qu'on realise plus systematiquement la direction
quotidienne du Parti.
La base de Cracovie s'est revelee utile.
Notre transfert dans cette vale a ete parfaite-
ment 44 cornpense ? (au point de vue du tra-
vail),
ecrivait Lenine a Gorki en janvier 1913.
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CRACONT REVOLUT1ONNAIRE
179
? Le sejour a Cracovie offre un inconvenient : l'absence
de bonnes bibliotheques.
fl y a moms de querelles ici, et c'est l?e bon
cOte. Le mauvais cote, c'est qu'il n'y a pas de
bonnes bibliotheques ; c'est dur de rester sans
livres 1,
La compagne de Lenine, Nadia Kroupskala, a dit,
des deux annees cracoviennes, qu'elles furent ? la
classe elementaire de construction socialiste ?.
Le ma.u,vement ouvrier prenait de 1 ' essor ; le Parti
bolchevik se developpait rapidement. Lenine commence
rediger des textes comportant se s premieres idees sur
la construction socialiste. 11 s'occupe plus attentive-
ment, plus activement que jamais de la Pravda. n la
clirige pour ainsi dire quotidiennement. Ii veut faire
rnonter le tirage Ii s'assure la collaboration de Gorki.
Il ?it lui-meme un grand nombre d'articles.
11 donne, en merne temps, une ample= plus vaste
aux editions legales des bolcheviks.
fl s'occupe des elections pour la quatrieme Douma.
Ii dingo fin decembre 1912 les travaux d'une confe-
rence du Comite central elargie aux militants du Parti.
11 fait determiner les taches immediates quo commande
l'essor du mouvement ouvrier, elabore en commun
avec les deputes bolcheviks la ligne de conduite qu'ils
autont a tenir dans la Douma d'Etat. Lenine presente
des rapports sur les questions essentielles l'essor revo-
lutionnaire, les greyes et les filches du Parti, l'attitude
eflv?T le courant de liquidation, le probleme de l'unite.
Ii rediv et met au point des resolutions, ii convient avec
Staling de la reorganisation de la direction de la Pravda.
i. LANINE, ORuvres completes, t. XXIX, p. 26, edition
russe, cite dans Unine Vladimir flitch, Edition de l'Ours,
Qran, 1945.
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i8o LA POLOGNE
11 dirige la fraction social-democrate de la Douma, il
recoit les deputes, il lour montre a quoi doit se ramener
leur action : stigmatiser le regime tsariste, reveler tout
ce qu'il y a d'horrible dans l'arbitraire gouvememental,
parler de la servitude et de l'exploitation feroce qui
pesent sur la classe ouvriere.
C'est encore au cours de l'epoque cracovienne quo
Lenine reserve une place particulierement importante
la question nationale. II entreprend de resoudre avec
Stabile cet important probleme du Parti qui consist
battle le nationalisme dans toutes ses manifestations et
elaborer un programme marxiste sur la question natio-
rtale.
En 1913 paralt sur le sujet, dans la. revue Prosvech-
tchenie, un article de Staline. Lenine ajoute a ce grand
travail de nombreux articles, des rapports. Ainsi se
trouve formulee la plate forme pratique du Parti : ega-
lite complete des droits pour toutes les nations et pour
toutes les langues, large autonomie regionale, droits
assures aux minorites nationales.
La Victoire de Staline.
E mouv&nent revolutionnaire croit de plus en plus en
Russie. Le modeste logement de Lenine a Cracovie
abrite un veritable ?t-major oa passent ceux qui vien-
nent de Russie et ceux qui s'y rendent.
Tout cela, je le trouve dans l'exposition de la Maison
de la Culture de Cracovie; je he trouve, non point a
travets des mots, trtais bien ?ravers toutes sorkes de
materiaux photographies, brochures, joumaux. passe-
ports, tracts, affiches.
Et c'est la Revolution de 1917, avec le retentissernent
qu'elle a a Cracovie et en Pologne.
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CRACOVIE REVOLUTIONNAIRE 181
Puis cc sont les luttes des ouvriers polonais contre
le systeme reactionnaire impose a la Pologne par les
grands proprietaires et les capitalistes.
En 1919, a Berlin, le revolutionnaire Julien Mar-
chlewski meurt : ii etait le compagnon de Lenine et de
Staline. Ses cendres ont ete ramenees en Pologne en
1950.
1923, 1936 : de grandes greves edatent a Varsovie et
clans les eampagnes. Le 1?'' mai 1936, le Parti comrnu-
niste polonais lance un appel au front uni.
Nous unirons tout cc qui vit du travail de
ses mains et de son cerveau, tout cc que la
nation a de probe et de patriote, dans un front
populaire democratique : le front du salut de
la Pologne.
1939, c'est l'invasion.
A Cracovie, en 1940, se constitue Fun des premiers
groupements de resistance de l'organisation ? la Polo-
gne populaire ?. Des documents sur la Resistance sont
presentes aux visiteurs.
Puis, c'est la liberation par l'Armee rouge, Farm&
de Staline.
C'est la reconstruction du pays, c'est la participation
de Cracovie a cc grand travail. C'est, en 1948, le grand
congres d'unification des Partis communiste et socia-
Este. Ce sont les taches du plan de six ans. Cracovie
no peut pas se couper de son pass?elle est &cid& a
assurer toujours plus d'eclat a l'Acad6rnie polonaise des
sciences et des lettres. Elle se donne pour but de dormer
a son industrie un essor jusqu'ici inconnu en, Pologne.
C'est en face d'elle, sur la rive droite de la Vistule,
que s'eleve Nowa-l-iuta, la Nouvelle Forge. Cra.kvie,
flex.? de son pass?here de ses monuments, de son fauve
Rynek et de soil inestimable Wawel, reconnaissante
l'Armee rouge de lui avoir permis d'atteindre intacte les
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82 LA POLOGNE
heures de la liberation, Cracovie, aujourd'hui, com-
mence a regarder vers l'avenir.
j'ai admire tout ce que cette exposition, si riche en
materiaux, si ingenieuse, si facile et si passiormante,
anive a. dire et qui n'avait jamais ete dit. La hour-
geoisie capitaliste n'ecrit ses !lyres que pour elle ; elle
mconte l'histaire a sa maniere et pour que dure toujours
plus longtemps sa dictature ; elle nous impose ses pro-
grammes scolaires ; elle ment tant qu'elle peut, d'abord
par omission, pins elle use du mensonge proprement
dit, puis elle calomnie.
Ot1 etait la veritable histoire, sinon toute l'histoire ?
Dans le cabinet du cacochyme Francois-Joseph, empe-
reur d'Autriche-liongrie, ou dans le modeste logement
de Cracovie o? Ulnae pensait, ecrivait, discutait avec
ses camarades de combat? ou se faisait l'histoire ?
Dans les salons oil regriait le moine Raspoutine. ou dans
les logis ouvriers qui donnaient asile, dans Petersbourg
ou dans Moscow. a Stehle ?
Ainsi, dans la democratic populaire, le passe est sauve
et les valeurs sont rnises a leur juste place.
La place publique iiducatrice.
LI EXPOSITION que je viens de voir n'est pas la seule a.
Cracovie. Ii y en a une autre a. ciel ouvert, sur in
?Ott du Rynek (l'autre cote &ant occupe par in mar-
chi en plein vent des plus pittoresques, fait de fleurs et
de fruits), exposition de machines agricoles avec demons-
tration du fonctiounement, panneaux concretisant les
realisations du plan de trois ans et les perspectives du
pl de six ens, portraits des travailleurs de choc avec
leurs noms et leurs performances.
Dins bites les villes de Pologne, it en est ainsi, C'est
ce que l'on pourrait appeler la place publique educe-
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CRACO VIE REVOLUTIONNAIRE
183
trice. Ce n'est nullement laid, bien au contraire, Et,
comme les resltats obtenus dans tous les secteurs de la
production locale et nationale sont constamment tenus
jour, cela fait un journal vivant qui permet a chacun
de suivre son pays dans sa marche vers le hien-etre
et le bonlieur.
,On se sent soi-meme responsable de cette marche.
Le sentiment de la solidarite nationale s'accroit. Les
isolements individuels, locaux, provinciaux, s'effritent
petit a petit et tombent. Faut-il ajouter quo ces efforts
pour produire plus et mieux sont places sous le signe
de la lutte pour la paix ? En Pologne toute l'activite
des hornmes, des femmes, des enfants, est conditionnee
par une profonde volonte de paix.
Aussi, dans les expositions des places publiques entre
autres, une large part des panneaux est-elle consacree
aux succ?obtenus par telle usine, tel groupement de
travailleurs ou d'etudiants ou de paysans, dans la
campagne de signatures de l'appel de Stockholm. Le
mot ? paix ?, est sur toutes les bouches, sous toutes les
plumes, dans toutes les t?s et dans tous les cceurs.
Et les Polonais, ii faut leur faire confiance en ce domaine
plus qu'en tout autre: ils savent ce que le mot guerre veut
dire, us sortent d'une guerre qui leur a fait connaitre
les pires souffrances et qui, repetons-le, a detruit six
millions et demi des leurs. Pokoj! Pokoj!
yai assiste sur le Rynek a des demonstrations rep&
tees d'une moissonneuse-lieuse de fabrication polonaise.
j'ai vu presenter a des paysans par des ouvriers en salo-
pette bleue le tracteur Ursus, lui aussi de fabrication
polonaise. j'ai observe la mine des uns et des autres.
Nous ne sommes pas ici sur un march& ni dans l'une de
ces foires modernes oil le fabricant et le client s'epient
l'un l'autre, se mefient l'un de l'autre. Ici, j'ai eu Vim-
pression de gens qui regardaient ensemble des machines
appartenant a tons, et dont il sent unanimement fiers.
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184 LA POLOGNE
Cele, se passe entre la vieille Tour dell-Iota-de-Ville,
quf date clu xvie si?e et la Halle aux draps qui a vu
le jour an vire si?e, non loin de la dalle sur laquelle,
ea 2794, Thad& T(osciuszko a genoux, preta serment
(levant le peuple avant d'entreprendre la lutte pour
l'independance de la Polope. Cette opposition appa-
rente entre l'ancien et le nouveau prend un grand seas
s'agit de Cracovie.
A Munk Rouge Iiberatrice.
A la fro de la joumee, je me suis rendu par la rue Saint-
rt Florian jusqu'a la ronde et fauve Barbacane, j'ai
penetre dans son jardin et je me suis arrete devant le
monument eleve b. la gloire de ?Armee rouge hb?
trite La nuit ce solide jet de pierre s'eclaire et s'eclai-
rent les tombes sovidtiques qui entourent cette coIonne
du souvenir et de la reconnaissance. J'ai vu in monu-
ment &TM cc meme style, qui unit la sobriete a la puis-
sance, a Katowice. A Varsovie, 11 y a un monument
de la Reconnaissance et aussi un cimetiere sovietique
que decore, en son milieu, auquel on accede par une
longue et fres large allee, un motif architectural en gra-
nit dont la pyramide effilee se couronne de la faucille
et du marteau. Dans le cimetiere sovietique de Wroclaw,
dorment 2.000 officiers tomb& au coils des violents
combab pour la liberation de la vile Ce cirnetiere a
une entr?monumentale dont les piliers sont surmontes
de deux immenses chars de combat. B dit le culte que
voue a ceux qui se sont sacrifies pour que
la patrie demeure. que l'on aille en Pologne, ii y a
cette presence des morts de l'Armee rouge, cette pre-
sence des libemteurs. Que l'on s'etonne que le peuple
polonais marque par des monuments la gratitude due a.
wax qui ront delivre de la sinistre oppression hide-
denim t
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CRACO VIE REVOLUTIONNAIRE 185
Les batisseurs de Nowa-Huta.
INGENIEUR Edouard Zralek a le physique d'un Jean
Ga.bin qui serait devenu pionnier. Tout est tranquille
dans sa personne haute et trapue. Les cheveux au vent
et coupes court sur la nuque et les cotes, la figure
brunie de soleil et de grand air, la voix calme. les
gestes rares, ii ne dit que ce faut. Un hornme
jeune et qui a les pieds sur la terre. Il a recu mission de
construire tine ville de 150.000 habitants : Nowa-Huta,
la Nouvelle Forge.
11 ne recoit pas dans son bureau, mais sur son im-
mense chantier. Parmi les champs de ble et les patures,
les immeublac de deux et trois &ages s'elevent comme
en desordre parmi les materiaux accumules, les trains
de wagonnets qui vont et viennent, les camions qui
n'arretent pas de sillonner cette immense implantation
stir des routes a peine nivelees qui seront, dans quelques
mois, des rues. Quel chantier ! Routes en beton, rails,
tuyaux enormes. grues, ponts roulants, locomotives,
voitures legeres. camions. Bruits, tintements. sifflets,
'chansons, fracas.
? Nous construisons ici une acierie, die se trouvera
la, dit l'ingenieur Zralelc en tracant avec un bout de
bois, un rectangle a memo le sol. Cette acierie emploiera
20.0o0 ouvriers, techniciens et ingenieurs. Avec leurs
famines, le personnel des services communaux, des
services d'Etat et tout ce monde qui est necessaire a la
vie d'une grande cite, cela f era 150.000 habitants.
C'est a moi qu'fi appartient de construire leurs
rnaisons d'habitation, leur hotel de vine, leurs maisons
de la culture, leurs foyers culturels, leurs hopitaux, leurs
diniques, leurs &des, leurs cinemas, leur theatre,
leurs pares, leurs eglises, leurs stades, tout ! Et la. oa ii
y a encore quelques mois fi n'y avait quo des champs.
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x86 LA POLOGNE
Et 11 y a encore des champs : voyez, on moissonne entre
les chantiers II ne faut rien laisser perdre.
o je construis '.me ville sans classes, une vine socia-
Hate. L'acierie se trouvera vers l'Est : ii faut tenir
compte qu'ici, comrne a Varsovie, le vent souffle
d'Ouest. II y aura beaucoup de verdure. Les usines
seront ceinturees d'epaisses plantations d'arbres. Nous
ne fermis rien de geornetrique ; les immeubles seront
groupes en cites parfaitement particularisees. Et jamais
un inuneuble no ressemblera cent pour cent un autre.
Naturellernent, du point de vue social et culturel, rien ne
sera neglige : nous pensons a faire beaucoup d'acier et
Nowa-Huta en produira autant quo toutes les autres for-
ges de Pologne; mais pourquoi faire de I acier Si ce n'e,st
pour alder rhortune a. mieux vivre' Nowa-Huta, en defi-
nitive, c'est pour l'homme quo nous la faisons. Dans vos
pays occidenteux, c'est bien l'inverse qui se produit. Vos
cites ouvrieres ne sont qu'un complement sordide de
l'usine ou de la mine, juste ce qu'il faut pour que
rhornme et sa famine ne couchent pas cornpletement
a la belle &dile. (II en est de meme de vos salaires :
juste ce qu'il faut pour entretenir la force de travail
de l'hoturne, et encore 1)
Te,nez, nous avons discute entre ingenieurs et
architeotes an long moment. Sur ce champ de hie nos
plans prevoient un theatre. Nous avons commence par
penser et dire : constniisons d'abord des maisons d'habi-
tation, laissons la place pour le theatre quo nous cons-
truirons apres. Notre raisonnement n'etait pas bon.
Le Parti ouvrier unifie et les syndicats ont ete d'accord
pour lulus le dire. Nous avons decide de construire le
theatre en memo temps quo les maisons d'habitation,
les creches, les ecoles et les hOpitaux. Le theatre est
'.me chose necessaire a l'homme ; ii n'est pas un
luxe au sens oi l'on entend ce mot d'ordinaire. Vous
reviendrez en Pologne ? Revenez rannee prochaine. Si,
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CRACOVIE' REVOLUTIONNAIRE 187
la vine terminee, je ne suis pas parti pour en cons-
truire tine autre, nous irons ensemble assister a tine
representation. Je souhaite que Pon joue ce jour-la de
vOtre grand Moliere le Misanthrope, ou le Manage de
Figaro, de Beaumarchais.
? Nous construisons vite, mais nous construisons
solide.. Vous comprenez, les deux choses sont possibles.
Nous ne dernandons meme pas aux locataires d'essuyer
les platres. Nous livrons la maison seche, et nous la
sechons clans des temps record.
? Un cas precis de rafidite dans l'execution des tra-
vaux ? Nous avions, ces temps derniers, a installer une
? pornpe pour eviter d'avoir a transporter de l'eau (run
bout a l'autre du chantier. Vous voyez ce que cela
signifie : creuser le sol, y trouver l'eau, installer la
? pornpe. Les calcuIs prevoyaient trois semaines de tra-
vail normal. Or, le chantier ne pouvait pas attendre
trois semaines. Les equipes des differents corps de metier
auraient ete arretees, nous leur aurions inflige un ralen-
tissement dans le travail. Nous avons discute, natu-
rellement, de la chose avec les ouvriers qui avaient
installer la pompe et avec les autres aussi. Ii a &Le decide
de forcer les normes. Le travail qui aurait dii durer trois
semaines a ete realise en seize heures.
? Inutile de vous dire, precise Vingenieur, que
l'emulation socialiste anime ce grand chantier et qu'avec
le concours de tons nous rationalisons le plus possiblie.
faut laisser Iibre cour a l'intelligence et a Fesprit
d'initiative Ii faut obtenir de l'outil et de la machine
le maximum de renclement. Ici, Pingenieur n'est pas
un dieu, tout ne vient pas que de Itn, l'ouvrier inter-
vient dans la' creation de nouvelles metbodes.
Je derriande a l'ingenieur chef de chantier:
Avez-vous, vous-mome, trouve des procedes nou-
veaux?
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LA POLOGNE
- Oui. je reserve a mon pays tine grande surprise.
je veux construire les maisons les mains cheres de Polo-
are. Avec le systeme que je vais bientet mettre en pra-
trque, nous economiserons, A Nowa-Huta, un demi-
milliard de zlotys.
- Quelle est l'origine de votre main-d'eeuvre ?
Vavez-vous recrutee dans la Pologne entiere ?
? Ce systame ne vaudmit nen pour nous. On cons-
truit partout en Pologne, d'une part, et, d'antre part,
nous manquons d'ouvners et encore plus de techniciens.
Tout est afls en ceuvre pour former les uns et les autres.
Pour Howa-Huta, ca a ete tres simple. Nous avons dis-
pose, certes, d'un noyau d'ouvners qualifies, ainsi
que de cadres techniques et d'ingenieurs prepares a ce
grand travail, mais a So pour cent, nos constructeurs
itaient encore lier des paysa.ns et souvent illettres. Nous
avons vite gait de les initier a leur nouveau metier et
ii n'y a plus, panni eux, un seul analphabete. 11 y a lit
75 pour cent de jeunes gens et de jeunes filles. Ce sont
eux qui battent tous les records de Pologne pour la
pose des briques : il y a les equipes de dix qui out mitre
56.00o briques par jour. Quand la vine sera construite,
personne ne sera debauche : paysans hier, aujourcl'hui
terrassiers, !flacons, electriciens, c.harpentiers, menui-
siers, camionneurs, detnain metallurgistes. Il en est
partni eux qui deviendront d'excellents techniciens, des
iagenieurs tneme. Ba tmvaillent dur et ils suivent des
cows. n faut leur permettre de tirer parti, au maximum,
de leur intelligence. Nous avons un recrutement planifie
de la main-d'ceuvre, et nous sroulons que la classe
ouvritre alt sea propres intellectuels.
Sur ce chantier bruis.sant de vie, les camions passent
et repassent. 11 est une heure. C'est l'heure du dejeu-
ner. Les gars du bgttiment, en Pologne, ne cassent pas
la croitte sur Ic tas. Cola est dffendu. Ii y a toujours
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CRACOVIE REVOLUTIONNAIRE 189
une cantine a proximite de tout chantier, et aussi une
cooperative ott l'ouvrier pent acheter ce qui lui plait.
Les carnions passent charges de jeunes travailleurs.
Plus tarcl, ces batisseurs pourront dire: Nous avons
construit Nowa-Huta. Cela sera plus glorieux que
d'avoir ete a Austerlitz. Plus tard, us seront metallos,
ingenieurs, ministres : l'horizon n'est phis bouche pour
les travailleurs polonais.
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E II
LES HOMMES,
LA GEOGRAPHIE
ET LE 1RAVAIL FORCE
Formation des Cadres
et de la main-diceuvre specie isee.
ON me croira Si Pon veut, j'ai discute du probleme
des cadres ouvriers avec tine file fort charmante
et qui est la secretaire du directeur des services
adminiqtratifs de Nowa-Huta, Mlle jadwiga Kunc. Mlle
Kunc parle francais : elle etait en France quelque temps
avant la guerre... et en attendant qu'arrive pour moi
l'autorisation de visiter le chantier de Nowa-Huta, nous
bavardons. je ne sais' si je l'ai d? dit, en Pologne on
gagne a toute conversation, on a toujours a apprendre
de n'importe qui sur les choses du pays. Cela pour la
bonne raison quo les choses du pays, les choses natio-
nales, sont l'affaire de tous.
De merne qu'a Zakopane dans la salle a manger de la
maison des brigadiers du travail dc la metallurgic,
ravais pane avec, Teresa Pogorzelska et Hildegarda
Czakanglra de la maniere dont une infirmiere d'h8pi-
tal et tine employee du bureau des ventes d'une usine
siderurgique pouvaient participer aux travaux d'emu-
lation, avec Mlle Kunc j'appris beaucoup sur les moyens
mis en ceuvre en Pologne pour dormer a rindustrie les
ouvriers qualifies, les cadres techniques moyens, les
cadres superieurs qui Jour font besoin.
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LES HOMMES, LA GEOGRAPHIE 191
J'appris ainsi que le nombre des travailleurs em-
ployes dans l'industrie etait de 913.000 en 1938 et de
I.200.000 en 1946, de 1.700.000 en 1949 et qu'il sera.
de 2.800.000 en 1955. Ii s'agira donc de former en six
ans, un million de travailleurs industriels.
prendrez-vous ce million de travailleurs?
-- Nous puiserons dans la jeunesse urbaine et rurale,
dans les petites villes sans industrie, dans les carnpagnes,
parmi les femmes. C'est avec ces dernieres qu'il y a le
plus de difficultes. Pour les employer comme tourneurs,
ajusteurs ou comme contt6leurs des chemins de fer, ii
faut vaincre, en elles pas mal de prejuges. Nous lib&
rerons aussi au benefice de la production, un certain
nornbre d'ernployes en liquidant la plethore de fonction-
naires clans certaines branches de l'administration.
-- La direction des entreprises, des ateliers, des chan-
tiers, ainsi que les syndicats, se preoccupent, surtout
dans l'industrie et le batiment, de donner un comple-
ment d'instruction obligatoire a court terme aux nou-
veaux ouvriers. A l'invitation des organisations du
Parti, des comites d'entreprise et de l'administration,
est aussi organisee l'aide des contremaitres et des ouvriers
d'elite aux ouvriers en retard. Ici, il faut lutter serieu-
sernent pour detruire, chez certains travailleurs quali-
fies, le prejuge du ? secret professionnel ?. Les travail-
leurs voudraient garder pour eux-mem es les connais-
sances techniques, leur experience du metier.
? OM, dis-je, mais ce ne sont la que des moyens
pour arriver au plus presse ?
C'est stir, repond sans hesiter Mlle Kunc, et ces
moyens ne sont que de fortune, cc no sont que des
moyens de transition. Il y a chez nous un Office central
des ecoles professionnelles qui administre et controle des
ecoles professionnelles du premier et du second degre.
-- Les ecoles du premier degre ont la charge de four-
fir des ouvriers qualifies. On a constate cette armee
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192
LA POLOGNE
que tout n'allait pas pour to mieux dans ces etablisse-
micas. Par exemple les ecoles pour l'industrie vesti-
irtentaire etaient en surnombre, alors que nous n'en
avons pas assez pour une industrie aussi primordiale
que la siderurgie. La duree des etudes &sit de trois
annees, c'est trop long ; deux annees auffiront desor-
mais. Et puis le pourcentage des Lilies etait et est
encore trop faible Ii reste qu'en l'?t actuel les ecoles
du premier clegre ne peuvent pas satisfaire A tous nos
besoins. II est necessaire que, par d'autres moyens, nous
usurious aux 200.000 ouvriers d? occupe.s dans notre
Industrie la pmsibilite d'acquerir les qualifications pro-
feesionnelles convenables. Pour cola, des cours sont
organises dans toutes les entreprises. Nous devons assu-
rer surtout tine main-d'ceuvre planifiee pour des dizaines
de nouvelles et puissa.ntes entreprises industrielles que
nous construisons avec l'aide fraternelle de l'Union
sovietique.
Parlez-moi, si vous le pouvez, des ecoles profes-
sionnelles du second degre.
Pourquoi clites-vous : si vous le pouvez ? je suis
la secritaire du directeur des services administratifs de
Nowa-Huta, je dots, pour bien faire mon travail, me
tenir an courant de toutes ces questions. Mais vous posez
mal la question. Les ecoles professionnelles sont un
moyen et un moyen entre quelques autres II est plus
juste de dire ainsi : comment allez-vous procurer A
votre Industrie le personnel pourvu d'une instruction
serieuse et techniquernent qualifie, le personnel qui se
slime entre l'ouvrier qualifie et l'ingenieur ? II nous
faut, clans cette categoric, plus de 400.000 personnes.
OA les prendre ? OA les instruire ?
Mlle Kunc me regarde en sowiant. Elle prend une
gauloise dans le paquet qu'elle a bien voulu que je mi
offre.
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LES HOMMES, LA GEOGRAPHIE
193
bte, dit-elle, je ne regrette nullement Paris,
que j'aime beaucoup, mais ii m'arrive de regretter les
gauloises. Si vous saviez avec quel plaisir je les fume !
? Oa les prendre ? Oa les instruire ? continue-t-elle.
Ce n'est pas facile. Rien n'est facile. Il faut se mefier
des naffs qui croient que c'est facile. Une democratie
populaire, cola en fait des problemes durs a resoudre.
Le mot est juste : le socialisme, ca se construit avec
beaucoup d'efforts, de sueur, de reflexion, de courage.
jeter les bases du socialisme, c'est faire les fondations
de la maison. Xl faut qu'elles soient posees sur du terrain
solide et en fres dur. Ii faut surtout prendre garde aux
Gomulka, aux socialistes de droite qui, pour que la
maison ne tienne Ras, mettraient, Si on les laissait
faire, plus de sable que de ciment dans le mortier.
? Nos cadres moyens nous seront foumis aux trois-
quarts par nos ecoles professionnelles du second degre.
Celles-ci, jusqu'a present, ont travaille de maniere assez
desorclonnee. La nomenclalure des professions no con-
cordait pas avec les taches posees par le plan de six
aus, et telle profession d'importance secondaire ben&
ficiait de plus d'etablissements' que telle autre d'impor-
tance capitale. . Ces ecoles ne pourront, pour l'instant,
suffire a tout. Nous devrons puiser dans le reservoir
chaque jour plus grand des ouvriers d'elite, des ratio-
nalisateurs, des novateurs, mernbres du Parti ou sans
parti. Les ouvriers, l'experience le demontre, peuvent
acceder, apres une formation professionnelle appro-
priee, a des postes de direction.
Pouvez-vous me citer un exemple precis ?
Oui, celui de Miklasinski qui, sorb d'une ecole
technique et parti comme ouvrier qualifie, occupait jus-
qu'a ces derniers temps, le poste de chef de la section
mecanique de l'acierie de Sosnowiec ii vient d'etre
nornme directeur en chef de l'acierie Huta Bankowa. Ce
West d'ailleurs pas un cas unique; nous avons le souci
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LA POLOGNE
d'am6liorer les methodes de formation. II y a, chez
nous, tout un systeme d'avancement des cadres. Le plus
dur c'est de vaincre la resistance a l'avancement des ou-
vrieres : elle an veulent pas devenir contremaitres.
Dans le bureau O. nous nous trouvons, vient d'arriver
un jeune homrne bien decouple, brun, hale et quelque
pea timide. Mlle Kunc nous presente run a l'autre.
Le jeune homme que j'ai en face de moi, un jeune
homme de 27 ans, c'est Henri Bazylewicz, rineepieur
qui est charge, lui, de construire rimmense usine de
Nowa-Huta je regarde Henri Bazylewicz avec une stu-
pefection mal dissimulee, qui le gene beaucoup, mais
qui fait &later de rire Mlle Kunc. Elle explique a Bazy-
lewicz mon etonnement :
? En France, les taches importantes sont le mono-
pole des vieillards, les jeunes marquent le pas. On ne
leer fait pas confiance... et puis, ii y a une question
d'arge.nt a gagner et cc sont Its vieux qui veulent gagner
le plus. Le salaire n'cst pas fonction du merite et du
devouement, tnais de l'age et des recornmandations dont
on dispose.
Henri Bazylewicz sourit,
Mais une autre personne que Mlle Kunc m'a pada
de cc jeune ingenieur, c'est Germain Grosjean, industriel
francais, qui a eu rhonnetete de vouloir se rendre en
Pologne. Grosjean, qui a ete conquis par ce qu'il a
? decouvert ? la-bas; parlait ainsi d'Henri Bazylewicz
dans une conference de presse tenue a Paris le 5 octo-
bre 1950
Ce gosse a la responsabilite de crier use entreprise
dix lois comme le Creusot, dix lois comme Schneider!
Cast vous dire la confiance qu'on met la-bas dans la
jeunesse et ca, ca m'a absolument retourne. Quand je
pease aux vieux bonzes qui, en France, se crampon-
neat leer place pour ne pas se laisser deboulonner
et pour que le cocotier ne soit pas secoue par les jeunes !
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LES HOMMES, LA GEOGRAPHIE
195
Eh bien ! J'ai vu l?as quelque chose d'extraordinaire...
Mlle Kune me dit :
Vous n'allez pas partir tout de suite a Nowa-Huta
avec M. I3azylewicz, alors je vais avoir le temps de vous
parler des specialistes ayant une instruction superieure.
-- Nous axons d'abord a utiliser, a repartir et a edu-
quer les vieux cadres d'ingenieurs. II y a encore la une
question politique importante. Elle n'est pas encore bien
resolue. Nous combattons sans merci toutes les velleites
de nuire dou qu'elles viennent, et elles peuvent venir
d'un certain groupe de vieux specialistes reactionnaires.
Si ces specialistes sont honnetes, nous les initions aux
principes et aux taches du plan de six ans, nous leur
faisons connaitre les conquetes de la technique, de la
? science et de P organisation sovietiques, nous les rappro--
chons de la classe ouvriere et de 4a paysannerie labo-
rieuse. Nous obtenons chaque jour davantage d'eux
qtfils participent activement au developpement du mou-
vement d'emulation, de rationalisation, de novation.
Mais le point important, c'est la formation de
nouveaux specialistes, de nouveaux cadres. Nos besoins ?
Enormes. Il nous faut 54.000 ingenieurs de toutes spe-
cialites, 8.000 specialistes agricoles, 20.000 economistes
financiers... Oil prendre tout ce monde ? 3.000 ouvriers
sortis du rang, faisant fonction d'ingenieurs, recevront
tine instruction superieure. L'organisation scientifique
technique (N.O.T.) formera dans les ecoles d'ingenieurs
du soir 3.000 autres specialistes. La formation par cor-
respondance, developpee surtout dans les domaines qui
n'exigent pas d'exercices pratiques systematiques dans
des laboratoires (planificateurs, economistes, financiers)
donnera 2.500 specialistes. C'est a nos ecoles superieures
qu'incombera la responsabilite de la formation du plus
grand nombre de spocialistes. La, il y a des problemes
varies a resoudre : organisation interieure des ecoles,
? assiduite aux cours, niveau de l'enseignernent, recru-
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196 LA POLOGNE
tement des proh?-iscurs (2.200 profiseurs pour 116.000
etildialltS, 20 pour cent des chaires ne sont pas pour-
vues), rajeunissernent du cadre professoral, liaison
etroite a etablir entre la science et les besoins de la
construction socialiste, composition sociale des etudiants;
actuellement 40 pour cent a peine sont d'origine ou-
vriere et paysanne pour l'ensemble des annees ; en pre-
miere a.nnee, la proportion monte a 58 pour cent. 11
faudrait qu'elle atteigne 70 pour cent du total. Nous
avons aussi a vaincre, chez certains professeurs et assis-
tants, l'attitude empreinte d'admiration devant la
science bourgeoise... Et use fois que l'ingenieur existe,
gull est forme, ii faut l'employer, it faut bien l'employer.
- C'est-i-dire ?
C'est-a-dire tenir compte des qualifications, des
specialisations lorsqu'on attribue des postes Si on donne
un electricien des ponts a construire, ?n'ira pas,
c'est-I-dire aussi, et surtout, que les ingenieurs et les
techniciens doivcnt etre diriges sur la production. Ainsi
le ministere des Finances, et tout le pays le salt, em-
ployait en 1950 aux travaux administratifs, 400 Inge-
nieurs et techniciens. Ainsi le ministere des Mines et tout
le pays to sait, employait, en 1950, 40 ingenieurs agri-
coles et forestiers.
? Pourquoi dites-vous : tout be pays le sait ?
? Parce que chez nous, les affaires de tons c'est
comme une maison do verre, rien n'est cache de nos
erreurs, de nos fautes, de nos impuissances. Nous les
expliquons et nous trouvons des remedes. C'est notre
democratic. Chez nous, les choses sont surtout dites par
le Parti ouvrier unifie. II faudrait que vous lisiez le
rapport que to camarade Zenor Nowak, secretaire gene-
ral du Parti, presentait le 15 juillet 1950 a. la V* session
pleniere du Comite central. Le sujet qu'il developpa ? Le
probleme des cadres a la lumiere des taches du plan
de six ans...
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LES HOMMES, LA GEOGRAPHIE 197
Oui, pensais-je, en roulant sur la route neuve et large
,qui relie Cracovie a Nowa-Huta, ii y a heaucoup de
choses qui changent en Pologne.
La geographic elle-memo.
DEAUCOUP de choses changent.
A commencer par la geographic.
Si l'on s'en tient aux donnees de la geographie clas-
sique, les ressources rninerales de la Pologne &ant loca-
lisees dans la partie sud et sud-ouest du pays oil l'on
trouve de la houille, du far, du zinc, du plomb, du
sel gemme, cette localisation des ressources minerales
deVra entrainer une localisation de l'industrie dans les
mernes regions, et surtout autour des gisements de
houille de la Haute-Silesie. Et c'est ainsi qu'il en a tou-
jours ete : en face d'une petite partie du territoire natio-
nal assez fortement industrialisee, le centre, le nord et
l'est du pays se trouvaient condamnes, a l'exception de
quelques villes comme Varso vie, a n'etre quo des regions
agricoles. Le desequilibre etait flagrant. Tile demeurait
en 1949 ob. quatre voievodies (Katowice, Opole, Wro-
claw et Lodz) conccntraient a elles seules 65 pour cent
de la main-d'ceuvre industrielle.
Ii fallait mieux repartir les forces productrices. Cela
etait, d'ailleurs, la condition necessaire a l'edification du
socialism eh Pologne.
On l'a vu : en Pologne, les maisons, les edifices de
toutes sortes surgissent du sol. On l'a compris : l'homme,
en Pologne, se transforme. Voici qui est aussi seduisant,
aussi rornantique, at aupres de quoi la breche que l'epee
de Roland fit a Roncevaux ne semblera qu'un enfan-
tillage la democratie populaire donne a la Pologne une
figure geographique nouvelle.
A qui aurait propose de construire, sur la rive droite
de la Vistule, en face de Cracovie, parmi les patures
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198
LA POLOGNE
et les champs de ble, ane vile industrielle et qui semble-
rait surgie tout equipee du cerveau des techniciens du
socialisme, nos geographes classiques auraient crie a la
folie, et, a coups de reties Bees, ils auraient condamne
l'entreprise.
Or, voici quo Nowa-Huta, sortie de l'experience sovie-
tique. sortie des plans des constructeurs polonais, est
une realite.
C'est dans une region qu'aucune donnee naturelle no
predisposait a cela que s'implante et s'eleve cette forge
qui produira autant d'acier quo toutes les autres forges
de Pologne. L'homme n'obeit plus aux imperatifs natu-
rels du sol, du sous-sol et, devrais-je dire aussi, du
climat. Il commando a. la nature et il lui impose sa
volonte, il la modele scion sa volonte, II devient le
createur au sons biblique du mot. Jo songe a. la nevete
de cc mot d'un potte italien t( La terra simile a se
abitator produce ? : la terre fait l'habitant semblable a.
elle. Ii convient de dire : l'habitant fait la terre a l'image
de ses besoins.
En Pologne, on procede done a une deconcentration
de l'industrie, cc qui permet en meme temps de &con-
gestionner les regions agricoles surpeuplees.
La voievodie de Ezeszow, qui no fournissait quo 2,2
pour cent de la production industrielle, possedera sous
pea vingt-quatre usines qui tripleront cette production.
La voievodie de Bialystok, dont la main-d'oeuvre
industrielle &ail de 0,5 pour cent de la main-d'ceuvre
nationale, veria sa production industrielle quintupler
et sa main-d'teuvre augrnenter d'autant.
A Kielce, a Lublin, il en sera de memo. Partout seront
mieux prospectees les richesses du sous-sol, pattout
seront montees de nouvelles filatures des centrales
hydratilique; au therrniques, des usines de radiateuts,
d'acide sulfurique, d'automobiles, de roulements a. billes.
Partout seront installees des usines devant fountir au
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,LES HOMMES, LA GEOGRAPHIE 199
pays les moyens de production, les outils, les machines.
Parallelement a cette repartition plus uniforme des
, forces productrices, seront constitues de grands centres
inclustriels : Cracovie avec de grands etablissements
metallurgiques et des usines de synthese chimique,
Varsovie avec son industrie metallurgique et electro
-
technique, Czestochowa et Kielce avec leurs etablisse-
rnents metallurgiques. Ii va de soi qu'automatiquement
la campagne polonaise se trouvera decongestionnee.
Nowa-Huta, ?et egard, .porte un grand temoignage.
En un rien de temps le paysan sera devenu un construe-
teur d'immeubles et d'usines. Ii deviendra incessamment
un ouvrier metallurgiste.
Le travail force, le rideau de fer
et l'eglise de Mogila.
? I OBJECTION m'a ete presentee ? et par des ouvriers
I de chez nous.
? Tout cela est beau... mais ne peut etre obtenu
qu'au prix d'un travail force.
? Non, il y a encore la une calomnie dont, sans nous
rendre compte, nous nous faisons les porteurs.
Le travail de l'ouvrier en Pologne est regle et garanti
par des conventions collectives. C'est fin 1948 qu'un
? projet type de convention a ete elabore et qui a decide
l'augmentation generale des salaires en meme temps
que certains decrets decidaient d'une baisse des prix
pour les denrees et les objets de consommation courante.
La direction embauche et licencie les travailleurs aim-es
B'etre entendue par ecrit avec le comite d'entreprise. La
duree normale du travail est de huit heures par jour
pour les cinq premiers jours de la semaine et de six heures
pour le samedi. Toutes les heures en plus de ces quarante-
six sont payees cinnme des heures supplementaires,
s-avoir 50 pour cent de majoration pour les deux pre-
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200
144 POLOGNE
mieres heures de travail supplementaire, roo pour cent
pour la troisieme et les suivantes, ainsi que pour le
travail effectue de nuit. Pour les jeunes, le temps normal
du travail comprend les dix-huit heures d'enseigne-
ment professionnel et complementaire dans les &Wes
destines aux jeunes travailleur s et aux apprentis.
Les jeunes no peuvent faire d'heures supplemen-
taires, ni les femmes enceintes entrees dans leur qua-
trieme mois.
Tout travailleur a droit a un conge paye et il
est tenu de le prendre... Nous avons vu, par ailleurs,
que ce conge ne lui collie pas cher... et aussi que les
cotisations des assurances sociales sont entierement a la
charge des employeurs.
Tout cela n'a rien, me semble-t-il, d'inhumain.
Et comme ii faut ajouter que le chomage, en Pologne,
n'est plus qu'un mauvais souvenir, comme ii faut
ajouter que dans une famine donnee le pere. la mere, les
grands enfants, ont du travail, II faut conclure que la
situation du travailleur polonais est desormais enviable.
Toutes les histoires de travail force no sont que
calomnies de politiciens aux abois et qui comptent beau-
coup sur le rideau de for qu'ils ont dresse sur la Seine,
sur la Tamise, sur l'Hudson, pour que no soit pas connuc
dans nos pays oa l'hornme est encore exploite par
l'homme, la vie libre et alsee des pays 'oil se fonde le
socialisme. On n'a pas assm dit que le rideau de fer
ca a eta. et cela demeure, une invention sortie du cer-
ve,au de Gcebbels, adoptec par le Tres Honorable Wins-
ton Churchill et devenue la tarte a la creme de tous
les ? journalistes que le plan Marshall a ? fonction-
narises
La violence des campagnes de mensonges et
de provocations est en raison directe des suc-
ces obtenus dans le sons de l'amelioration des
conditions dc vie des peuples liberes ; le nivea.0
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LES HOMMES, LA GEOGRAPHIE
201
de vie s'eleve rapidement en Pologne, comme
d'ailleurs dans les autres democrates populai-
res, et comme en Union sovietique ; on peut
compter une elevation de 20 I Yo par armee,
d'apres les statistiques du Conseil Economique
et Social de l'O.N.1J. Cet accroissement de l'or-
dre de 2o % veut dire qu'en cinq ans le niveau
de vie double. Et il n'y a pas de raison pour
que cc regime ne continue pas encore a croltre,
non seulement avec cette proportion, mais avec
un accroissement de cette proportion, etant
donne l'effet de boule de neige que provoque la
construction des usines qui se developpent en
progression quasi geometrique.
L'exemple venu de Pologne est done dange-
reux, et c'est la raison de toutes ces calomnies
et de tous ces mensonges de la part de ceux
qui savent que le regime capitaliste ne permet
pas cet accroissement du bien-etre du peuple
? parce que, en regime capitaliste, une partie
nnportante des fruits du travail est accumulee
seulement dans quelques mains...
us mentent, et ils essaient de s'arranger pour que
les braves gens no puissent verifier qu'ils ont menti.
Or, voici que le rideau est de plus en plus rouille et qu'il
grince lamentablement. La verite le bat en breche, la
Verite l'emportera. La verite qui dit, par exemple, que
l'homme compte en Pologne. puisque, en Pologne, le
budget de l'Education nationale intervient dans le bud-
get general dans la proportion de 23 pour cent. Il
, faut croire que c'est malheureusement en France que
l'on meprise l'homme et la culture, puisque dans notre
pays le budget de l'Education nationale n'est que les
7 pour cent du budget general. Ii faut croire que
l'homme et la culture comptent fort pen aux Etats-Unis
i. Extrait du discours prononce par Joliot-Curie le 27 mai
x951, au Congres de ? Amitio Franco-Polonaise ?.
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202 LA POLOGNE
d'Amerique puisque, dans cc pays de la menace ato-
mique, l'Education nationale atteint 1 peine les 2 pour
cent du budget general. En Polope, budget de paix,
budget pour l'homme. En France et aux Etats-Unis. et
dans les pays satellites des Etats-Unis, budget de guerre,
budget contre l'homme.
La verite ? Oui. La verite qui fait, par exemple, quo
dans Nowa-Huta la Nouvelle Forge, la vile moderne
construite par un gouvemement dernocratique popu-
laire, non loin de la vieille et royale Cracovie, l'eglise
cathedrale sera cette eglise de Mogila qu'au my? si?e
vinrent construire sur la plaine cracovienne les moines
francais de l'ordre de Citeaux.
Cette eglise quo les regimes anciens avaient negligee,
abandonnee et, qui plus est, qu'ils avaient mutilee et
deformee, la democratic populaire en a pris soin. J'y ai
ete recu par un frere abbe qui m'a tout fait visiter, aussi
bien le local oh sont conserves et entretenus les lourds
vetements sacerdotaux, ofi sont repares les objets du
culte, quo la bibliotheque ofi l'on pent admirer les incu-
, nables et les vieux manuscrits aux fralches enluminures.
J'ai vu, dans cette eglise, la barbaric des fresques
datant d'un autre temps, faisant a la nef centrale et
aux bas-cotes tine couverttue de crotItes et j'ai vu aussi,
heureusement, affleurer sous le marteau attentif et
patient des ouvriers, la fratcheur et la finesse des peiri-
tures renaissance originelle.4. J'ai vu les colonnettes
gothiques sortir de la masse inform? du mortier oil on
les avait, dans le temps, ensevelies.
Le frere abbe' na'a dit
? Vous le voyez, cette eglise aussi est un chantier
de rajeunissement, elle va retrouver sa beaute et sa grAce
premieres. Elle sera l'eglise cathedrale parrni les cons-
tructions modernes de Nowa-Huta. Nous devons beau-
coup de reconnaissance a notre gouvernement.
La verite est l?
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CHAPITRE IV
GDANSK, GDYNIA,
PORTS POLONAIS
Gdansk, vieille ville polonaise.
BRONISLAW MIESZKOWSKI est conservateur des monu-
ments historiques pour la province de Gdansk. Et
Gdansk, de aelation polonaise mais que conquirent
et germaniserent les Chevaliers teutoniques h l'aube du
xive siecle, Gdansk qui, sous le nom de Dantzig, fit
collier tant d'encre et tant de sang, Gdansk legitimement
redevenue polonaise en 1945, etait a cette date une ville
parfaiternent en mine. Aujourd'hui, elle a retrouve la
vie le long de ses avenues deblayees ; elle aussi est un
vaste chantier.
Il y avait h. Gdansk une Porte verte du xive, un Hotel
de Ville c?bre dont la tour flechee mesurait quatre-
vingts metres de haut. Il y avait dix-sept eglises dont
celle de Notre-Dame, gothique, sanctuaire-forteresse
aux mars creneles et qui a perdu neuf de ses dix tou-
relies. Il y avait l'Arsenal, chef-er ceuvre de la Renais-
sance flamande, dont il ne resta en 1945 que deux
facades aveugles. Il y avait le Langer Markt, une place
bordee de maisons a pignons et h attiques &coupes. Il
y avait une vieille ville dont chaque demeure etait consi-
deree cornme un monument historique. Tout cela etait
de brique rouge.
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204
LA POLOGNE
Bronislaw Mieszkowski, encore un homme jeune
charge d'une considerable responsabilite, me dit en
souriant
Conservateur des monuments historiques ? Non,
pour 'Instant, je suis un entrepreneur de construction :
j'eleve des facades et je remaille des murs. Je ? conser-
verai ? apres.
A Gdansk comme a Varsovie dans Mariensztadt et
Nowy-Swiat, comme partout oil, en Pologne, ii y a un
chef-d'oeuvre A ressusciter, on redonne aux maisons
leurs anciennes fa?es et on munit l'interieur du contort
le plus modeme.
Le malheur est que les Allemands avaient degarni
les edifices publics de leurs meubles, de leurs boiseries,
de leurs tableaux : rien n'a Pu etre recupere de toutes
ces richesses dont on suppose qu'elles sont bien cachees
quelque part en Allemagne occidentale.
Vous le savez, Gdansk, me dit Mieszkowski, etait
une vieille vile possedant un port qui, bien qu'impor-
tant, n'etait pas des mieux appareilles. Gdynia, sortie
en 1920 d'un village de pecheurs et qui compte aujour-
d'hui 120.000 habitants, etait une vile toute neuve, no
possedant aucun caractere art.istique, mais double? d'un
port excessivement moderne. Alors voici cc qui se pro-
duisit en 1945 : les Allemands firent sauter la vile
de Gdansk et no toucherent pas a son port ; us firent
sauter le port de Gdynia et no toucherent pas A la
vine.
II ne faudrait pas s'imagnier que reconstruire ici,
et on l'a bien vu lorsqu'il s'est agi de Varsovie, consiste
reproduire integralement l'ancien, a reproduire un
plan impose par les siecles. L'ancien n'est respecte que
dans la mesure ox ca en vaut la peine. On fait aussi
sortir du nouveau des runes et, le cas &Mara, on abat
certaines maisons sans caractere architectural et sans
tradition, pour donner a la vide un amenagement plus
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GDANSK, GDYNIA, PORTS POLONAIS 205
rationnel. A Gdansk auront ainsi vu le jour, si l'on peut
dire, la place des Meetings et l'avenue du Marechal-
Rokossowski.
Dans les ports de Gdansk et de Gdynia.
un seul cargo francais.
J AI dejeune dans un restaurant comme s'en trouve
partout. Mais en Pologne, dans chaque restaurant, il
eXiste trois menus. On peut manger a la carte et s'offrir
un _reps de cinq ou dix mule zlotys ; on peut opter
pour un menu a 150 zlotys ou un menu a 8o zlotys, Je
souligne que tous les restaurants sont tenus de servir
n'importe qui ces trois sortes de repas. J'ai choisi le
menu a 8o zlotys. J'ai eu une grande assiettee de vrai
bouillon aux macaronis, un grand plat de bouilli aux
pomrnes de terre et, comme nous disons en France,
une canette de biere. Je ne suis nullement sorti aflame.
Sur les murs du restaurant, il y avait des inscriptions.
J'ai pu traduire celle-ci : ? Chaque tonne de charbon
de plus, chaque metre de tissu de plus, chaque quintal
de ble de plus, c'est un defi de plus aux fauteurs de
guerre ?.
Et puis, en compagnie de Casimir Laurysiewicz, res-
ponsable des transports maritimes a la federation de
Gdansk du Parti ouvrier unifie, nous nous sommes
rendus vers le Nouveau Port. Je remarque qu'un theatre
de la vine donne le Manage de Figaro. Je lis sur la
fa?e d'une maison basse cette inscription a la peinture
noire : Souvenirs ; des soldats francais ont fait leur
captivite dans ce coin. Voici un canal. Des fumees, des
elevateurs, des mats, des cheminees de bateaux et,
sur notre gauche. dans une prairie tres verte, de belles
vaches hollandaises. Ii y a du soleil et du vent. Il y a
des mouettes blanches dans le ciel bleu. On voit passer
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206 LA POLOGNE
des douaniers vats et des gardcs frontalids. Je suis
heureux de retrouver la men
La rner ici s'appelle le Wester Platt : c'est un bras
derive de la Vistule. Nous sommes sur la rive gauche,
juste a l'endroit ofi cc bras se confond avec la Baltique.
En face, la rive est boisee. En 1939, des combats
acharnes eurent lieu : 250 soldats polonais resisterent
pendant de longues semaines aux assauts de cinq
batail-
Ions allemands.
A la capitainerie du port, nous prenons avec nous le
capitaine, Georges Sierociriski, qui sera notre guide.
Encore un homrne neut. Un homrne de trente-cinq ans,
souple et &gage dans cette tenue bleue qui est celle de
tous les officiers de marine du globe. En 1939, il est
marin. 11 est fait prisonnier. Au cours de sa captivite,
il a connti beaucoup de Francais. It a appris beaucoup
de choses aupres d'eux et entre autres, cc qu'i1 appelle
des chansons legeres : Parlez-mai d'amour, fattendrai
la nuit et le jour. la Pipe a papa. 11 a surtout appris
parlor assez correctement le francais.
? Je commis aussi, me dit le capitaine Sierocinski,
l'italien, l'anglais, l'allernand, le russe et... le polonars.
Mon capitaine aime a rire.
11 sait parler fort serieuscment aussi.
11 me dit:
? J'etais marin. Rentre dans mon pays. on m'a mis
dans la possibilite de preparer Ines brevets. J'ai etudie
dur. Me void officier depuis quatre ans. En Pologne,
celui qui veut s'en dormer la peine pent devenir inge-
nieur ou officier.
Je plaisante :
? Vous etes un officier d'eau donee puisque vous
voila rive a votre semaphore...
? Pas pour toujours. Je ne suis pas a la retraite et
rai d? navigue. On in'a dit que j'etais necessaire a la
capitainerie de Gdansk : j'ai accepte le poste. Mais notre
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GDANSK, GDYNIA, PORTS POLONAIS 207
marine se developpe ; elle deviendra puissante. Un Jour
viendra o?e reprendrai la mer. Pour l'instant, je
suis satisfait d'?e utile ici.
Nous avons pris place sur une vedette. La visite des
ports a commence. Si vous voulez, nous allons la faire
ensemble.
On me dira : mais ii n'y a rien pour ressembler a un
port comme un autre port. Non, jamais un port ne res-
semble a un autre port. Et, id, ii s'agit de deux ports
polonais de la Pologne de 1950.
Gdansk, c'est huit kilometres de fongueur de quais,
et, je l'ai dit, demeures a peu pres intacts. Seuls les
entrepots paraissent avoir souffert : on travaille a leur
reconstruction. Une eglise etait la ; elle brfila ; voici
qu'elle erige a present dans le ciel, au-dessus de ses murs
en briques rouges, la charpente neuve de son toit. Nous
passons devant le port d'embarquement des cochons ;
l'Angleterre est la grande cliente : navires anglais.
Nous passons devant le port des yachts : les legers bati-
? ments aux mats immenses, aux coques legeres et laquees
font penser a une marine qu'aurait dessinee Raoul Dufy.
Voici le quai du charbon avec ses trois transporteurs de
gabarits differents, mais qui font chacun 250 tonnes a
Plieure. Voici le quai du mineral de fer : mineral de Nor-
vege, rninerai suedois plus lourd que le norvegien. Voici
? des bateaux grecs, finlandais, hollandais, belges, sovie-
tiques, tous alleges sur leur ligne de flottaison : le fret
d'importation est decharge a Gdynia; le fret d'expor-
tation est charg? Gdansk.
-- Les Anglais, us sont marrants, me dit le capiiaine
Sierocinski, en riant a gorge deployee. Lorsqu'ils arri-
vent pour la premiere fois ici et que je monte a leur
bord pour les formalites d' usage, us me disent : Ici, c'est
les Russes ? Et les pauvres types us n'ont pas l'air tres
rassures us n' en reviennent pas lorsqu'ils apprennent
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208 LA POLOGNE
qu'ils peuvent descendre librement a terre, comme tous
les autrcs inarins etrangers d'ailleurs.
? Et us descendent?
? Et comment I Cepenciant us nc sont pas contents.
us se plaignent.
- Pourquoi done?
- Voila : its ne trouvent plus de fines. c'est fini la
prostitution en Pologne, et puis its trouvent que la
vodka est trop there: us disent Cc n'est pourtant pas
un produit de luxe, la vodka... us rue comprennent pas
que nous, nous en faisons un produit de luxe afin de
tuer l'alcoolisrae comme nous avons supprime la pros-
titution.
Nous passons devant le quai du bois. construit cette
armee, devant le quai du ciment avec son appareillage
special : le ciment passe directement du wagon dans le
bateau ; il est exporte en Argentine, en Afrique. Voici
du set, de la volaille et des (peas : la les bateaux sont
peints dans des couleurs claires, des couleurs de cremerie.
Nous croisons des bateaux blancs charges d'enfants
en vacanccs auxquels on fait vsiter le port.
Nous arrivons du cote des docks de construction
navale.
? La Pologne n'avait jamais coastruit de bateaux,
me dit Sierocinski. Elle en construit maintenant Autant
de devises econornisees ; autant de travail donne aux
ouvriers et a= ingenieurs polonais.
Des chalutiers non encore arm& sont la en ligne de
parade avec leurs copies rouillees d'embruns ou rougies
an minium. Des carcasses de navires s'echafaudent
dans des docks flottants de 20.000 tonnes et plus.
Un navire tout neuf, vierge de tout voyage et qui
porte le nom d'un mineur d'elite c'est le joseph-Wiec-
zorek. Voici deux autres batiments de 3.5o0 tonneaux
faits pour les lignes du Levant : le Warszawa, le Lodz.
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GDANSK, GDYNIA, PORTS POLONAIS 209
Quatre autres unites de memo importance sont en fin
de construction, deux autres sont commences.
Apres cinq ans seulement s'ecrie le capitaine du
port. Les ouvriers et les ingenieurs polonais ont un
grand merite : us on fait ca eux-memes. Tiens, voila
encore quatre petits remorqueurs tout neufs...
Nous avons quitte la vedette. En voiture, nous nous
dirigeons sur Gdynia quise trouve h dix-huit kilometres
au nord de Gdansk. La route que nous suivons a ete
refaite par des etudiants venus de toutes les regions
de la Pologne. Le paysage est fait de croupes boisees.
Nous traversons Sopot 1 grande cite balneaire est
pleine d'hOtels, d'arbres, de va-et-vient et de chansons.
Voici les hauteurs de Gdynia o?en 1939, les matelots
polonais se battirent contre les Allemands et oil, en 1944,
furent contraints de se rendre a l'Armee rouge pres de
I00.000 Allemands.
La capitainerie du port a une salle de jeux avec ses
joumaux muraux, ses tables de ping-pong, sa biblio-
th?e. Y ont acces les of ficiers, les marins, les `employes.
Nous embarquons sur le bateau-pilote n? 18. Siero-
_
cinski explique :
? C'est piece a piece que le port de Gdynia a ete
&tuft-,
Nous passons devant des ruines de moles et de quais.
tin elevateur.
-- Es n'ont pas eu le temps de le faire sauter. C'est
de la chance.
L'entr?du port,' un etroit passage entre les extre-
mites de deux digues, a.vait ete entierement bloquee par
les Allemands qui coulerent dans le chenal un bateau de
commerce bourre de munitions et le fameux cuirasse
Gneisenciu. Dans le port memo et des endroits calcules
furent coul?aussi deux autres bateaux de guerre.
? Et maintenant tout est degage, me dit mon guide.
Ah I nous, Polonais, nous n'avions que nos mains. Mais
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LA POLOGNE
les Roses nous ont aide. retirer des eaux du port tout
ce qui etait immerge. Nous avons recupere tout ce quo
nous avons pu sur les 35 000 tonnes du Gneisenau, dont
ii no reste plus que cette coque grise.
Aujourd'hui Gdynia a retrouve toutes ses activites
maritimes. Par dizairaes, des grues neuves el4vent 'curs
superstructures sur le ciel les entrepots s'etalent en bor-
dure des quais. De nornbreux navires sont a l'ancre, par-
tent, arrivent. Voici, tout blanc, un bateau-ecole pour
la marine de guerre; voici le Bienkowski, hier bateau
pour les passagers, aujourd'hui bateau-ecole pour les
matins de commerce; void des bateaux laollandais, nor-
*ions, anglais, finlandais, danois, sovietiques. Un seul
bateau francais, un cargo, le jumieges, du Havre.
est venu prendre un pen de charbon, me dit-on.
Un pen de charbon! Nous sonarries le pays qui com-
merce le moles avec la Pologne, et cela se voit bien a
Gdansk et a Gdynia. La Pologne nous demandait au
debut de 1949 de l'huile d'olive et d'arachide, du vin
et des spiritueux, du liege, du crin vegetal, toutes sortes
de produits chimiques: les produits chimiques a usage
pharrnaceutique, du Verne, du nitrate de potasse, du
bioxyde de manganese, des phosphates. Elle nous de-
mandait du papier, du for, des textiles, des metaux de
toutes sortes, de la ceramique, du materiel de precision,
des appareils medicaux et chirurgicaux, du materiel
electrique, des vehicules automobiles (voitures legeres,
carnion.s, cars), des tracteurs, des pieces detachees pour
vehicules automobiles, des livres, des periodiques, des
films impressionnes, des articles de Paris. Elle nous offrait
des produits agricoles (semenccs fourrageres, avoine,
orge, elites de graine de betterave a suCre, des porn-
mes do terre de sunence, du mouton, du sucre, des
ceufs, des soles de porc, de l'eau-de-vie, des ecrevis-
ses), des produits chimiques (blanc de zinc, minium,
alu.ri de chrome, huile a freins), de la verrerie et de
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GDANSK, GDYNIA, PORTS POLONAIS 211
la ceramique, du bois, des produits textiles. Elle nous
offrait surtout du charbon. Parce que les economies
des deux pays sont complementaires, lorsque la Pologne
nous donne son charbon elle donne en meme temps du
travail a nos industriels et a nos ouvriers, puisque nous
payons ce charbon non en dollars, ainsi que cela se passe
avec Ies U.S.A., mais avec les produits de notre indus-
trie. Dans ce commerce, tout est interet pour la France.
Ii faut dire que nos actuels gouvernants comprennent
etrangement rinteret de notre pays : parce que la
Pologne est une democratie populaire, us se refusent
cornMercer avec elle. Cela no gene nullement la Polo-
gne ; cela ne gene que nous. Et il va de soi que les
commandes que nous ne prenons pas en Pologne, les
AngIais et les Beiges s'en emparent, ou meme les Italiens.
En 1948, la Pologne nous demandait des dizaines de mil-
hers de tracteurs : notre gouvernement a refuse la com-
mando et a prefere fermer la Snecma. Fin 1947, la Polo-
gne voulait nous acheter des licences Citroen : notre
gouvernement a refuse... rnais l'Italie a vendu des licen-
ces Fiat. La France sort toujours battue de par la volonte
de ses actuels gouvernants. Vouloir l'interet de la
France, c'est vouloir cormnercer avec la Pologne; c'est
vouloir aussi changer de gouvernants.
Ii reste que la Pologne entretient des relations econo-
miques avec treize pays capitalistes d'Europe, avec le
Canada. des pays de l'Amerique latine, de l'Afrique
et de l'Asie et meme avec certains trusts des Etats-Unis I
Ii reste que des lignes regulieres maritimes relient les
grands ports du monde, sauf les notres, aux ports polo-
nais. Et il reste que he gouvernement francais a pris
pretexte de l'arrestation en Pologne de l'espion Robi-
'wan, en novembre 1949, pour ne pas renouveler les
accords economiques signes en decembre 1948. Notre
gouvernement execute les ordres venus d'Amerique. II
fait meme du zele. II est plus royaliste que le roi.
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212
LA POLOGNE
La Maison du mann
ST-CE parce quo je, suis ne an bord de la mer? Est-ce
parce quo mon enfance et ma prime jeunesse se sont
deroulees sur les moles d'un port. parmi les pecheurs,
regarder entrer dans be golfe les grands voiliers, les
tartancs et les vapeurs ? Ou est-ce plutot parce que je
sais quelle miserable hospitalite un port comme celui de
Marseille reserve aux marins de passage, aux mantis
sans ernbarquement ? Peu importe. L'un des emerveil-
lecctents les plus durables que j'ai ramenes de Pologne
sera bien celui que j'ai eprouve en visitant a Gdynia
la Maison du mann (Dorn Marynarza).
Elle est sur une esplanade ouverte sur la Baltique.
Sous l'ancien regime, c'etait quelque chose comme un
casino. Devant elle, une ancre couchke et un long rat
portant a son sorntrket la flamme blanche et rouge. Le
batiment est blanc ; il est fait d'un pavilion central de
trois etages, de deux ailes de deux etages et d'une ter-
rasse vitree. Des fenetres a multiples carreaux a rideaux
de couleur, aux caisses de flours peintes en vert.
Des l'entree, une pancarte porte cette injonction : 11
est defendu d'apporter de l'alcool. Des le vestibule,
on est surpris : des tableaux de navires, des marines,
d'immenses coquiliages. Un grand hall qu'envierait les
plus riches hotels de notre ate d'azur : des fauteuils
en cuir, des tables fleuries, des ta.pis epais, des tableaux,
des bronzes. Et un silence qui vous forcerait a marcher
sur la pointe des pieds. La salle de jeux possede un
piano, tine scene, un toume-disques, un poste radio, une
bibliotheque, des revues. On joue aux echecs, aux domi-
nos, aux dames. On lit, on ecrit. J'ai de la peine a me
convaincre que les personnages correctement mis qui
sont l?ant des navigateurs. Un Anglais, un Espagno1,
des Beiges, des Italiens, des Suedois, des Polonais :
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,
GDANSK, GDYNIA, PORTS POLONAIS 213
je les prends tous pour des hOtes privilegies. Les navi-
gateurs, je ne les ai toujours vus quo dans les bars de
la Joliette ou du Vieux-Port et ca me change. Aux murs,
les portraits de Lenine et de Staline. Et cette inscription :
a L'amitie avec l'Union sovietique est la garantie de la
victoire du socialisme en Pologne. ?
Dans les couloirs, on a l'impression de se trouver
.bord dun long-courrier. Photographies encadrees
luxueusement de tous Jes grands bateaux celebres,
tableau de tons les pavilions du monde, neeuds marins
au naturel,, ensemble des vingt-cinq epissures possibles.
Voici la consornmation en combustible, charbon ou
mazout, par bateau connu. Voici le diplome qu'on deli-
vrait aux marins du commerce qui avaient passe la ligne.
Un salon de coiffure. Une buanderie. Une lingerie. Un
cabinet de dentist?. Une salle de cinema. Une disco-
th?e. Aux &ages sont les chambres. 'routes indivi-
duelles. Le parquet est cire ; une armoire ; une table ;
un fauteuil ; une table de nuit avec sa lampe de chevet ;
un grand tapis ; des fleurs sur l'appui de la fenetre et sur
la table ; un lit bas en chene clair comme tout le reste
du mobilier, un couvre-lit a fond vert clair pique de
fleurettes rouges. Cette chambre, nous l'avons deja vue
au pr4ventorium des enfants de mineurs de Paszkow.
Nous la veryons dans le centre de perfectionnement de
l'Entr'aide paysanne de Miedzeszyn. La Maison du
mann possede dix salles de bains et dix cabines de don-
Ches. je ne peux m'empecher de penser a nouveau aux
infames h4itecls du port de Marseille. 04 est la civilisation?
04 est la jus'tice ? o4 est la raison? Il est vrai qu'a Mar-
seille et dans tous nos autres ports s'elevent aussi les
buildings cies 'compagnies dominatrices et les hotels parti-
culiers des grands armateurs, des exploiteurs de la mer.
En Pologne, ii n'en est plus ainsi.
jai 'fait ma visite sans prononcer un mot. Je n'en
revenais pas, comme on dit chez nous, et je voulais tout
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314 LA POLOGNE
voir. Apres, nous nous sommes rendus dans la grande
salle a. manger. Assis a lune des petites tables couvertes
de lours nappes et toutes flettries, nous avons cause en
buvant de la biere. Du grand comptoir du fond venait
la musique d'un poste de T.S.F. De la musique de qua-
lite et comrne assourdie. On eprouvait une grande
impression de calme, de repos. Nous parlimes sans
&ever la voix. Casimir Laurysiewicz en polonais, Georges
Sierocinski en francais, m'expliquerent les chases.
? la Maison est propriete de l'Etat. Elle est geree
par le Syndicat des marins. Elle pent recevoir go hotes ;
il y en a 4 present une cinquantaine. Elle accueille des
marins de toute nationalite : marins sortant de l'hopital
et dont les navires sant partis, marins faisant escale et
qui n'ont pas de famine par id, marins attendant un
embarquement. Si la?famille du mann habite l'interieur,
Varsovie, par exernple, la femme et les enfants peuvent
venir ici retrouver le chef de female et passer quelques
jonrs avec mi : Its frais de voyage sant rembourses.
? Nous sommes nos propres amateurs, continue
Sierocinski. Aussi pouvons-nous offrir id i une hospitalite
gratuite 4 tous nos hetes de quelque nationalite
soient. Le mann qui vient chez nous recoit memo de
l'argent de poetic.
? La duree du sejour ? Elle pent etre d'un jour ou
de plusieurs semaines. II n'y a jamais Tabus. Un mann
no demande qu'a navigner. Des gull le pent, il fait
son sac et il embarque. Nous l'aidons d'ailleurs a trou-
ver un embarquement. Ici, cc n'est jamais difficile.
? Nous avons aussi ane maison pour les pecheurs.
Le pecheur vient s'y reposer lorsqu'il no sort pas :ii
est an repos ou le temps est mauvais. Cette maison vend
aux pecheurs tout cc dont us peuvent avoir besoin pour
vivres et travailler et a des prix d'Etat...
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CHAPITRE V
SOPOT. LES ARTS,
LES LETTIRES ET LA JEUNESSE
Le fonds des loisirs.
ILyaa Sopot des villas, des hotels et il y a le Grand
Hotel. Dans ses villas, ses hetels et son Grand Hotel,
Sopot recoit cette armee 50.000 estivants, et qui ne
sont que des ouvriers, des employes, des travailleurs
in'tellectuels, des journalistes, des ecrivains, des inge-
nieurs, des techniciens.
Pourquoi faire la description d'une grande station
balneaire !Id, la l3altique est belle et le temps est clair,
la plage est de sable fin et d'un harmonieux dessin. Le
tour on se dore au soleil et la nuit on danse. On jouit
de ses conges payes. Ces cones pay& sont pour tous
et a. la port& de tous. C' est pourquoi 11 y a beaucoup
de joie same a Sopot, n'en deplaise auX calOmniateurs
pa.tentes de chez nous qui voudraient nous faire croire
que la Pologne populaire est le pays de la misere et du
rnalheur. Non, ca va fort bien dans ce pays que dirigent
les representants authentiques des ouvriers et des
paysans.
Cest le Fonds des loisirs dependant du Conseil cen-
tral des syndicats qui a la charge d'assurer le repos des
travailleurs et d'organiser leurs loisirs. Ce fonds dispose
d'un ensemble de maisons de repos tres bien amenagees,
situees en montagne, au bord de la mer, dans les regions
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216 LA POLOGNE
lvisees des plaines, dans les stations thennales.Les repas
sont bons et copieux et foumissent guatre a cing mille
calories par jou'', Chaque maison de repos a son pro-
gramme propre de distractions artistiques, sportives,
touristigues. Le travailleur qui s'y rend a ses frais de
voyage pay& pour Faller et le retour II n'aura a payer
gue les 30 pour cent de sa pension.
Si la, sante du travailleur est menacee, il se rend dans
une station therrnale oil, pendant trois semaines. ii rece-
vra gratuitement tons les soins necessites par son etat,
apres (poi ii pourra se reposer tine quatrieme semaine
chez lui. Des loisits (fits prophylactiques sont aussi orga-
nises pour les travailleurs menaces de silicose, suscep-
tibles de faire des eoliques de plomb, ou d'?e atteints
de rhumatismes.
Pour les meres de famlile, il existe des maisons appe-
lees ? Maisons de la mere et de l'enfant ii Dans ces
'liaisons. des infirrnieres gualifiees prennent soin des
enfants (de deux ans et demi a huit ans) et cela permet
aux ma.man.s de se reposer et de se distraire. Le sejour
des enfants dans ces maisons est gratuit. Les mamans,
chefs de famille ou travailleuses emerites, ne paient que
les 30 pour cent de la pension : le reste est convert par
le Fonds des loisirs et los Assurances sociales.
II existe aus,si des ? vacances de famille n les families
ouvrieres sont instailhs dans les villas du centre de
Pobierowo, sur les bonds de la Baltigue. Le voyage
alter et retour est gratuit. Les frais d'entretien des
enfants sont converts par l'Action sociale.
La jeunes.se dispose de maisons de repos pourvues
d'eguipements sportifs et au.xquelles sont affectes des
moniteurs d'education physique et des instructeurs
culture's.
11 est necessaire de preciser gue les travailleurs agri-
coles beneficient des memes avantages gue les travail-
leurs de la vine.
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SOPOT
217
Ainsi, en Pologne, les loisirs procurent le repos et la
sante. us permettent aux Polonais, a tous les Polonais,
de connaltre leur pays, de relever leur niveau culturel
et de renforcer leur sens social.
Les syndicats polonais invitent tous les ans des tra-
vailleurs des autres pays a venir se reposer en Pologne.
C' est ainsi qu'a Zakopane, j'ai passe une soiree dans
une tnaison de repos oil sejournaient des mineurs sue-
dois, norvegiens, anglais et francais. On dansa, on
chanta en cinq ou six langues. Qu' on y reflechisse : des
milieus de cinq pays prenant un repos d'un mois dans
une grande villa de la belle Zakopane, cela ne signi-
fierait-il pas qu'il y a quelque chose de change dans
le monde ? Et cela est possible, dirait le jeune capitaine
de port de Gdansk, mon ami Georges Sierocinski, parce
que nous sommes nos propres armateurs, nos propres
industriels, les maitres de notre terre, parce que la Polo-
gne et toutes ses richesses appartiennent enfin a tous
les travailleurs.
Les expositions de Sopot.
C OPOT a une grande place qui s'ouvre sur la Baltique et
que continue au milieu des, flots le grand mole aux
appontements noirs. Autour de cette place et sur l'eten-
due d'une demi-lune, se trouve une galerie couverte,
en ciment. Cette galerie est faite pour abriter les expo-
sitions en plein air, ces expositions qu'on voit dans
toutes les villes de Pologne et qui sont un aspect de la
nouvelle democratic. Gdansk a ete detruit. Gdansk
se reconstruit. II faut que la population connaisse les
projets et qu'elle puisse donner ses avis. On kale done
les projets sous forme de cartes, de plans tres lisibles,
de maquettes. Ainsi on initie les masses aux affaires de
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LA POLOGNE
la cite ; on leur permet d'exercer leur influence sur les
organismes administratifs et bureaucratiques ; on les
familiarise avec les problemes de la politique qui est l'art
d'administrer la cite ; on developpe leer initiative
creatrice ; du rneme coup, on fortifie la conseleace
qu'elles ont d'?e les maltres de leur Etat.
Cette exposition quo je visite presente done cc qui a
ete realise et cc qui se re.alisera. Elk indique oil sera
pris l'argent : un imp& sur l'alcool fournira le meilleur
des remources. Cet impOt a perrnis de construire uric
ecole 0 de la Pologne populaire ?, tine kale technique,
un lycee. On ne s'arretera pas en Si bon chemin. L'annee
1951 verra s'elever line academie medicale, un hopital,
tin thatre, unel4faison de la culture, tine Ecole technique
superieure, des magasins a ble, un grand nombre de
maison d'habitations, des eglises, des hopitau.x.
Une grande raaquette represente Gdansk d'avant-
guerre. Une autre represente la vile nouvelle y aura
plus d'air, plus de verdure. Des maquettes a grande
echelle permettent d'etablir la comparaison entre le
centre tasse de la ville d'hier et celui beaucoup plus
degage de la vile de demain. Maquettes d'immeubles,
maquettes de la cite, maquettes du quartier : tout est Ia.
avec panels les projets de deux ou de trois architectes ;
c'est l'usager qui est fait juge.
Sous la galerie en demi-lune, ii y a joule. Que l'on
se souvienne que Sopot, oa se trouve cette exposition.
accueille des dimities de tnilliers d'estivants. Ainsi, dans
touk la Pologne, on connaltra les details de la recons-
truction de Gdansk ; on en parlera. La democratie popu-
laire developpe au cceur des Polonais le sentiment de la
proptiete sociale, de la solidarite nationale ; la patrie
devient eine realite.
Ce que j'admire aussi pour ma part, c'est Fart qui
preside a, ces sortes de presentations publiques de pro-
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219:
blemes qui passent chez nous pour abstraits ou a tout le
moms ardus. C'est concret d'abord et puis c'est lisible;
c'est simple et rien ne manque ; et ca provoque de la
joie et meme de l'enthousiasme ; ii y a comme une force
dialectique dans la presentation ; ca va de l'avant et ca
pousse a aIler de l'avant. 13n ecrivain, un poete, un
musicien, pourraient trouver la le theme et le mouve-
merit. On sent aussi que toute liberte a ete laissee aux
presentateurs ; toutes les initiatives se sont manifestees
maladroites parfois, heureuses souvent : ii n'est pas si
simple que cola de parler au peuple. Jo sone a cette
exposition des Terres recouvrees que nous admirames
h Wroclaw en aoAt 1948 l'occasion du Congres mon-
dial des intellcctuels pour la paix. II y avait la, sous
une forme concrete et toujours diverse, rimmense effort
que Ia democratic populaire naissante a su faire en
quatre ans pour repoloniser les terres de l'Ouest. et pour
tout y remettre en route. L' exposition atteignait le but,
touchait tout le monde, la trieuse de Katowice, la pay-
sanne de Kujawie, l'artiste ou le poete ou le savant. L?
encore, la bride avait ete lachee aux presentateurs et
chaque stand, chaque vitrine, chaque salle, reservait au
visiteur sa propre surprise et son enseignement.
Sopot, en aofit 1950; offrait a ses foules en vacances
deux autres expositions :? une exposition de peinture et
une retrospective de l'art de la photographie en Polo-
gne. La masse des visii:eurs no tarissait pas au long
des journees. Je precise hien que ces visiteurs, c'etaient
surtout des ouvriers et des ouvrieres, des paysans et des
paysannes. En rrance, nous n'avons pas encore connu
cela, non que notre peuple soit insensible aux choses de
Part, mais bien parce que les classes dirigeantes estiment
que le peuple n'a rien a voir aux choses de l'art. En
Pologne, un immense effort est fait pour donner a tous,
dans cc domaine aussi, cc qui etait bier le le privilege
de quelques-uns.
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.11.11.?=.11.1111,04?11W
LA POLOGNE
La reforms scolaire.
L est rninurt. Nous sornmes sur la terrasse du Grand
Hotel. Le bruit Acme de la mer nous arrive. Le mole
brill? de toutes ses lurnieres. Un feu vert Sc distingue
au Sud c'est Gdansk. Vers le Nord-Est, le feu inter-
mittent de la presqu'lle de Mel. Au Nord, les lumieres do
Gdynia. Nuit bleu sombre. Et dans le cid, c'est stir,
une lune et une etoile. Mais je no suis pas venu ici
pour fever. Jo veux etre prosaique. Dans la splendour
des montagnes de Zakopane, je vous ai entretenu des
activites de la section culturelle des syndicats polonais.
La nuit de Sopot, je l'ernploie a me documenter sur la
reforme scolaire en Pologne. Car j'ai eu le bonheur de
rencontrer ici Stanislas Kowalski qui, en temps ordinaire,
travaille au mirtistere de l'Education nationale.
y a une bistoire de l'aeole polonaise qui est
encore a ecrire, m'a dit Kowalski. Savez-vous que la
Pologne a ete le premier pays du monde a posseder on
ministere de l'Instruction publique ? cela se fit en 1773...
Savez-vous aussi que la Pologne est cc pays oa l'ecole
pendant 123 ans a gie obligee de se faire clandestine?
Tant qu'ont due les partages et, jusqu'en 1919. ii s'est
agi de sauvegarder noire caractere polonais et notre
volonte cl'independance ; ii s'est agi de resister... Savez-
vous encore que, dans notre pays, les enfants et la
jeunesse des ecoles oat spontanement joue un role poli-
tique ? A l'ecole de Wrzesnia, en Posnanie, au temps de
la prussification, les enfants refuserent, malgre les sevices
des maltres, de reciter leurs prieres en allemand... En
1919, ii n'y avait pas encore cu en Pologne d'ecole une;
les Polonais avaient cu a subir trois systemes differents,
le prussien, le tsariste et l'autrichien
--- Dans la Pologne de 1919, ii fut beaucoup question
de reforme scolaire. II cut fallu parer au plus 'nesse :
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SOPOT
221
former des maitres, construire des ecoles, lutter contre
l'analphabetisme, eliminer les residus de germanisation.
Mais les preoccupations des gouvernants d'alors etaient
RilieUrS ; elks etaient plutot d'ordre militaire. Les
Pildsuski et les Beck se contenterent, en bons fascistes
qu'ils etaient, d'instituer une ecole au seul benefice des
classes possedantes. Une loi scolaire votee en 1932 et qui
6tait loin d'?e democratique n'entra definitivement
en vigueur qu'en 1938. Ainsi, a la veille de la guerre,
la Pologne n'avait pas encore eu un regime scolaire digne
de ce nom.
Jugez-en (je cite mes chiffres de memoire). Un
pour cent des etudiants d'enseignement superieur etait
d'origine paysanne dans un pays oi la population rurale
cornptait pour 72 pour cent. Un million d'enfants
n'avaient pas acces a l'ecole. Pour une population de
35 millions d'habitants et pour 5 millions d'eleves d'ecole
'pnmaire, 200.000 enfants recevaient un enseignement
secondaire, 50 000 avaierrt acces a l'enseignement sup&
rieur. L'epseignement prescolaire etait pratiquement
inexistant. Le jeune rural ne pouvait frequenter l'ecole
qiie pendant quatre annees. Apres, il avait le temps de
tout oublier. L'enseignement n'etait pas gratuit. Ii n'y
avait presque pas d'enseignement professionnel. Dans
la Pologne de 1939, II y avait quatre millions d'illettres
totaux. Pour ce qui est des demi-illettres !...
? Pendant l'occupation, ii n'y eut officiellement plus
d'ecole. En Silesie, en Porneranie, en Posnanie, les Polo-
nais ne furent plus consideres que comme des esclaves ;
Us furent prives de toute vie intellectuelle ; us n'eurent
merne plus le droit de parler leur langue matemelle.
Dans la partie de la Pologne qui s'appela le Gouveme-
ment general, seules demeurerent les ecoles primaires
avec des programmes fort reduits. Les matieres ensei-
gnees etaient la langue polonaise et le calcul. L'histoire,
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222
LA POLOGNE
la geographic, la litterature etaient interdites. Comme
s'organisa tout de suite la lutte armee contre l'occupant,
sur le plan cultural se moats tout de suite tin enseigne-
ment clandestin. Chaque canton avait sa commission
d'enseignement. Les ecalts primaires compterent
1.600.000 'Neves, les ecoles secondaires 6o.000, l'Uni-
versite 6.000. On faisait classc dans les caves, dans les
granges. Si l'on etait pris, maitre ou eleve, c'etait la
deportation ou la fusillade. Ainsi perirent 40 pour cent
des professeurs de l'enseignement superieur, 30 pour
cent des professeurs de l'enscignement secondaire. 25
pour cent d'instituteurs. Le 22 juillet 1944, le manifeste
de Chelm proclarnait que dans la Pologne nouvelle la
culture serait la chose de tous. Aujourd'hui, dans la
Pologne de 1950, la culture est la chose de tous.
Excusez cc rappel historique. 11 n'a ete fait que
pour vous faire entendre que, dans cc domaine de recole
coname dans le domaihe de l'agriculture ou le domaine
industriel, notre Etat de democratic populaire est parti
de zero. Et ajoutez a cc triste heritage les destructions
8.000 bittirnents d'ecole completement detruits, 6.000
exigeant des reparations a. 50 pour cent, aucun equipe-
ment scolaire, aucun materiel. Et cette angoissante ques-
tion des manuels : ii n'y en avait plus un soul.
?.La reforme s'est faite sur les principes suivants :
obligation, gratuite, ecole unique, laicite, democrati-
sation. je precise que l'enseignement religieux est devenu
facultatif et que le clerge possede toujours ses ecoles...
Nos methodes ? Nous preferons d'abord construire des
&Wes, des laboratoires, des bibliotheques. Il est des
pays oh l'on est tres fort sur les methodes pedagogiques
mais oh les &Gies tombent en ruines... Sachez que depuis
la liberation, nous avow edite 73 millions de manuels
scolaires. Sachez que le budget de notre ministere de
l'Education nationale intervient pour 31 pour cent dans
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SOPOT
223
le budget general. Nous formons des maitres, nous cons-
truisons des ecoles, nous editons toujours plus de livres.
.L'enseignement professionnel a tous les degres et de
tout type se developpe largement. Dans les &cies secon-
daires et dans l'enseignement superieur, on constate une
amelioration constante dans la composition sociale des
&eves. Ainsi, a la rentree prochaine, nos universites
compteront pres de 6o pour cent d'eleves d'origine
ouvriere ou paysanne.
Je demande a Kowalski :
-- Tout va done tres bien du cote de l'Education
na,tionale ?
Ne plaisantez pas, m'est-il repondu. Comment
tout bien apres ce que je vous ai dit de notre
heritage? II faut ameliorer les programmes et les
manUels scolaires, en extirper les deviations nationa-
Estes, Nos programmes d'histoire, par exemple, ne tont
pa ? assez ressortir les traditions de lutte commune au
cows des si?e du courant democratique polonais et du
courant russe contre l'oppression tsariste. Nous devons
balayer les survivances de l'eclectisme et de l'opportu-
nistne et en finir, dans nos ecoles normales, avec la peda-
gogie idealiste et une psychologie surannee. Nous devons
? impregner tout notre enseignement de la conception du
rilarxisme-leninisme. Nous devons introduire dans tout
notre enseignement ces disciplines techniques necessitees
par notre revolution industrielle et le rajeunissement de
notre agriculture. Il y a necessite, entre autres choses,
do developper tres vite le reseau de nos &cies a la cam-
pagne. Ii faut introduire dans le personnel enseignant
le maximum d'elements ouvriers et paysans, nous debar-
rasser des elements hostiles et nuisibles. Toute noire
Consideration va aux vieux specialistes experimentes qui
rernplissent loyalement et consciencieusement leur fiche.
Et, comme disait Lenine, nous voulons ? faire a. l'ins-
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224 LA POLOGNE
lituteur de chez nous uric situation comme n'en a
. .
jamas cue, n'en a pas et no pout en avoir dans la
soeitte bourgeoise ?. Rien ne se fait en un jour. Mats
nous avons fait beaucoup en cinq ans. 14.os realisations
inalgre bien des imperfections temoignent de notre
volonte de donner aux masses laborieuses toute la cul-
ture a laquelle des ont droit.
Le sort dos e'crivains et des artistes.
L y a, au Grand Hotel de Sopot, un certain nombre
d'ec.rivains polonais et de journalistes. Je trouve l?
motif a constatis uric lois de plus combien est peu fondee
la calomnie qui voudrait faire croire que dans les
democraties populair' es, s'il y a reconstruction mate-
rielle, l'homrne no serait quo le dernier des soucis de
ces democraties. Et si, en France, nous nous regardions
dAns une glace? Chez nous, vraiment, a-t-on le
souci de l'homme puisque voici des etres humains loges
dans des caves, des enfants sans &ales, des etudiants
sans ressources et un budget de l'Education nationale
qui s'amenuise de plus en plus chaque armee?
Dans la Pologne d'aujourd'hui, les intellectuels peu-
vent vivre Wen. Les ecrivains, les artistes, les journa-
listes, semblent etre les enfants gates du regime. Eux
aussi ont leurs chateaux comme celui de Nieborow. Eux
aussi vont clans les villes d'eaux, a la mer, a la mon-
tagne. Tout souci materiel est ecarte de leur vie. ils
gagnent meme beaucoup d'argent. Chaque armee sont
distribues des prix tres importants quant a leur signi-
fication et it leur nombre de zlotys. Si dans notre athe-
nienne democratic francaise, on parle beaucoup des
? valeurs spirituelles on s'offre encore le ridicule
odieux de decerner des prix litaraires de 50.000, de
5.000 ou memo de z.c000 francs. Dans la ? barbare ? Polo-
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SOPOT
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gne populaire, le premier prix en 1950 etait de l'ordre
de un million de zlotys. Qui dira mieux ? Et oil l'esprit
est-il mieux defendu qu'en Pologne, mieux defendu que
tans les democraties populaires et qu'en U.R.S.S. ? Pre-
mier prix de litterature, premier prix des arts plastiques,
premier prix de musique. premier prix d'art dramatique,
premier prix du cinema, premier prix d'architecture :
tinrptllion partout ! Et ii y a des seconds et des troisiemes
prix. Les ecrivains vivent bien en Pologne et ils jouis-
sent de la consideration de toute la nation.
On a fort peu dit en France cc que la democratic
populaire polonaise a fait pour la celebration de Chopin.
.Du rnardi 22 fevrier, date de l'ouverture de Patin& Cho-
pin, a la fin de decembre 1949, des manifestations se
sont succedees sur l'ensemble du territoire, a la ville
et a la, campagne. Il a ete presente une ? edition vivante,
des ceuvres de Chopin ?. Les meilleurs artistes ont
apporte aux travailleurs et jusque dans les usines cette
musique de Chopin que la bourgeoisie decadente a
Stilthistiquee et qui est une musique pattiotique, toute
faite de relan des masses vers leur independance.
Les ceuvres completes du grand compositeur oat ete
publiees par les soins de l'Institut Frederic Chopin de
Varsovie. La preparation de _cette publication avait ete
l'un des derniers travaux du maitre Paderewski. L'edition
comprend vingt-six grands cahiers. Les commentaires
sont en quatre langues (polonais, francais, russe et
atglais). Par ailleurs, auront ete publies des analyses
et des commentaires des ceuvres en quatre volumes et
tine nouvelle edition des lettres. Des concours de compo-
Sition de recits, d'affiches, furent institues sur le plan
national Ii y cut sur le plan international un concours
d'interpretation qui se deroula en octobre 1949 a Var-
Sovie et dont le jury etait compose des artistes les plus
erninents du monde. La France etait represent& par Mar-
guerite Long et Lazare-Levy. J'entends encore Margue-
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226 LA POLOGNE
rite Long declarer dans une conference de presse donnee
a Paris a son retour de Vaxsovie :
1.1n prix de on million, je dis bien un million L..
J'ai Ate recue la-bas comme une souveraine...
Et il faudrait pent-etre parler ici de ce gull est con-
venu d'appeler la production litteraire et artistique. Je
dirai seulement gull est regrettable que de plus nota-
bles traductions et plus reguliexes ne nous permettent
pas en France de suivre de plus pres les choses de la
litter-attire et de. Fart en Pologne. Dans ces domaines
oil les choses vont moms vite il est inte-
ressant d'assister a certaines evolutions, a certaines
ruptures meme, et de voir comment se forme le nouveau.
Du peu que je sais, ii ne me sernble pas que de grandes
ceuvres se soient degagees a. cc jour. J'ai eu d'autre part
l'impression, a causer avec les tins et les autres, qu'ecri-
vains et artistes ont leur pensee toumee vers les annees
noires de l'occupation : ii y aurait chez eux comme one
obsession, et qui empecherait qu'eclate en eux et dans
leurs ceuvres l'enthousiasme que provoque en chacun
de nous le reconstruction, Alors que tout autour d'eux
est effort, exaltation, victoire? comment se fait-il que cela
ne se retrouve pas encore dans leurs ceuvres ? Les grands
sujets ne manquent pas. 11 n'est phis necessaire de for-
mer des mythes, de repeter les iliades et les odyssees et
les chansons de Roland. Il ne s'agit guere &Imaginer
quelque Saint-Graal et de jeter les hornmes chevaliers
vers une quete derisoire. La matiere est la : l'histoire de
la rue, on de l'eglise, on de l'usine reconstruites, l'his-
toire de Nowa-Huta, l'histoire du paysan hier charretier
et aujourd'hui directeur d'une ferme d'Etat, l'histoire
des hommes qui changent. En Pologne, les choses sont
aussi concretes que dans one exposition. Tout se fait sous
les yeux des hommes et les yeux voient le neuf sortir
triomphant de l'ancien. Je sais que d? il est des
ecrivains et des artistes qui s'essaient a. saisir cette
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nouvelle realite. On leur reprochera un certain sim-
plisme et l'on aura tort ; ii s'agit la d'une simplification
necessaire et qui est toujours avant-couriere des emou-
vantes et des puissantes syntheses. (En France aussi,
nous devrions reflechir a cela). Je suis tranquille : la
Pologne aura la litterature de sa reconstruction. Je
suis stir, pour ma part, et c' est une sensation physique
que j'en aL que dej?ans l'intime tissu des batisseurs
s'elaborent les exaltantes creations de l'esprit. Ii y aura
eu d'abord la arise en oeuvre de la brique, de l'acier et
du ciment. Mais l'homme chante d? dans la maison
faite pour lui et pour sa. joie. Les ecrivains et les artistes
surgiront. Pour ceux qui sont deja ii n'est qu'une
verite faut prendre part active a la lutte des peuples
pour la paix et la democratic populaire ; il faut montrer
l'?n de redification socialiste, l'homme nouveau dont
les difficult& et les victoires sont des victoires de la
classe ouvriere, du Parti ouvrier unifie, du peuple tout
entier ;11 faut mener la lutte contre le formalisme contre
le cosmopolitisme ; ii faut s'appuyer sur les traditions
progressistes du passe ; ii faut aller chercher ses lecons
panni les ecrivains et les artistes de l'Union sovietique.
Si l'on se refuse a cela ou a une partie de cela, on pourra
peut-etre demeurer un honnete homme ; on sera sere-
ment un ecrivairi ou un artiste &passe.
L'Union de la Jeunesse polonaise
Nous allons essayer de descendre au plus profond de
la campagne polonaise, oil les choses sont les plus
difficiles, o?es forces du passe sont diablement vivaces,
oil les transformations qualitatives plus tenues se voient
cependant plus facilemen1 que dans la mine et a l'usine.
Mais je voudrais parler d'abord de ceux qu'on voit par-
tout en Pologne, des jeunes.
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228 LA POLOGNE
je les ai vus partout : a. Nowa-Huta et dans les
champs, dans les mines et les ports et anssi dans leurs
maisons de repos, on se livrant aux plaisirs du camping.
je me contenterai de dormer ici, sans faire de pittores-
que, l'essentiel de ce quo m'a appris sur l'organisa.tion de
la jeunesse polonaise un garcon blond. plein de sante,
qui assume les fonctions de redacteur en chef de l'Eten-
dard des jeunes, le jeune LudItievdcz.
11 y a en Pologne une Union de la jeunesse polonaise.
En 1948, ii existait encore quatre organisations : le
Z.W.M., de la tendance de l'ancien P.P.R. (Parti ouvrier
polonais), l'O.M.T.U.R., de la tendance de l'ancien
P.P.S. (Parti socialiste polonais), le Z.14f.W.I.C.I., de
la tendance paysanne et radicale, et enfin le Z.M.D.,
de tendance bourgeoise et petite-bourgeoise et legere-
runt ouvriere.
Le 22 juillet 1948, A Wroclaw, cut lieu le congres
d'unification. Des representants des quatre associations
furent places a. la direction de l'Union. Aujourd'hui, en
Pologne, la jeunesse a trouve le chemin du socialisme.
L'Etendard des jeunes, un quotidien, tirait en aoflt
agso a 500.000 exemplaires. 11 possedait alms quarante-
deux redacteurs. 11 a un reseau de correspondants dans
toute la Pologne. Les abonnements couvrcnt 8o pour
cent du tirage.
On est optimiste en Pologne : Ludkiewicz me disait en
aottt agso :
? En decembre, l'Etendard des jeunes tirera a un
million d'exemplaires.
Et cola est tine realite en 1951.
Est-ce a dire que pour la jeunesse de Pologne tout soit
devenu facile? Non. L'ennemi est l?ui la guette et
qui essaie de la circonvenir. Certains pretres reaction-
flakes
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a,busent de l'habit ecclesiastique et mettent a
profit les cours religieux ou la predication pour
saper le pouvoir du peuple.
D'autres se livrent un travail d'antipropagande plus
marque
? l'occasion d'exercices religieux tels que les
retraites et les pardons, les repetitions des cho-
rales et les reunions des Enfants de Marie ou
du Rosaire.
? Des jeunes qui ont aid6 au partage des terres ont ete
sauvagement assassines, tel Jeannot Stachowiak, jeune
homme de 17 ans, dont le cadavre a ete trouve en 1947
clans la crypte d'une eglise de Poznan : Jeannot Sta-
chowiak avait eu la tote fracassee et les bras casses ; tels
sept jeunes de Rozkopczyc (voievodie de Lublin)
kssassines alors qu'ils reniraient chez eux apres la mani-
festation du ier mai -1947. Tout cela veut dire quo tous
les efforts doivent Ore faits et avec tous pour assurer
la paix, pour reconstruke la Pologne, mais ne
faut pas cesser de lutter contre l'ennemi de classe.
La jeunesse polonaise se bat pour son bonheur. Ses
responsahilites sont grandes. Ii lui faut construire et
? preserver l'acquis. II lui faut porter a bout de bras le
pays vers le socialisme. Elle a des ennemis, avoues ou
, caches. Elle le sait. Elle saura, en debarrasser sa route.
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QUATRIEME PARTIE
CAMPAGNES
NOUVELLES
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(HAPITR.E PREMIER
LA TERRE A CEUX
QUI LA CULTIVENT
La terre avant la reforme.
LE probleme de la terre a joue un grand role dans I'his-
toire de la Pologne au cours de ces deux derniers
siecIes. La solution heureuse n'est intervenue qu'avec
l'avenement de la, democratic populaire.
Avant les partages, c'est-?ire jusqu', la fin du
xviir si?e, l'esclavage o?taient tenus les paysans
etait la cause majeure de la faiblesse du pays.
Durant les partages, les Etats spoliateurs eurent l'habi-
lete de dresser contre les soulevements successifs des
patriotes les masses paysannes. C'est ainsi qu'en 1846,
l'Aurtiche eut raison du soulevement patriotique de Gall-
de en faisant appel aux paysans et en leur faisant croire
que la renaissance de la Pologne signifierait pour eux
un esclava.ge plus rigoureux et une misere accrue.
Il est de fait que memo tout au long du xix? slecle
et, peut-on dire, jusqu'a, 1920, la noblesse et la grande
bourgeoisie bancaire no renoncerent jamais a l'exploi-
tation des paysans. Elle, ne comprirent pas, aveuglees
par leurs prejuges et tout h. leur esprit de lucre, que la
liberation du pays no pourrait se faire qu'avec radhesion
et la participation de la paysannerie. Ii eut fallu com-
mencer par liberer celle ci, par l'interesser directement
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234 LA POLOGNE
aux questions d'independance nationale; it et fallu
commencer par lui faire u ressentir la patrie ?.
La verite d'evidence etait la suivante ii n'y attrait
de resurrection de la Pologne et d'independance polo-
naise quo si une solution etait apportee a la question
paysanne. De solution, il n'y en avait qu'une : donner
la terre aux paysans qui la caltivent et leur donner en
memo temps les moyens de la bien cultiver.
Les dirigeants polonais de 1919 a 1939 .ne mirent quo
mauvaise volonte a. resoudre les grands problemes inte-
rieurs dans le sens de la justice et de l'interet national.
Ces dirigeants etaient surtout les representants des gros
proprietaires fanciers. De memo gulls livrerent l'indus-
trie polonaise aux capitaux etrangers, us ne voulurent
pas donner au probleme de la terre la seule solution
qui s'imposat. Si sous pretexte de reforme agraire us
prirent quelques decisions. cc no fut ou'au profit des
gros possedants.
C'est ainsi qu'en 1939 tout etait encore a faire sur
le plan agricole.
Qu'on en juge :
15.000 proprietaires detenaient 43 pour cent des
terres ambles et 50 pour cent des forests Tel prince
Radziwill possedait jusqu'a 170.000 hectares a Jul tout
seul. Beaucoup de ces terres restaient en friche.
En face de ces grog possedants, ii y avait la grande
masse des paysans vivant difficilement sur des proprietes
de 2 a 5 hectares. Et 1 y avait ceux qui ne possedaient
rien : ouvriers agricoles, joumaliers, domestiques, petits
artisans : un proletariat rural de 6 millions de personnes,
soit 23 pour cent de la population agricole.
Le sutpeuplement rural etait l'un des traits les plus
ca.racteristiques de l'agriculture polonaise, 'Industria-
lisation insuffisante du pays no permettant pas aux villes
de resorber l'excedent de population agricolc.
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LA TERRE A cEqx QUI LA CULTIVENT 235
II se trouvait que les campagnes, pauvres, ne pouvaient
se procurer les produits industriels indispensables a la
vie et a la culture.
Il se trouvait que les eampagnes ne disposaient que
d'un appareillage derisoire. On n'usait que de tres peu
d engrais chimiques ; la base des fumures etait eons-
tituee par les engrais natureIs. Les rendements a l'hectare
ne pouvaient etre que tres bibles ; ainsi, par exemple,
alors qu'en Pologne on ne produisait que 114 quintaux
de pommes de terre a l'hectare, l'Allemagne en produi-
salt 155 et la Belgique 218.
E se trouvait que l'industrie agricole etait embryon-
iiaire qu il s'agit de l'industrie de la viande ou de l'in-
dustrie laitiere.
Le mouvement cooperatif aurait Pu aider la paysan-
nesie polonaise a mieux vivre, mais il etait vite devenu
en Pologne l'instrument de l'exploitation de la campagne
par le capital financier. Il n'etait plus qu'un moyen
nouveau d'exploiter le paysan pauvre, de le chasser du
marche et, souvent meme, de l'acculer a la ruine. Les
petits cultivateurs etaient toils endettes ; leur travail ne
les aidait en rien a. se debarrasser de leurs dettes ; us
9 agaient vers la ruine avec une certitude mathematique.
Tel qui possedait 30 arpents de terre en 1918 n'en posse-
dait plus que 18 huit ans apres. La ca.mpagne polonaise
vegetait, mourait.
La rnisere etait donc souveraine en Pologne. 11 se
consommait, par tete ci habitant ii kilos de sucre par
an, contre 26 kilos en France; 200 grammes' de caf?
contre 4 kilos en France; 1/4 de litre de yin contre
152 litres en France ; 19 kilos de viande contre 52 en
Allemagne et 48 en Suisse ; 230 litres de produits
laitiers contre 370 en Allemagne et 510 en Suisse.
Par contre, il se consornmait en Pologne 156 kilos
de seigle par tete d'habitant contre 74 kilos en Alle-
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236 LA POLOGNE
magne et /35 en Suisse; 325 kilos de pommes de terre
en Pologne, contre Igo en Allemagne et go en Suisse Un
Francais usait annuellernent de 2.133 kilos de chatbon,
un Polonais de 866 kilos. Un Francais usait annuel-
lement de 7 kilos soo de coton, un Polonais de 2 kilos.
je me reporte a ce roman de Reymont, les Paysans,
vers lequei ii faut alter pour juger sainement des choses
de la terre polonaise. je us:
, On etouffe a l'etroit comme dans une senne;
le ch?au est partout ; de taus cbtes, il press?
Ic village et l'etouffe comme avec des mum.
Veux-tu faire paitre ta vache derriere le village?
AussitOt tu to trouvcs sur le pre du chateau.
Veux-tu lacher ton cheval ? L'avoine du cha-
teau est droit derriere la borne. Tu n'es seule-
ment pas fichu de lancer une pierre sans qu'elle
tombe sur la terre du ch?au et, tout de suite,
La main au collet, tout de suite en justice, tout
de suite a l'arnende.
A la fin de l'hiver
chez plus d'im le fourrage etait epuise et c'etait
in famine a l'etable ; ailleurs, c'etaient les
pommes de terre qui etaient gelees, on hien les
maladies faisaient lent nid dans les chaumieres
et beaucoup allaient souffrir de la disette avant
la recolte prochaine.
Dans plus d'unc chaumiere, dep., on no pre-
parait de repas chaud qu'une fots par jour et
le sel etait le seul assalsonnetnent ; alors, les
gens allaient de plus en plus souvent chez le
meunier prendre un boisseau, a charge de le
payer en sanglantes journees de travail, ("sr il
etait un fameux ecorcheur Personne n'avait
un gross vaillant, ni quoi quo cc soit a mener
vendre a, la. vine.
Chez Florka, la misere montre ses crocs, c'est
plein de marmaille ; Florka est malade, pas un
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LA TERRE A CEUX QUI LA CULTIVENT 237
grosz en reserve et personne pour alder. On
ne peut pourtant pas manger de la terre ; elle
a accouche d'un gamin sain comme un caillou,
si seulement elle peut l'elever... car Florka est
maigre comme un copeau et elle n'a pas une
goutte de lait dans les seins, sans compter que
la vache vient de veer.
Reymont nous dit aussi quel etait l'habitat du paysan
pativre :
Ca une maison I On aurait mieux vecu dans
l'etable ; ca n'etait qu'un toit a cochons, torn-
bant en mines, mais pas une maison I Un tas
de solives pourries, de fumier et d'ordures
puantes. Pas merrie une planche par terre, juste
l'argile battue et encore, pleine de trous, de
boue gel& et de balayures pietinees. Que la
cheminee &gage un peu de chaleur et, aussitOt,
ca tapait pis qu'un tas de fumier et, autour
de co marecage, se dressaient des murs tout
dejetes et moisis, le long desquels l'humidite
suintait et dont les angles se revetaient de
bathes de gel& ; des murs perces de trous bou-
ches avec de l'argile ou meme, par endroits,
d'un melange de paille et de fumier et, par
la-dessus, un plafond bas comme un vieux
tamis dechire ou ii y avait plus de paille tendue
de toiles d'araignees que de charpente.
Les paysans polonais essayaient de fuir cette misere.
La vine ne pouvait les recevoir. Es s'exilaient en masse.
Ceux qui restaient n'en vivaient pas mieux. La misere
continuait a les ronger jusqu'a la moelle des os.
Et puis, ii y a en la guerre de 1939-1945. Ont ete
detruites entre autres : 353.000 fermes, 968.000 loge-
merits campagnards, 12 millions de tetes de cheptel,
savoir : I.900.0oo chevaux, 3.900.000 bovins, 755.000
ovins, 5 millions de porcins.
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238 LA POLOGNE
L'heritage etait lourd pour la democratic popuiaire
polonaise et le probleme difficile a resoudre.
Aujourd'hui, la paysannerie polonaise connalt l'ai-
sa.nce et volt poindre lc bonheur.
La refonne agraire.
LA voiture filait bon train sur tine route large, macada-
misee, bordee d'arbres. Nous anions a Miedzeszyn,
oil se trouve un centre de perfectionnement pour les
responsables de l'tJnion des Cooperatives.
Chemin faisant, mon ami Alexandre Baler me disait
gros traits les avatars de l'agriculture polonaise et les
malheurs de la condition paysanne de son pays, chose
quo j'ai essaye de resumer ci-dessus.
Bien des questions me venaicnt a l'esprit. je finis par
les poser.
En fin de compte, que hut-il entendre par reforme
agraire ? La terre a ceux qui la cultivent ? Bien. Mais
ce n'est la qu'une formule. J'imagine que cola suppose
des d4tai1s, des nuances, et que cette reforme s'est
faite en Pologne avec ses caracteres particuliers, qu'elle
a tenu compte de certaines conditions de caractere local,
national, et qu'elle a des aspects qui la differencient
dans son application de cc qui a Pu se passer dans
d'autres demecraties populaires.
? C'est juste 11 &Tait fou de vouloir appliquer
tous les pays la meme reforme, selon les memos regles
ou les memos rnodalites, et cependant le but a. atteindre
est partout le meme : l'emancipation economique et
sociale des masses paysannes et l'etablissement de rap-
ports fratemels entre la campagne et la 'ale.
? Chez nous, la promesse est contenue dans le mani-
feste de Chelm, et qui est, tu le sais, du 22 juillet 1944.
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LA TERRE A CEUX QUI LA CULT? VENT
239
? Le 6 septembre 1944 et le 17 janvier 1945, deux
decrets decidaient :
10 de la creation de nouvelles exploitations agricoles
autonomes pour les paysans sans terre, les ouvriers, les
travailleurs agricoles, ou les petits preneurs de tetres
bail ;
2? de l'amenagement de 1' exploitation de tres petites,
petites et moyennes cultures dej?xistantes, et enfin
?de les rendre viables ;
3? de l'amenagement des exploitations moyennes
occupees par les fa.milles nombreuses.
Un loi d'avril 1946 complete les deux clarets de 1944
et de 1945 et etablit une procedure plus rapide et
plus simple pour le partage en meme temps qu'elle
apporte de tres humaines precisions sur les dedomma-
gements.
Quelles terres ont ete reparties ?
? D'abord des proprietes appartenant a des parti-
cullers ayant subi une condamnation definitive pour
trahison, desertion, insoumission, collaboration avec
1' occupant, et autres delfts ou crimes relevant de la loi
sur la protection de l'Etat.
? En deuxieme lieu, des proprietes ayant appartenu
aux ressortissants du Reich allemand non polonais. et
aux citoyens polonais de nationalite allemande.
? En troisi4me lieu, des proprietes ou co-proprietes
de personnes morales ou physiques lorsque leur surface
globale depassait soit Ioo hectares de superficie pour
l'ensemble, soit 50 hectares en terre cultivable. si ces
proprietes se trouvaient sur des territoires des voievodies
de Poznan, de Pomeranie et de Silesie. Ont ? reparties
aussi les proprietes depassant Ioo hectares pour l'en-
s,enable, sans qu'il soit tenu compte de l'etendue des
tares cultivables.
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LA POLOGNE
n Ainsi les traitres, les collabora.teurs les hobereaux
et les princes, oat fait les frais de la reforme.
- Mais, quel sort a ete reserve aux anciens proprie-
taires ?
? Les traitres et les collaborateurs ne pouvaient pre-
tendre a aucune inclemnisation. Les autres proprietaires
oat eu a choisir entre une attribution de terres dans
Los limites prevues pour tous par la loi, et une compen-
sation sous forme de relate viagere equivalant au trai-
tomcat d'un fonctionnaire moyen. Si les anciens pro-
prietaires se sont bien comportes dans noire lutte contre
renvahisseur hillerien, its recoivent une indemnite plus
elevee.
? Daus les territoires de l'ancienne Pologne, fin 1949,
pres de 1.500.000 hectares avaient ete distribues a plus
de 300.000 families. Ii resterait a repartir les exploi-
tations abandonnecs par les paysans ukrainiens et
blanes-russiens rapatries en U.R.S.S., et les 95.000
exploitations ex-allemandes situees sur l'ancien terri-
toire de l'Etat polonais.
n Le gros morceau ?est trouve dans les territoires
recouvres, repris a l'Allemagne en vertu des accords
de Potsdam : ii y a cu l?uelque 9 millions d'hec-
tares, dont I.7oo.000 de forets. LA, les anciennes pro-
phet& de plus de roo hectares comptaient dans la pro-
portion de 46 pour cent du total, cellos de 2o a ion hec-
tares dans la proportion de 26 pour cent, cellos de moms
de 5 hectares dans la proportion de 5 pour cent. C'etait
hien le pays des hobereaux prussiens. Toutes ces terres,
en effet, appartenaient a des ressortissants allemands.
Le partage a permis, entre autres, de faire eciater la
base meme du prussianisme, on ne pensera jamais assez
cela.
? Ont beneficie dc la reforme pies de 5.000.000 de
personnes qui, bier encore ouvriers agricoles, petits pay-
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LA TERRE A CEUX QUI LA CULTIVENT
241
sans endettes et peu sars de l'avenir, sont maintenant
independants et libres.
? La moyenne des nouvelles proprietes ? mais
ii
n'y a eu la rien de systematique atteint cinq hec-
tares de terrains de qualite convenable, et deux hec-
tares quand ii s'agit d'exploitations maraicheres.
n La surface accordee a chacun depend naturellement
de la qualite des sols : les anciens combattants, soldats
reguliers ou sans uniforme, les families des victim& de
la guerre, jouissent d'un droit de priorite a regard des
autres beneficiaires. A signaler que les citoyens polonais
se trouvant a l'etranger pour des raisons ne dependant
pas de leur volonte conservent leurs droits ; ils pourront
beneficier de la distribution des qu'ils rentreront en
Pologne.
-- Les beneficiaires de la reforme out-us eu quelque
chose a payer?
proprietes, outillage agricole, betail, sont
evalues a la valeur de la recolte moyenne annuelle du
terrain donne. La recolte moyenne annuelle d'une terre
de troisieme dasse est evaluee a 15 quintaux metriques
de seigle sur le marche libre. Il est fait des facilites de
paiement. Des versements peuvent s'echelonner sur dix
ans et merne sur vingt ans lorsqu'il s'agit de paysans qui
ne possedaient pas de terre auparavant. Le premier ver-
sement, de l'ordre de io pour cent du prix d'achat,
pent, dans certains cas, etre ajourne a trois ans Les
paiements sont faits a une espece d'office que nous
appelons le Fonds national agricole.
Qu'est-ce que c'est au juste ?
C' est l'organisine qui a eu a prendre en charge
toutes les terres confisquees et expropriees, avec leur
outillage, leurs machines agricoles, leur cheptel, leurs
animaux de basse-cour. Ii redistribue tout cela, ii equipe
les fermes nouvellement creees et il administre les entre-
prises a gricoles, sucreries, fromageries, minoteries, lai-
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LA POLOGNE
teries..., que l'Etat a pris sous son controle en vertu
memo de la refornae agraire.
? C'est ce meme fonds qui encaisse et ere les somrnes
versees-par les beneficiaires de la distribution. C'est lui
qui sert leur indemnite aux anciens proprietaires II
pout accorder des prets et realiser des investissements.
A preciser cependant que la repartition des terres se
fait avec la participation des paysans eux-memes ras-
sembles dans des commissions communales dites de la
*forme agraire et du partage des terres.
"? Ce sont les paysans qui ont eu a dresser et qui
dressent encore la liste des ayants droit et qui sont
intervenus ou interviennent dans le partage du cheptel
vu f ou mart.
? Mai% de quel genre de proprietes s'agit-il pour le
paysan qui participe au partage? Est-il vraiment pro-
prietaire au sens ou nous entendons ce mot en France?
S'il no s'agissait que du sens que le mot a en
France n'y aurait eu qu'une reforme agraire illusoire,
formelle, situ preferes. Chez nous maintenant le paysan
prend possession de ses terres des qu'elles sont deli-
mitees, et il touche en meme temps un titre de proprieto
en bonne et due forme. II recoit des terres libres de
toute dette et de toute hypotheque. 11 est proprietaire
titre individuel, mais sa propriete n'est pas absolue, elle
est lirnitee : son exploitation, en effet, tie peut etre en
principe ni rnorcelee, ni vendue, ni affermee, ni hypo-
thequee. Le paysan raisonne et il misonne juste: ii salt
qu'avec le regime de la propriete absolue, ii suffisait de
quelques mauvaises r?ltes, d'accident de personne ou
de sinistre, de la paresse ou de la legerete d'un membre
de la famine, pour que celle-ci per& tout et retombat
au metaya.ge et au salariat. Le paysan salt que les
families vraitnent teanquilles et aisees sant cellos qui
possedent, libre de toute hypotheque, la terre qu'elles
peuvent travailler sans faire appel a la main-d'oeuvre
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LA TERRE A CEUX QUI LA CULTIVENT 243
salariee. Ce nouveau genre de propriete fait les exploi-
tations saines et solides. II procure aux paysans polo-
nais tous les avantages de la propriete absolue et en
suppnmp tous les inconvenient's.
' ? Voila. Mais dis-toi bien que distribuer la terre
suffit pas. Si tu a.vais abandonne le nouveau proprie-
taire sur ses cinq hectares et dans ses tatiments souvent
en mines, sans gros outillage, sans chevaux, sans
engrais, sans aide et sans conseils, ii aurait continue a
croupir dans sa misere seculaire. Distribuer, c'est facile.
Etre proprietaire ne suffit pas : encore faut ii que la
terre puisse etre cultivee et qu'elle rapporte. C'est
cette condition que le paysan verra son sort ameliore et
que le pays tout entier s'en portera mieux.
? Et alors, comment avez-vous fait ?
-- Voila : l'Etat, d'abord, a accorde des credits en
argent, en nature, bois, ciment, verre, etc... Il a fait
parvenir des produits industriels, charrues, engrais,
briques, charbon, lainages, cotonnades, bonneteries ;
la campagne regoit 70 pour cent des textiles destines a
la vente libre, 8o pour cent des spiritueux, 50 pour cent
du tabac, 8o pour cent des allumettes. C'est l'organi-
sation syndicale agricole, appelee l'Entr'aide paysanne,
qui etablit la liste des ayants droit aux credits.
? Un gros effort a ete fait pour la reconstitution du
cheptel. Je t'indique que, des 1945, la Pologne a regu
150.000 fetes de beta de l'annee sovietique.
? Autre chose: il nous faut beaucoup de machines
agricoles. Nous en achetons. Nous commengons a en
fabriquer nous-mernes. JI nous faut aussi electrifier les
campa.gnes : a l'heure actuelle, nous electrifions plus
de I.Q00 villages par an. Avant la guerre, la moyerine
annuelle &aft, tiens-toi Hen, de vingt-deux. En 1955, a.
la fin du plan de six ans, 8.900 villages nouveaux auront
ete electrifies.
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244 LA POLOGNE
Et puis, ii faudrait te parlor de la lutte contre
l'analphabetisme et aussi de l'education agricole en
general qui se fait surtout par le moyen des corps
specialises, c'est sr, mais dans le concret et par l'exem-
pie; par le moyen des fennes dites d'Etat car l'Eta.t,
lorsqu'il a partage les tortes, s'est reserve un certain
nombre de grands domaines exploite lui-meme :
to Visiteras des ferules d'Etat.
? Enfin, ii faudrait te signaler rexistence de l'Union
centrale des cooperatives qui se double d'une Banque
&economic cooperative.
A quoi sort pratiquement l'Union centrale des coo-
peratives? Elle fournit aux paysans les machines agri-
coles, cue livre les engrais chimiques, les materiaux de
construction. Elle apporte a la campagne tous les pro-
duits industriels, articles de menage, vetements, mate-
riels divers. Elle organise la production (dans les fermes
d'Etat, dans les cooperatives dites de production, chez
les proprietaires individuels eux-memes). Elle dingo les
produits vers la vile : elle supprime ainsi les interme-
diaires qui sont la peste des paysans abandonnes a eux-
m6mes. Chez nous, il n'y a plus de commanditaires aux
Halles ; tout le monde s'en porte bien, a commencer
par les paysans qui disposent integralement du produit
de lour travail. Mais nous arrivons.
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? CH4PIT RE Ii
UNE AUTRE GLEBE,
UN AUTRE HOMIVIE
(MIEDZESZYN)
Dirigeants saboteurs et nouveaux responsables.
CsT un village qu'on decouvre 'tout a coup dans la
plaine de Mazovie, non loin des bords de la Vis-
tule. Nous passons le village, nous quittons la
gra.nd'route. Nous voici dans une sorte de dairiere sa-
bleuse. Tout autour, la foret de pins. Sur un cote, un
/ batiment neuf a quatre &ages, blanc, agremente a la
hauteur du premier &age et sur deux cotes d'une gale-
ne converte. Cela fait une belle demeure.
-.J.-. Avant la guerre, me dit Bader, tu ne sais pas ce
que c'etait ? Figure-toi une maison de caractere assez
special. o?es richards de Varsovie venaient en toute
discretion et tranquillite passer du bon temps. Aujour-
d'hui, e est un centre d'etude, de* perfectionnement, si
tu preferes, pour les responsables d' arrondissement du
mouvement cooperatif agricole. Il a fallu nous Maim
des anciens cadres issus des grosses families paysannes,
tous pourris, prevaricateurs, hostiles a la reforme, ne
l'acceptant que du bout des levres, ne demeurant dans
les cadres du mouvement cooperatif que pour tout
saboter, le mouvement et la reforme.
? Comment ils saboiaient ? Lorsqu'ils avaient par
exemple, a distribuer des engrais, ils se servaient
d'abord ; ils servaient leurs amis politiques, les anciens
?proprietaires, ceux qui ont conserve jusqu'a 5o hectares
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246 LA POLOGNE
de terre. Les nouveaux pos.sedants, qu'il s'agissait de
&gaiter d'etre proprietaires, ne recevaient rien on
presque. Es faisaient cela pour les engrais et pour le
reste, les machines, les ustensiles necessaires a la vie.
II y a deux ans cela allait assez mal. Les paysans ont
reagi eux-memes : Us ont chasse par le moyen legal les
vieux cadres et us s'en sont dorm& d'autres, sortis.
ceux-la, du peuple et qui etaient, bier encore, de simples
travailleurs. Ceux-ci sont honntes us ont "'esprit de
classe II leur manque quelque instruction ? Nous y
pensons, la preuve, tu Ta vois. Dans des centres comme
il est dispense a nos nouveaux cadres l'ensei-
gnement theorique et pratique dont ils ont besoin pour
bien accomplir tears irnportantes fonctions.
? fl y a a Miedzeszyn 120 eleves, 120 pensionnaires
hommes et fernrnes. E y a d'ailleurs trop peu de femmes
encore.
? L'age des eleves ? De 25 a 45 et nitrite so ans.
Es sont loges, nourris, blanchis ; Us conservent leur
salaire augrnente d'une prime.
? Le president d'arrondissement s'occupe de toute
la vie agricole de son ressort : de la production, de la
distribution des produits de la vale, des moulins. des
stations de machines.
? Le president s'occupe aussi du ramassage des pro-
.
duits des exploitations et il les dirige vers les cooperatives
de eonsommateurs de la ville 11 contr61e radministra-
tion interieure des cooperatives de production et leur
comptabilite.
Le centre Mietizeszyn.
Nous sommes devant la porte du Centre. Elle s'euvre.
Les i( Cleves ? sortent sur le perron, les uns sou-
riants, les autres graves. TI y en a en effet de tous les
ages. Unc jeune femme m'offre un bouquet aux fleurs
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_ IlitEDZESZYN
247
bleu-blanc-rouge serrees par un ruban aux couleurs polo-
naises. Elle me souhaite la bienvenue. Des qu'elle a ter-
mine, du groupe des &eves part le cri : ? Vive la France!
Vive le peuple francais 1 ?
Emotion bien comprehensible du visiteur.
Bekier me dit, apres que j'ai eu renaercie et crie :
Vive la Pologne I Vive la de'mocratie populaire polo-
naise ! ? : ? Tiens, leve les yeux.
En effet, au-dessus de la porte d' entr? une banderole
rouge est a, qui porte cette inscription en lettres de
carton blanches : ? Vive l'amitie franco-polonaise ?.
Nous visitons la maison. J'enumere au hasard des notes
prises. Grande salle de reunions. Salle de jeu. Fleurs aux
fenkres, sur les tables. Parquet eke. Dortoirs : couvre-
lits a fleurs, rideaux roses avec des fleurs rouges et des
feuilles vertes. Lavabos, eau chaude, eau froide. Quatre
grandes salles d'etude. Corbeilles a papier. Murs points
l'huile, couleur vert d'eau ou jaune clair. Chauffage
central, radiateurs a dix tubulures d'un metre de haut.
Journal mural (consacre a la guerre de Coree). Cham-
bres des professeurs :ii y a des professeurs attaches au
Centre et d'autres qui viennent de Varsovie pour faire
leurs cours et partir apres. La maison est radiophonisee.
Les cours sont enregistres, ainsi les &eves peuvent cons-
tamment se reporter aux lecons de leurs maitres. Les
chambres du personnel sont belles et confortables tout
autant quo les autres; le personnel pout assister aux
cours, me dit-on. Sur les murs des salles de classe, un
rglement d'emulation. On pratique id le travail col-
lectif : groupes d'eleves, diriges chacun par le meilleur
d'entre eux qui fait ainsi fonction de repetiteur.
Je pose la question : ? Combien y a-t-il d'eleves en
tout dans des centres de co genre?
?En 1949, ii y en a eu 47.000. En 1950, nous
avons les 90.000 I Tons nos employes, quelque
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LA POLOCNE
responsabilite ou specialite gulls aient, passent dans
as centres.
uelles sont les matieres d'enseignement ?
--- La comptabilite, l'administration interieure des
cooperatives de production, le commerce, les chan-
gements de structure de la campagne, toutes les ques-
tions males.
Nous descendons au rez-de-chaussee. La cuisine est
dot& de tout l'appareillage mociernc quo l'on petit ima-
giner. La cuisiniere a toque blanche et tablier blanc, les
aides aussi. Les serveuses, jeunes, grandes, blondes, ont
robe noire et tablier blanc.
La refectoire, tress grand, tres clair ; murs points a
l'huile ; du feuillage partout ; partout des fleurs, des
banderoles, des inscriptions, entre autres cellos qui
celebrent l'arnitie polono-sovietique, et celle-ci : ? Les
cadres decident de tout ?. Autour des tables dressees en
fer a cheval, its sent tous la, les pensionnaires de Mieel-
zeszyn. hornrnes et femmes de tous les ages, de tous
visaget, visages de paysannes et de paysans, toujours
pareils, laves par les memes pluies, tannes par les memos
vents,,brunis par les memos soleils, toujours ces mems
rides autour des yeux, toujours les yeux Si clairs. IN me
regardent avec un interet non dissimule.
Biographies parties.
'WRIER se leve. II park de la France, de la dasse on-
11.) vriere francaise, du peuple francais, de nos luttes
pour la Ebert& de la resistance, de nos rumours de
nos dockers, de Frederic et d'Irene joliot-Curie.Ii
termine en invitant 'es grands eleves a prendre la
parole.
Un silence.
Fuis un jeune se 'eve, de basso taille, trapu, robuste,
cheveux blonds et dont les meches indociles taut elks
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IWIEDZESZYN 249
sont epaisses, tirees en arriere, font penser a des gerbes
de ble. line tete aureolee d'epis. Pres de moi, Bachner,
qui est des notres avec l'arni Korngold, de sa bouche
Mon oreille, traduit au fur et a mesure que le paysan
qui s'est leve pane. Je peux ainsi prendre quelques
notes ; je les transcris sans arrangements ni fioritures :
-- Mon pere etait ouvrier saisonnier. Ii avait six
enfants et pas beaucoup de travail : c'etait la misere
toujours. Aujourd'hui, le peuple est le maitre, nous con-
naissons tous l'aisance.
? Gkace au gouvernernent populaire, nos relies de
jeunesse sont devenus des realites. Hier je voulais
&hither et je no le pouvais pas. Aujourd'hui, je peux
apprendre. Je vis comme un homme. Je voudrais que
tous les jeunes du monde soient mis dans les memos
conditions que nous. Je souhaite que la jeunesse frau-
caise, que les jeunes paysans francais, puissent etre aussi
Ars de leur avenir que nous. La jeunesse polonaise no
se sentira pleinement libre que lorsque toutes les jeu-
nesses de la terre seront libres comme nous le sommes
nous-memes.
C'est le tour d'un autre ? &eve ? : trente ans, sec
et mince ; dans le visage grave, on devine qu'il y a eu
beaucoup de souffrance dans cette vie d'homme :
Je suis de la campagne de Czestochowa. Nous
connaissons la France, nous en avons beaucoup entendu
parler ; avant, nos aines partaient chez vous. Aujour-
d'hui, cc n'est plus la meme chose, us reviennent chez
nous : en Pologne, il y a du pain pour tout le
monde. Notre amitie pour les Francais est grande.
Aujourd'hui chez nous, c'est la liberte et le travail ; la
politique de nos gouvernants est juste. Nous, nous
avons mene avant, pendant et apres notre liberation,
notre lutte revolutionnaiiT, chasse les nazis et detruit la
vieille forme de gouvernement qui opprimait notre
patrie. Nous youlons que la paix dure. L'un des resul-
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LA POLOGIVE
tats de notre lutte se volt ici ouvriers at les paysans
out des ecoles coname celle-ci, et souvent plus belles
que celle-ci, La lutte nest pas terminee en Pologne ;
les proprietaires depossedes, nos exploiteurs d'hier, ne
s'estiment pas encore vaincus et us s'occupent a nous
tendre tons les piegcs possibles et a nous goner dans
noire travail de construction.
e suis his d'ouvricr ; nous etions quatre freres,
nous etions souvent chocueurs, nous avions faim ; chez
nous le pain etait ferule au cadenas; ii etait soigneu-
sement coupe en tranches minces; la mere faisait les
choses au mieux pour que chacun ait so part et que
le pain cure le plus longtemps possible. La part de
chacun etait toujours petite, insuffisante. Nous n'allions
pas a l'ecole, nous ne pouvions pas y aller ; notre pere
et notre mere auraient bien voulu nous y envoyer, c'est
Or, mats les conditions de notre vie ne le permettaient
pas. Nous ne pouvions pas apprendre. Deux de mes
freres ? nous nous sorarnes togs battus ? out ete
assassines dans les camps de concentration. Mon pere
a ite tue chez lui. Moi, j ai eta envoye en travail force
en Allemagne. La, j'ai appris beaucoup, mes yeux se
sont ouverts. L'Armee rouge nous a delivres. Au retour,
malgre les deuils, 13 y avait d? dans mon pays beau-
coup d'enthousiasme. Nous avons compris tout de suite
que les choses allaient changer, que chacun aurait droit
au travail, que chacun trouverait du pain, que nous
n'aurions plus faim.
? Le peuple est au pouvorr. Nos gouvemants out
tenu la promesse de la terre que d'autres avaient faite
depths des siecles ; ils nous out donne le pain et aussi
rinstruction. Chaque homme a acces a la technique
modeme, A la culture.
Un troisieme prend la parole. Rien de rude dans
respect, impression de finesse at de timidite, voix posee
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MIEDZESZYN
251
? Je suis fils d'ouvrier. J'ai Re a l'ecole avant la
guerre. mais je n'ai pu terminer MOS etudes ; cela arri-
vait beaucoup alors ; j'etais doue cependant. J'ai cu
un metier : boulanger. Je continuais a apprendre tout
seul. J'aimais beaucoup les arts plastiques, l'archi-
tecture, mais je ne pouvais qu'en rever. Je gagnais
miserablement mon pain. Jusqu'en 1944, travail force
en Allemagne. A la liberation, on m'a confie des taches
difficiles dans le travail social a la campagne. J'ai quatre
enfants, us vont a Fecole ; ils sont bien nourris, bien
habilles ;II y en a un qui a les goats que j'avais lorsque
j'etais jeune ; il est a l'Ecole des Beaux-Arts ; j'en suis
tres content.; cc que le pere n'a Pu faire, le ills le fera.
? Je vous demande de saluer de notre part nos
camarades ouvriers et paysans de France.
Line femme, grand visage oa la rudesse des traits est
aclovie par beaucoup de grace, une belle charpente
de paysanne, la cinquantaine, prend la parole:
Mon pere etait d'origine inconnue ; nous avions
un lopin de terre. Je n'ai pas Pu terminer mon ecole
primaire ; j'ai essaye de suivre les cours du soir, c'etait
difficile. Il fallait tra.vailler beaucoup pour gagner juste
de quoi vivre. Je me suis mariee en 1930. Mon marl
etait membre du Parti communiste ; ii etait souvent
parti. Nous allames a Varsovie. La, j'ai connu des
ouvriers, des intellectuels democrates ; a les entendre
parlor lorsqu'ils venaient chez nous, je m'instruisais ;
c'etait comme si fetais a l'ecole, mais une ecole oa
l'on ne se contentait pas seulement d'apprendre des
reOes de grammaire, des dates d'histoire et la liste des
rois de Pologne. Je decouvrais ainsi beaucoup de choses,
et je donnais mon avis et Von me disait que c'etait
juste. L'occupation est venue ; mon man i a voulu que
je rentre chez mes parents a la campagne ; j'ai fait de
la couture. Je conservais la liaison avec le Parti corn-
muniste. Faiciais comme je pouvais. Je n'ai pas fait
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LA POLOGNE
d'action d'eclat. En octobre 1944, on a organise le
Parti ouvrier dans ma commune ; je me suis fait ins-
crire. Mon man avait elk fusille U y avait une coope-
rative de consommation ; je m'en suis occupe. J'ai
adhere a l'Entr'aide paysanne.
? En 1948, on a reorganise en Pologne tout Ic
systeme cexperatif, cola nous a donne bien du tracas et
beaucoup de travail, mais la reorganisation etait neces-
saire. J'ai fait mon possible pour comprendre et pour
appliquer dans notre coin les nouvelles decisions. Cellos-
ci souhaitees par beaucoup, cela a facilite la
tache. En 1948 toujours, mai qui quatre ans auparavant
savais juste tirer mon aiguille, me voici presidente de
l'organisation de chez mei. Jai eu alors a in'initier aux
questions commerciales ; cola a ete dur, mais cela aussi
c'etait necessaire. 11 y avait a la direction de nos
cooperatives locales une clique d'hommes, restes de
l'ancien regime, qui n'avaient qu'un souci : ramasser
de "'argent et pounir le mouvement cooperatif ou lc
Ozer de maniere A degoftter les paysans d'?e proprie-
tainN. Es servaient d'abord les proprietaires d'hier,
ceux qui ant Pu conserver jusqu'A. 5o hectares de
terns. C'est de ces gens-l?uo j'etais entouree Us
ne reculerent devant aucun moyen pour me decoumger ;
us allerent jusqu'a cotnmettre un vol avec effraction ;
ii fallait me prendre l'argent de la caisse, m'empecher
de faire mes comptes, in'empecher d'etablir le bilan de
leur gestion malhonnete. Nous avions des dettes en
effet, et comment en a,uralt-il etc' autrement, avec les
bandits qui nous avaient precedes ?
? En 1948, nous etions 32 membres dans notre
cooperative ; apres un an de travail, nous avons kte
quarante. J'ai suivi des emirs. J'ai fusionne dans la
notre d'autres organisations agricales ou commerciales.
En 1949. nous avons amine onze personnes, des socia-
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MIEDZESZYN
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listes de droite, ceux-la qui nous avaient cree tant
d'ennuis et qui continuaient a se conduire mal.
,i) Aujourd'hui, je suis a la tete du mouvement coope-,
ratif de notre arrondissement ; nous sommes 7oo coope-
rateurs ; j'ai sous mes ordres 103 employes repartis
dans onze cooperatives communales et 90 succursales ;
j'ai la responsabilite de quatre moulins, d'un certain
nombre d'a.teliers individuels et de deux ateliers collec-
tifs, de quatre boulangeries, de onze centres de machines
agricoles, de quatre stations de tracteurs. En 1949, mon
chiffres d'affaires a atteint un milliard quarante trois
Millions de zlotys. Aujourd'hui nous avons depasse les
rnoyennes prevues. Nous marchons depuis janvier sur
un chiffre d'affaires mensuel de 200 millions de zlotys.
Nos benefices sont de I.300.000 zlotys. La comptabilite
nous donne quelque souci ; elle avait toujours ete mal
tenue ; nous avons a reparer des erreurs et des fautes
anciennes, et il faut que je fasse des efforts pour hien
comprendre la tenue des livres.
Le ble a leve.
C UR les tables du refectoire de Miedzeszyn, 11 y avait
des drapeaux en papier rouge et blanc et des dra-
peaux bleu-blanc-rouge. Ii y avait aussi des glaieuls
blancs et rouges et des bouquets de fleurs des champs a
nos trois couleurs.
Apres que j'ai eu dit quelques mots de remerciement
et pane de la lutte de la classe ouvriere francaise pour
le pain et la paix, paysans et paysannes, professeurs et
membres du. personnel, se leverent. La Marseillaise fut
entonnee sur un rythme lent, mais c'etait la Marseil-
laise, En mon esprit, j'evoquais tous ceux qui, dans
mon pays, travaillent et peinent ; je vis nos plaines, nos
rnontagnes, nos fleuves, nos ports, nos- mines et nos
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LA POLOGNE
usines. Le chant national polonais suivit, qui est Si
beau clans sa fiere solennite et qui rend si beaux les
visages des Polonaises et des Polonais qui le chantent.
Elle est profondement enracinee ramitie de nos deux
peuples ; bien fous ceux qui ne veulent pas en tenir
compte, ceux qui vont se figurant qu'il sera possible
peut-etre d'opposer un peuple a l'autre, de les faire se
battre run contre l'autre.
Toujours chantees en chceurs, des chansons succe-
derent aux deux hymnes. Entre autres, la chanson de
guerre intitulee l'OCA, du nom de la riviere russe sur
les bords de laquelle elle a ete composee au sein de
cette armee polonaise qui, par la suite, marcha glorieu-
sement jusqu'a. Berlin : ? Nous avons passe beaucoup
de rivieres mais la plus belle est la Vistule. ?
je venais d'etre ternoin a Miedzeszyn de cette chose
extraordinaire : la creation d'un monde nouveau.
Ainsi, la Pologne est ernue jusqu'au plus profond de
sa paysannerie. Ces hornmes et ces femmes conscients,
obstines, simples cornme le bon pain, ces constructeurs,
us oat la grande chance, la supreme joie, de preparer de
leurs mains rudes une autre glebe et qui sera enfin donee
tous ses enfants.
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CHAPITRE 111
UNE AUTRE GLEBE,
UN AUTRE HOMME
(SEROKI ET TERESIN)
La terre, c'est stir?
mais ii faut aussi changer l'homme.
LI AUTO filait sur Seroki. Journee de dair sold. Sur la
large route noire et lisse passaient les voitures en
triangle des paysans se rendant a quelque marche
voisin, l'un de ces marches oa se trouvent en abondance
toutes les richesses de la campagne : beurre, ,ceufs, fruits,
graines de toumesol, volailles, poissons. Ii devait se
tenir aussi une foire aux chevaux, car nombreuses
etaient les betes qui suivaient derriere les ? wozy n'. La
remarque s'impose : on voit peu de camions et de
camionnettes sur les routes polonaises ; cela viendra
comme sont venues les bicyclettes et les motos ; ii reste
que la cavalerie et le cheptel en general se reconstituent
vue d'ceil.
Dans la voiture, ii y avait Alfred Uhlig, chef du
service de la methodologie du bureau d'education des
cooperatives paysannes ; il y avait aussi mon ami
Thadee Wisniewski que j'avais connu a Paris et qui
voulait bien m'accompagner dans mes visites pour me
servir de guide et d'interprete. Alfred Uhlig park assez
bien le francais bien n'ait jamais mis les pieds en
France.
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256 LA POLOGNE
Ici, la carnpagne est plate, mais avec de tres legeres
ondulations, avec dei morc(aux de forts et des ver-
gers. Le del est trZs hard, bleu, rnoutona? de nuages
blancs. De-d, de-la, au milieu d'un bouquet de pins, un
u dwor ?, uric rnaison seigneuriale avec ses tourelles de
cote et son architecture du ? bon ? vieux temps. On reve
de vivre la. Campagne eultivee aussi ; la democratie
populaire a reduit considt,rablement l'etendue des tones
abandonnees. Uhlig me renseigne sur ce chapitre. En
1945 etaient en friche, prt's de 8 millions d'hectares ; en
1948. il no restait plus que 1.500.000 hectares a mettre
en culture. La superficie des terres emblavees a consi-
derablement augmente. II y a en une audacieuse poli-
tique d'investissement En 1947, rb milliards; en 1948,
24 milliards; en 1949, 40 milliards. 'En 1938, la terre
polonaise recevait 95.000 tonnes d'engrais artificieLs ;
en 1949 elle en a recu 870.000 tonnes. Le plan de six
ans va considerablement multiplier cot effort. II n'y
avait que 4.00o tracteurs en 1949 ; en 1955 ii y en aura
6o.000. Cela va reduire la main-d'ceuvre agricole dont
le surplus sera absorb6 par l'industrie. Cela va faire
monter les rendements.
Mais cela no serait pas possible si l'on ne c.han-
geait pas l'homme, le paysan et la paysanne ; la Melte
la plus irnportante et a.ussi la plus difficile est la.
Malawi nouvelle, village nouveau.
ous anions done vers Seroki.
Uhlig et moi nous causions, demandant de temps a
autre a Wisniewski de nous aider a nous faire corn-
prendre run de l'autre.
Le Bureau d'enseignement des cooperatives paysannes
o travaille Ublig s'ocupe d'etablir des programmes
el'etudes, d'elaborer des methodes, de rediger des ma-
nuels, de les editer, de monter les bibliotheques ; ii
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SEROKI nr TERESliV 257
controle des ecoles techniques, ecoles de meuniers de
boulangers, de mecaniciens, de comptables. L'instruc-
tion generale qui est dorm& dans les Centres 'de l'Union
des cooperatives touche aux problemes politiques de
la Pologne actuelle, a l'ideologie marxiste, a l'histoire
du; mouvement ouvrier et paysan, aux problemes profes-
sionnels, a l'organisation des entreprises, a la plani-
fication, aux sta.tistiques, aux methodes commerciales,
a la connaissance des marchandises. L'instruction pra-
tique porte sur la comptabilite courante, sur la structure -
des machines; ii y a des stages uniquement conga cres
l'enseignement pratique ; ils durent deux semaines :
les stages oit sont dispenses l'enseignement pratique et
l'enseignement general durent six' mois.
Nous traversons village apres village. Uhlig m'ex-
plique :
Dans ces villages, il y a des maisons }Ades sur
terre battue, en bois, au toit de chaume; c'etait la mai-
son habituelle du paysan et du villageois. Vous voyez
aussi de nombreuses maisons en briques. an rez-de-
chaussee sureleve, ce qui vent dire gull y a un plancher,
et qui ont meme un &age ou un vaste grenier. Les bri-
ques, fi y en a qui sont neuves ; nous en fabriquons
-beaucoup a present. II y en a d' autres qui sont vieilles et
pourtant les maisons, elks, cela se voit au bois des
portes et des fenetres, aux tuiles du toit, elks ne datent
que d'hier. Briques vieilles et maisons neuves, vous
comprenez ? Ii y a la quelque chose qu'il faut expliquer.
? D'abord, cette region a l'ouest de Varsovie a
connu en 1944-45 de grandes batailles ; tout a ete
detruit. Tenez, les arbres, le long de la route, is sont
bien jeunes, is ont a peine cinq ans. Alors, beaucoup
de chaumieres et de granges ont bthle Quand ii s'est
'a.gi de se reinstaller, de construire la maison, l'ecurie, la
grange, la ferme on n'avait pas de materiaux, pas de
bois, pas de paille. On a pense que pres d'ici se trou-
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258 LA POLOGNE
vait, maiheureusenust, tine immense carriere de
briques : Varsovie en mines. On a pris les ? wozy ?
qui restaient sur lears roues, on en a fabrique avec des
poutres ou des lambourdes, avec des roues de camions
kisses l?ar la bataille. On a attele un cheval ou une
vache et on est parti. Dix ou vingt ou trente kilometres
a autant an retour ; on revenait avec un char-
gement de briques, briqucs du ghetto, briquts du Palais
soya], briques de Nowy-Swiat ou de Stare-Miasto. Les
paysans les payarent cinq zlotys piece et les somrnes
recupeiees allaient au fonds de reconstruction de la capi-
tale. Vous voyez, me dit 1..Thlig en souriant, comme pour
completer sa demonstri.ttion, vous voyez les jolies mai
sons, les jolis villages quo cela a fait. On a aide Var-
sovie, Varsovie a aide les paysans. La maison campa-
gnarde change d'aspect.
Ulrlig?tlefirtoutefois a ajouter ; C'etaient la des
moyens de reconstruction tin peu artisanaux. Le plan de
trois ans a systematise la construction de la maison a
la vile et a la campagne. Le plan de six ans va faire
mieux puisqu'il se propose de construire, d'ici T955,
723.000 pieces d'habitation dont la campagne aura
sa large part.
Sett& i et Teresin.
E centre de Seroki, on y arrive par un chernin borde de
grands arbres, puis c'est l'ouverture, l'elargissement
de la clairiere. Un beau pavilion du si?e demier est
comme appuye sur no epais bouquet de pins rinterieur
possede de vastes pieces bien parquetees, bien lam-
briss' ees, au-dessus des portes tous les macarons d'epo-
que, toutes les enjolivures peintes ou stuquees, directe-
meat prises au xvirr si?e francai.s. Toujours ma pen-
see va aux anciens hotes. Its devaient avoir la vie belle.
Chaque saison devait Tanager aux habitants favorises
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SEROKI ET TERESIN 259
de la demeure des joies ties belles; joies de Vete resplen-
dissant dans les toilettes claires et sous les larges cha-
peaux de paille fleuris ; joies de l'automne d'or de
Mazovie avec ses miels et ses fruits et son gibier et ses
premieres flambees dans les immenses cheminees, le
soir ; joies longues de l'hiver enneige, le traineau, le
patinage, la chasse encore, les visites aux ? dwory ?
des alentours, et, dans la demeure chaude, musique de
Chopin, jeux anciens, glands recits de la guerre contre
les Soviets, reverie sur les albums de photographies :
le Vesuve, Monte-Carlo, Baden, Evian, et, aussi, cet
hydromel chaud qui va au plus profond des tissus et
fait l'hornme genereux. Tu parks ! Quant aux paysans,
eux, nous le savons, us s'entassaient presque parmi leurs
b?s, dans buns immondes chaumines, pas tres loin
d'ailleurs du ? dwor ? seigneurial, la, derriere le pudique
rideau de pins.
Ainsi en etait-il encore en 1939 ; ainsi en etait-il
encore au temps du Gouvernement general de l'hitlerisme
et de ceux qui s'y rallierent ; ainsi en etait-il encore
dans les debuts de 1945. Aujourd'hui, II n'en est plus
ainsi, et cola est bien.
La maison compte 45 &eves dont 16 femmes. Age:
de 19 a 48 ans. Parmi eux, quelques onvriers et deux
? intellectuels. Il en est qui parlent francais, entre autres
Theophile Boczkowski, un expulse de France (encore
un) et qui n'a pas encore compris, lui aussi, pourquoi
il a ete expulse. Resistant, bon travailleur. Il a une
sceur a Potigny (Calvados), Jeannine Vemault.
Le centre de Seroki est du degre dementaire
Le niveau des (Heves n'est pas egal ; que l'on ima-
gine ce que cela suppose d'efforts chez les maitres et de
bonne volonte chez les Cleves.
Vials id, a Seroki, il n'y a plus d ages Ii y a une
seule volonte. II y a de l'experience et du savoir mis
en commun. Chacun a quelque chose a apporter a tous.
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LA POLOGNE
Crest bien cela qui explique l'aiqance que je decouvre
dans les gestes et les paroles de chacun,
jrinterroge une jeune file; elle est comptable.
ifavez-vous fait pour la paix?
Elle sourit.
? La question m'etonne. En Pologne, tout ce que
nous faisons, c'est pour la paix. C'est en pensant a la
paix et pour mieux l'assurer que nous sommes dans ce
centre. Lorsque nous travaillons dans nos empiois res-
pectifs, c'est parce quo nous pensons a la paix que
nous essayons de travailler mieux, de depasser les
normes comme on dit. Et puis les femmes et la paix,
cela ne fait qu'un. Mais je comprends, vous voulez
savoir ce que j'ai fait de particulier, de special ? Jo
n'avais jamais pense a cela. Eh bien ! je sus membre
de la Ligue des femmes polonaises, jry travaille assidti-
ment, et naturellement, avec deux de mes camarades,
je me suis employee a faire signer l'appel de Stockholm.
- Est-ce qu'on a signe facilement ?
- Chez les tins oui, les autres non. It a fallu expli-
quer, discuter, jamais trop longtemps, il est vrai ; ici
on sait ce que c'est que la guerre, dans c.haque famille,
ii y,a en plusieurs tues ou massacres: on se souvient.
11 y en a qui me disaient ? Vous croyez que ma
signature, cela suffira pour empecher ?
- Que repondiez-vous ?
- Lorsque votre signature s'ajoutera a des dizaines,
a des centaines de millions de signatures, oui, cela
empechera ?. Votre signature. cela compte beaucoup.
Apres Seroki, j'ai visite Teresin o4 se tient un centre
du degre superieur.
j'ai en l'impression d'arriver dans un chateau de tires
corifortables proportions: ii n'y avait Ia qu'un ancien
pavilion de chasse. Si tel keit le pavilion de chasse, que
devait etre le chateau, l'un des trente chateaux du
comte Ducki-Lubecki
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SEROKI ET TERESIN 261,
Ainsi se nommait le proprietaire d'hier: le proprie-
,
taire d'aujourehui &ant l'Union des cooperatives pay-
sannes. rLa vaste et luxueuse demeure abrite aujour-
d'hui une cinquantaine de pensionnaires dont les ages
vont de 20 a 50 ans et qui tons trouvent facilement place
aux heures des repas clans la salle a manger bordee sur
l'un de ses longs cotes d'un immense bahut en chene
sombre sculpt& II y a aussi la salle d'etude, la salle de
jeux, la bibliotheque, la salle de musique avec son poste
de T.S.F., son toume-disques, son piano A queue. Il
y a la cuisine et les chambres a coucher. Ii devait y
avoir du monde aux chasses du comte Ducki-Lubecki.
LA. encore, l'imagination part. Ce qu'on imagine, les
chasses, les grands repas interminables, c'etait encore
hier. Aujourd'hui, on forme ici les dirigeants de la pay-
sannerie polonaise et qui sont les fils et les filles de la
paysannetie polonaise.
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CHAP1TRE IV
UNE COOPERATIVE
DE PRODUCTION : KULICE
Albert Wojtas un ? Francais e.
Ci EST un matin d'aottt, ti-es beau temps, la Baltique
bouge a peine. La plage de Sopot est encore de-
serte. Personne non plus stir le long mole en bois
goudronne dont on m'a dit hier quail est le plus grand du
monde. Les estivants dorment; us ont dame tine grande
partie de la nuit sur la piste de la plage, clans des salons
du Grand Hotel. II n'y a pas tine voile sur la mer. La
lumdere blanche donne aux lointains marins les tons
laiteux qu'ont certaines chairs de femmes. J'avais ima-
gine la 13altique toujours grise, et sa mer, et son ciel.
Voila quo je retrouve ici les enchantements de lumR,re
de mon golfe corse du Valinco.
De Sopot au centre de Gdansk, u.ne avenue bordee
d'arbres et de massifs et de villas toutes fralches, uric
glee d'enchantement longue de douze kilometres. A tou-
tes les fenetres, des geraniums rouges.
Pass?dansk. nous nous en allons vers le Sud. Nous
allons visitor des coopeativ(s de production et des fermes
d'Etat installeei sur le territoire de l'ancienne Prusse
orientale.
Men compagnons do voyage : Wisniewslci, qui va
m'etre aujourd'hui de grande utilite, et Albert Wojtas,
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UNE COOPERATIVE DE PRODUCTION 263 ?
un responsable des questions paysannes a la Federa-
tion du Parti ouvrier unifie de la voievodie de Gdansk.
Wojtas avait quitte la terre polonaise en 1926. Emi-
gration de la faim. Il a travaille aux mines de fer de
Hornecourt, puis aux hauts-fourneaux de Jceuf. Ii sait
qui est M. de Wendel et ce n'est guere avec attendris-
sement prononce son nom. On comprend qu'entre
lui et le maitre de forge il y a un vieux compte qui
n'a as encore ete completement regle. De Jceuf Wojtas
est revenu ensuite a Homecourt. En 1936, il est a Oboue-
Pont-h-Mousson, comrne mineur. Engage en 1939 dans
l'armee fra.ncaise, verse dans l'armee Sikorski, il se bat.
Il est dans la Resista.nce. En 1946, il rallie la Pologne
oi ii sait qu'il y a du travail et que Pon manque de
bras. Un grand sec, tirant plutot sur le roux, visage fait
h imups de serpe. II connait sa campagne polonaise
cornme sa poche fl l'aime, et cela se voit rien qu'a sa
facon de regarder les champs cultives ou de s'attrister
lorsque nous passons devant des terrains en friches. 11
pane un francais approximatif ot les mots de ses anciens
metiers et de 1' argot ouvrier sont l'essentiel du voca-
bulaire. La syntaxe est plus que chancelante ; ii vau-
drait mieux dire qu'elle brille par son absence; elle est
remplacee par les gestes dont Wojtas accompagne ses
Mots. Un nom, un geste : le geste remplace le verbe.
Sur la route de Kulice.
S
UR notre droite, sur note gauche, un paysage plat
que les couleurs de l'ete rendent supportable.
La route est animee.
Voici un camion de jeunes filles du Service h la Polo-
gne, grosses joues, bras muscles, solide gabarit de fem-
me. Des chants.
Ici plus qu'ailleurs regnaient les grands proprietaires,
les hobereaux, et qui pos3eclaient les meilleures terres.
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264 LA POLOGNE
? Terre grasse, dit Wojtas en me montrant la terre
de la main. Lorsqu'elle est seche, difficile a travailler.
Dans deux ou trois ans, apres culture reguliere et
engrais, elle sera plus facile.
Beaucoup de bouquets d'arbres epars On a l'impres-
sion d'un bocage, mais as.sez clair et sans chemins
encaisses.
Les Pants et chaussees ont fait de nouvelles routes
qu'on empierre avec des paves de granit de Suede On
goudronne ensuite. On redresse les anciens chemins
qui prenaient leur temps a alter d'une ferme a l'autre.
Cultures: ble, betteraves a sucre, orge, avoine, seigle.
Cette terre depasse a peine le niveau de la user; il
y a toujours trop d'eau. 'Xs plantations d'arbres vont
etre entreprises sur la cote.
Nous traversons village apr?village. La route est
vraiment sympathique avec sa bordure de tilleuls ou
de marronniers.
Voici un moulin a vent.
? Abandonne, me dit Wojtas, maintenant moulin
electrique.
Void des champs de chanvre. ? Konopia ?,
Wojtas qui a oublie le nom francais. Le chanvre est
tine plante triste avec sa tige presque noire le long de
laquelle les feuilles courtes et allongees tombent vers la
terre.
? Du lin
C'est vraiment plus gal le vert d'eau du lin.
Un nouveau chantier des Ponts et chaussees. Ici, on
no coupe pas un tournant inutile. C'est plus simple
encore. Dans ce paysage a montagnes russes, il y a
des cotes assez serieuses, dangereuses parce que cela
monte deux lois et aussi parce que quand on approche
du sommet la visibilit6 est nulle de jour (la nuit, il y
a les phares des automobiles). Alors on detruit la cote,
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UNE COOPERATIVE DE PRODUCTION 265
on rase, on aplanit. Les automobilistes pourront voir
loin devant eux.
Ce n'est rien cela, dit Wojtas, bientot une auto-
strade Varsovie-Gdansk. Avec le plan de six ans 6.000
kilometres de routes nouvelles en Pologne.
Le geste de Wotjas va d'une vitre a l'autre de la
voitire.
Maintenant, nous entrons dans la petite ville de Tczew.
30.000 habitants. La route, la, rejoint la Vistule, cette
matrone opulente et lente. Nous laissons le fleuve sur
notre gauche sans l'avoir traverse et nous continuons
vers le Sud.
Nous sommes sur la bordure oriental? de la Suisse
polonaise. Ce n'est vraiment plus un pays de plaine.
Tout un emmelement de croupes allongees, de cones
arrondis, avec des angles de chute tres aigus. A certains
moments, un grand nombre de maisons et de bouquets
d'arbres ; dans peu de temps, ii y aura la une impor-
tante region d'elevage.
Et, plus que jamais, des tilleuls Ie long de notre che-
min, mals des tilleuls enormes ; je n'en ai jamais vu
de pareils. je comprends maintenant que les statues gean-
tes du fameux retable de Cracovie aient Pu etre taillees
dans le tilleul. L'artiste de Cracovie a trouve l'arbre qu'il
fallait et un arbre qui pourrait etre considere mieux que
le pin comme l'arbre de la Pologne. Qui me disait que
les enfants et les femmes de Pologne ont la couleur des
flours de tilleul ? Et qu'est-ce que ca dolt sentir bon ces
routes-la au moment de la floraison 1
Sous me,s yeux, le paysage est d'abord vert et jaune,
par earres, par triangles, par rectangles Les ondulations
l'horizon sont bleues ; maisons eparses, neuves, tOit
rouge vif, facade a fronton triangulaire blanc aveuglant.
Un paysage a caresser avec la main. Wojtas est sensible
cette chose physique:
? Tout a fait plat, pas joli.
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LA POLOGNE
C'est sflr, mais merne au-dessus de cc qui est tout A
fait plat, il y a le del, et qui bouge. et qui change. et qui
abaisse ses tentures fres bas ou les fait disparaltre, qui
fait router ses nuages en eclatantes cavalcades blan-
ches ou en sinistres cscadrons, le ciel toujours vivant,
aussi, avec sa lune et scs ?iIes toujours vane et don-
nant vie a la terre la plus morne.
((La plaine immense et nue oil le nuage passe ?, disait
tin Verhaeren un peu trop oublie.
Aujourd'hui, dans le ciel de Pomeranie, ii n'y a que
du bleu pur, et c'est tant mieux.
Wojtas redevient pratique : ? Encore beaucoup de
petits champs, cstime-t-il.
Tout 4 l'heure, et presque 4 ras de toit, ont passe
des cigognes. Cola m'a jete dans l'emerveillement je
n'avais jamais vu voler des cigogncs quo sur des livres
d'enfants ou chez Erckrnann-Chatrian et Selma Lager-
la A present, a l'entree d'un village, en voici un veri-
table troupeau en train de paitre. j'ai presque envie de
dire au chauffeur d'arreter. Mon amour-propre est le
plus fort. je no dis non.
Nous allons entrer dans Pelplin.
Sous tine voilte de tillculs centenaires, on elargit la
route. Line sucreries un chemin de campagne, mi-em-
pierre, mi-non-empierre. Pourquoi ? Wojtas me fait
comprendre quo la partie non empierree est reservee aux
attelages, aux chevaux. Il passe des attelages.
Pous-
si? 2...
Vivement des camionnettes, dit Wojtas, beaucoup
de camionnettes, de camions. En 1955, nous aurons fa-
brique 13.000 camions de 3 tonnes et demie, 12.000 de
2 tonnes et demie.
Nous void maintenant dans tine grande cour do
ferme animee du bruit d'une batteuse. C'est la coope-
rative de production de Kulice.
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UNE COOPERATIVE DE PRODUCTION 267
Cooperative de production? Pourquoi ?
ulm?ai s qu'est-ce qu'une cooperative de produc-
tion?.
11 reste entendu que la terre, en Pologne, appartient,
soft a l'Etat, soit a des particuliers, ces particuliers dis-
posant de proprietes allant de 5 a 50 hectares. Ce sont
la des proprietes privees, on l'a vu, qui ne peuvent etre
Ai morcelees, ni vendues, ni affermees, ni hypothequees
ni en totalite, ni en partie. Elles doivent etre cultivees.
Personne en Pologne n'a le droit, au nom du droit de
propriete, de laisser son bien a l'abandon. L'Etat,
l'Entr'aide paysanne, l'Union des cooperatives. aident
les paysans a tirer le meilleur parti de leur lot, qu'il
s'agisse de la production, de la transformation des pro-
duits ou des echanges (campagne-ville ou ville-cam-
pagne). Ii ne s'agit nullement de laisser le paysan seul
et en butte aux manceuvres des anciens proprietaires ou
de ces proprietaires qui ont conserve quelque cinquante
hectares ainsi qu'une certaine influence sur leurs anciens
domestiques ou valets de ferme.
11 est evident que Von ne saurait construire
victorieusement le socialisme a la ville et a la
campagne sans une action systematique ten-
dant a affaiblir et finalement a detruire cette
position forte quo detiennent encore les capita-
Estes paysans. L'existence des paysans capi-
talistes qui representent un element &ranger
et ennerm dans notre systerne economique, et
1' exploitation pratiquee par eux, constituent
un frein economique et social, et politique,
aussi bien pour le developpement de l'economie
agricole que pour celui de l'economie nationale
tout entiere (Hilary Mine).
11 faut rendre independant le paysan pauvre
miller les paysans rnoyens, les persuader que certaines
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268 LA POLOGNE
methocles de culture valent mieux que d'autres, les
persuader entre autres que les moyens dune grande cul-
ture mecanisee ne peuvent s'appliquer sur les petites
proprietes.
En d'autres mots, il faut convaincre les paysans de
la superiorite de l'economie paysanne collective de pro-
duction sur l'econornie paysanne individuelle. Convain-
cre et non imposer. Des qu'une volonte de cooperation
se fait jour, la faire beneficier de toute l'aide desirable.
Des voyages d'etude sont organises en direction des
kolkhoz de la fraternelle Union sovietique.
Kulice.
A Kulice, la cooperative est installee sus une an? cienne
propriete allemande.
La cooperative de production a ete constituee en mai
1949. Elle se compose de 37 mernbres group& dans
22 families qui out mis en commun toute la terre, tout
le materiel, tout le cheptel vif, l'exception des fermes
individuelles. Chaque famine dispose pour son usage
propre d'un jardin de 50 ares, de poules, de vaches, de
veaux, de cochons.
Le directeur de la cooperative, Francis7eck lvluracki,
me precise que l'association dispose de 347 hectares
dont 317 sont cultives, le reste atant destine aux patures.
Nous visitons les lieux. Dans une porcherie envahie
d'hirondelles et tres propre (on me demande d'essuyer
mes pieds avant d'entrer) outre les meres laies, s'agi-
tent, infatigables, 65 petits cochons.
L'etable aux vaches : 56 hollandaises. Muracki me
fait dire que, dans peu de temps, il disposera de 8o lai-
tieres et de 50 b?s pour l'elevage.
L'ecurie no compte que 16 chevaux.
C'est peu dit notre guide, mais nous avons des
tracteurs. i6 chevaux suffisent. L'annee derniere, nous
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UNE COOPERATIVE DE PRODUCTION 269
Wavions pas de cochons, pas de vaches, et settlement
six chevaux. Nous avons beneficie d'un credit de
l'Etat remboursable en ciaq ans, c'est-h-dire en 1954.
En 1951, nous aurons tout rembourse.
Le sol de l'ecurie est meuble. Jo le fais constater.
Il sera pave cot hiver.
Void la charronnerie-menuiserie.
Puis, nous nous dirigeons vers la batteuse autour de
laquelle s'activent une dizaine de garcons et de filles
couverts de sueur et de poussiere.
Queues sont vos cultures principales ?
Ble, betterave, pomme de terre, et certaines herbes.
Certaines herbes?
-- OW, nous cultivons vingt hectares d'herbes. Nous
ba.ttons, nous trions, nous gardons les herbes de bonne
qualite que nous semons ensuite.
Queues sont vos perspectives?
Accroissement de la production animale, produire
plus de froment et d'orqe que de seigle, augmenter la
production de betterave "a sucre, accroitre la production
de plantes fourrageres.
Je demande a parler a l'un des paysans qui s'occupent
battre. J'ai en face de moi Roman Debek. Petit, la
figure effilee, quelque pen inquiet.
Yebek a 37 ans. Il est mane. Il a cinq enfants. Avant
la guerre, II etait ouvrier agricole dans cette meme
exploitation qui est aujourd'hui en partie la sienne. Ii
y gagnait 75 grosz par jour : la valeur de deux kilos
de pain ; et aussi un peu de grain : 40 kilos de seigle
par 111018. Dans sa famine, us etaient huit ; a huit, us
disposaient d'une piece d'habitation. Lorsque quelqu'un
avait besoin d'une paire de pantalons, toute la famille
devait se mettre a economiser. On s'habillait ainsi
tour de role. On mangeait du pain noir; on mangeait
de la via.nde quand on tuait un pore, c'est-h-dire une
lois par an.
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270 LA POLOGNE
Vu sa faible constitution, il n'a pas ete soldat. Il est
rest e 4u domaine jusqu'en 1943. A cette date, il a ete
enrelle dans l'arrnee allemande et expedie en Norvege.
II est rentre en 1945. Il a recu alors six hectares ; pas de
chevaux, pas de vaches ; il a pu acheter une vache
l'annee derniere.
Aujourd'hui, ii estirne le travail plus facile et de
meilleur rapport. II mange de la viancle tons les jours.
II tue deux cochons par an. Il gagnc pas mal d'argent.
Ses enfants vont tons It l'ecole. Avant la guerre
n'avait jamais mis les pieds A la vile. Aujourd'hui, ii
connalt Varsovie, Gdansk, Gdynia, Poznan. Il a ete
en T.I.R.S.S. o6 il a visite des kolkhoz.
11 s'estirne un hommc libre. II n'y a phis de proprie-
taire ??oujouxs regarder la montre ? et a toujours crier
apres les ouvriers.
Enfm. Debek estime que la conversation a assez dure
et qu'il perd du temps II retoume A sa batteuse.
Salle de jeu, graphiques et aerates.
LE directeur, Muracki, nous conduit vers un grand corps
de batiment. Il nous rnontre le magasin cooperatif.
Ce magasin est ouvert de 6 a 9 heurcs, de midi A 15 heu-
res, de 19 a 21 heures. II est vendu ici tout ce qui est
necessaire a la vie courante des gens et A des prix que
ne peuvent faire les ma.gasins prives.
Voici la salle de jeu, avec ses journaux, ses livres,
une scene et ses decors. Aux murs, les portraits de Sta-
line, de Bierut, de Rokossowski. Cette piece, c'etait
justement la salle a. manger du hobereau allemand. La
scene est instanee, elle, dans la piece contigue dont on
a abattu la cloison, piece oir le hobermu rendait sa jus-
tice, distribuant chaque semaine blames, engueulades,
amendes, coups de baton.
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UNE COOPERATIVE DE PRODUCTION 271
Mais cette salle de jeu a un autre interet. Une partie
de ses murs sont couverts de tableaux, de graphiques
tits simples, tres lisibles.
- Void d'abord la direction de la cooperative, tous
mernbres elus : un directeur assiste de quatre asses-
seurs, une commission financiere de quatre membres. un
tribunal de trois membres charge de regler les dill&
rends-travail pouvant intervenir au sein de la coope-
rative. Au-clessus de cot appareil ii y a l'assemblee
generale qui se reunit selon les besoins, une on deux
fois par mois.
Voici le graphique qui montre la montee de la coope-
rative : en mai 1949, 14 membres, 30 en juin 1949,
apres un voyage en U.R.S.S., de deux des quatorze
rnembres. En aoilt 1950 : 37 membres
Voici les graphiques des chevaux, des cochons, de la
production du lait, avec le pourcentage de matieres
grasses. Ainsi, en decembre 1949, 20 vaches ont donne
821 kilos de lait ; en mai 1950, 30 vaches ont donne
8.367 kilos de lait ; en juin 1950, 30 vaches ont donne
7.852 kilos de lait. L'augmentation provient surtout,
m'explique-t-on, d'une meilleure nourriture et d'une
meilleure hygiene.
Le tableau qui m'interesse le plus est celui des jour-
n6es, 11 y a en effet trois types de cooperatives de pro-
duction, ou plutot trois types de cooperation.
Dans le premier type, les terres ne sont pas mis-es en
commun ; les moyens de production necessaires a la
fawn des terres, aux sernailles et aux moissons. demeu-
rent la propriete du pays;an qui les possede. Les instru-
ments ne sont mis en cornmun qu'a des periodes deter-
minees, labour, semailles Les r?ltes sont parfois effec-
tuees en comrnun, le partage &ant effectue au prorata
de la superficie des terres appartenant a chacun.
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2,2 LA POLOGNE
Dans le second type, toute la terre, le materiel et le
cheptel vif des membres, sont inis en commun. A l'ex-
ception de chaque ferme individuelle. Les benefices
de l'exploitation en coalman sont repartis a raison de 6o
7o pour cent, scion le travail effectue, et de 20 a. 25
pour cent, proportionnellernent a la terre fournie.
Pour le troisieme type, tout est mis en commun ainsi
qu'on le volt A Kulice, A l'exception, cela a ete dit, de
chaque ferme individuelle, de son jardin de 50 ares, de
sa basse cour et de son propre betail : vaches, cochons,
etc., etc.
Comment sont done payes les membres de la co
rative de Kulice ?
Le directeur hluracki me l'explique
- U n'est nullement tenu cornpte, dans le partage
des benefices, de la superficie de terre apportee par cha-
can. Le soul principe qui intervienne est celui-ci : A
chacun scion son travail.
? Sur ce tableau, il y a le nom de tous les membres.
Deux divisions: les enfants de moms de dix-huit ans et
les femmes dont le travail est forcemeat irregulier, les
hommes au-dessus de dix-huit ans. La liste des noms
est suivie d'autant de colonnes y a de jours dans
le mois, Lorsqu'un rnembre de la cooperative a execute
tine journee normale, cc que nous appelons la norme de
travail et qui est payee mule zlotys, cette norme lui est
marquee. S'il arrive que la norme a ete depassee ou
qu'elle n'a pas ete atteinte, ii en est tenu compte. Roman
Debek, que nous voyions tout a l'heure, est un coura-
jeux. Au mois de juin, il a realise quarante journees. Sa
femme et l'aine de ses enfants ayant donne un coup de
main, leur travail a ite calcule en journees. Pour le mois
de juin, voyez, douze et huit oda fera vingt journees de
plus. Au total soixante joumees. Valour: 6o.000 zlotys.
p?
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UNE COOPERATIVE DE PRODUCTION
273
,Cela ferait, dans un menage de cultivateurs francais,
environ 55.000 francs.
-- Et vous, comment etes-vous paye, en taut que
directeur ?
? Pour une journee et demie. Le charron pour une
journee et quart, celui ou celle qui trait les vaches pour
une journee trois quarts. Si les uns et les autres font
plus, ils touchent plus. No croyez pas que tout se fasse
tout seul, ajoute le directeur, et qu'il n'y ait pas de
discussions. Nous partons a peine. Revenez nous voir
dans on an ou deux, ca ira mieux.
Est-ce que vous part agez l'integralite de vos bene-
fices?
1VIais non, nous somraes tenus d'affecter aux inves-
tissements, et c'est notre inter& (renouvellemtat du
materiel. btitiments a construire, etc.), de 20 a 30 pour
cent de nos benefices. Dans notre programme immediat
(realisations du plan de six ans), nous avons prevu
une boulangerie, des bains-douches, la construction de
nouvelles maisons d'habitation qui seront toutes pour-
vues d'eau courante.
- Qu'est-ce que vous payez comme impots ?
TJn paysan, individuel paie 8 pour cent de ce qu'il
gagne; en cooperative, il ne paie plus que 3,5 pour cent.
- Qu'est-ce qui vous fait le plus besoin ?
Des camions, des camionnettes, des machines
trieuses, des machines A secher le grain, car ici l'air
est hu,mide, et des tracteurs.
- Quelle est l'attitude des paysans individuels a.
votre egard ?
us viennent nous voir, Ils consultent l'instructeur
agrotechnique detache par le ministere aupres de cha-
que cooperative de production ; ils regardent ils dis-
cutent et, l'un apres l'autre, ils demandent leur
admission.
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274
LA POLOGNE
Nous sommes arrives dans le bureau de la cooperative.
11 y a le telephone, une machine a ecrire. De l?nous
passons, sur ma demande, dans les appartements du
directeur : une grande cuisine claire, d'abord, ot je
trouve Mme Muracki vaquant aux soins de son m?ge,
deux fillettes, une gmnde jeune file. Tout ce petit
monde est correctement habille. bien chane, propre.
Une salle a manger, un poste de T.S.F., deux chambres.
Le romancier Reymont tie s'y reconnaftrait plus
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CHAPITRE V
NEBR9WO-MALE, GNOJEWO,
PSZENNO
Lievre ?... Non, Koulak.
ILy a deux cooperatives de production dont je veux par-
ler ici parte qu'elles m'ont fait grosse impression et
pour des raisons assez particulieres. Elks se trouvent
toutes les deux dans l'ancienne Prusse orientale.
Celle de Nebrowo-Male, qui comprend 34 membres,
a eu beaucoup de peine a se constituer ; ii y avait l?
un groupe de paysans decides a s'unir, mais, a cOte
d'eux, se trouvaient deux gros paysans qui ont tout mis
en ceuvre d'abord pour empecher la regularisation des
terres, c'est-?ire leur juste repartition. Ensuite, en
usant de tous moyens pour que la cooperative fond&
malgre eux cessat d'exister.
J'etais arrive a la cooperative de Nebrowo-Male A
la fin de l'apres-midi. J'avais trouve d'abord le direc-
teur de la cooperative, Czeslaw Jaworowicz, un jeune
a la figure decidee. Puis, est venu autour de nous, au
bord des champs oA nous parlions, le conseiller agro-
nome Waclaw Czanercki, deux -vieux paysans et un plus
jeune, un grand escogriffe fort sympathique, deux jeunes
files, Janina Smagalska et Henryka Kaminska, un
gamin d'une quinzaine d'annees. L'aspect exterieur de
tout ce monde n'etait pas brillant : vetements usages,
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76 LA POLOGNE
dechires, vieilles bottes eculees, casquettes crasseuses et
qui sernblaient ne faire qu'un avec ceux qui les por-
talent. Des gens sortis de l'ancien temps. Mais ii n'y
avait chez eux aucune humilite ; beaucoup d'assurance
mime, an contraire. C'est la que se voyaient les choses
ce moment emouvant de lour transformation, le pas-
sage du vieux au nouveau ? je sentais comme une
atmosphere de bataille. Je voulus me servir de l'ami
Wisniewski pour commencer la conversation. Quelqu'un
me repondit tout de suite en francais et dont la mine et
le costume etaient tout de meme moths primitifs que
ceux de l'ensernble de rues hates.
? Jo m'appelle Marian Kucharski. J'ai vecu 26 ans
en France. J'ai ete mineur pendant 21 an.s dans le Nord
et le Pas-de-Calais. J'ai ete expulsk le 2 juin 1948 ; je
m'occupais tout norrnalement de syndicalisme ainsi que
la loi ftancaise et la Constitution m'y autorisaient.
Arrive en Pologne, j'ai travaille dans les mines de Wal-
brzich o?i y a taut de mineurs polonais retour de
France que l'on park francais au fond des fosses, dans
les tramways, les cafes, les salles de jeux et en farnille.
J'ai fait l'ecole du Parti et, a la sortie, j'ai et?nvoye
Gdansk oa j'ai travaille au comite mann des transports.
Depuis un mois. je m'occupe de l'organisation dans
tons les secteurs de la voievodie.
? Jo suis venu ici pour quelques joins, les gars out
grand rnerite ; il faut les conseiller, les aider. Le Parti
ouvrier unifie a son devoir a faire et il le fait.
La conversation diVient tout de suite tits cordiale.
C'est Jaworowicz qui park
? Avec nos six hectares a travailler pour neus-
memos, nous no nous en tirions qu'assez difficilement.
NOUS manquions de materiel, nous finissions par em-
prunter aux deux gros paysa.ns qui avaient des reserves.
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NEBROWO-MALE, GNOJEWO, PSZENNO
Nou5 aurions , fini par etre couverts de dettes. Nous
aurions fini par tout abandonner. Nous avons compris
que pour notts sauver, et nous tenions a notre terre,
ii fallait nous unir. En mai 1949, nous avons fait l'af-
faire. Nous en sommes donc au commencement. Nous
n'avorts pas encore pu etablir notre bilan annuel. Nous
,avons Settlement disiribue des acomptes. Rien qu'avec
ces acomptes, ca va rnieux que Vann& derniere. Nous
faisons de l'elevage. Nous cultivons surtout le ble et la
betterave. Nous avons seine cinquante hectares. Au
depart, nous disposions a nous tous, 34 membres, de
douze vaches, de quatre cochons, de huit chevaux. Ce
n'etait pas beaucoup. Nous n'avions pas de machines,
pas d'engrais, peu de sem ences. Les deux proprietaires
s'arrangeaient pour que nous soyions prives de tout et
que nous dependions d'eux. L'Etat nous a accorde des
credits. Nous avons maintenant notre materiel, nos
machine, nos semences, nous possedons 54 vaches,
64 cochons et, encore, nous en avons vendu 18. Nous
avons Instal-1e une creche pour les jeunes enfants afin
de liberer les meres au temps des gros travaux, un
jardin d'enfants, une salle de jeu pour les adultes avec
bibliotheque et radio.
Nous allons visiter les ecuries je pose des questions
aux jeunes tes? jeunes flues sont contentes, elles ont
recu des acomptes, elks n'ont jamais cu tant d'argent
en 'eur possegsion. Elles ont voyage cette annee pour
la premiere fois de leur vie. Elles sont alIees a Gdansk.
Elks revent der grandes excursions a Varsovie, a Poz-
nan, ati 'moment de la foire rntemationale a Craco-
vie pour voir le Wawel. Elles veulent surtout connaltre
les montagnes. Tout cela sera possible, c'est sfir. Le
jeune homme souriant, avec ses bottes qui baillent sur
les pointes, va a l'ecole encore. Il est en vacances, ii
aide a la mol son, il gagne de l'argent, ii achetera des
livres. 11 reve de devenir mecanicien. 11 a cette idee
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278
LA POLOGNE
en tete depuis que la cooperative a recu une voiture de
l'armee,
Void les ecuries. Its sont taus l? me montrer leur
bien, a me faire essuyer les pieds avant d'entrer, a me
montrer que c'est propre. Its sont taus l?les grands
garcons et les jeunes filles, its vieux, its adultes, its
femmes qui sont venues aussi. us sant fiers de rnontrer
leur bieh et qui est leur muvre comme cela a toujours ete
leur ceuvre, lame Iorsque cc n'etait pas leur bien. us
sont fiers et resalus. Leur conscience de classe s'est
eveillee. its n'en sont qu'aux balbutiements de leur
Organisation mais its out deja Pu voir avec leur bon
sens d'exploites d'hier gull est des choses possibles
auxquelies ils n'auraient jamais voulu croire ii y a
encore quelques mois. rls sont maltres chez eux, its
veulerit le rester.
je demande : ? Queues sont vos difficultes ?
jaworowicz repond :
? Au depart, trots families qui n'avaient avant la
reforme jamais possede de terres se trouvaient demunies
de materiel et d'argent. U a fallu leur venir en aide,
leur dormer des acomptes avant meme que la coope-
rative ait porte ses premiers fruits. Cefte difficulte est
aujourd'hui surmontee.
Ensuite, il y a eu les deux koulaks qui se soot intro-
dtiits dans la cooperative pour essayer de la faire eclater.
us n'y out pas reussi. us se sont Byres ensuite a des
actes de sabotage, tels que l'incendie de r?ltes. Its
out agi sur its paysans individuels pour Its dissuader
d'entrer dans la cooperative. S'apercevant gulls allaient
etre dernasques, its out quitte le pays ; leurs terres
reviendront a la communaute.
n 11 nous rcste a attribuer 8o hectares a raison de sept
hectares la part, et nous avons sur notre commune douse
paysans qui ne sont pas encore avec noui. Nous les con-
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NEBROWO-MALE, GNOJEWO, PSZENNO 279
vaincrons par l'exemple; il en est &j?ui manifestent
l'intention d' adherer.
Enfan, il y a une difficulte contra laquelle nous ne
pouvons rien : le temps qu'il pent faire. Une cooperative
qui part a besoin de beau temps. Jusqu'ici, il faut le
dire, nous avons ? pint& bien servis.
La ;mit va venir. On me montre encore des loge-
merits : deux ou trois pieces avec cuisine au lieu d'une
settle piece ii y a encore quatre ans. Et puis quelqu'un
se frappe le front, comme fait celui qui allait oublier
quelque chose d'important. On me prend par la main,
on m'entraine. Nous void a nouveau dans recurie ou
piaffent interminablement les lourds chevaux tout en
muscles arrondis. Nous arrivons, suivis par dix autres
paysans et paysannes, devant la derniere stalle. Ii y a
l?n boulonnais, belle bete blanche qui hennit sous
les tapes: ? Toume I toume
Le cheval, pas de cote apres pas de cote et tirant sur
sa longe, nous fait face.
Son nom ? BouiLqgne. Cheval venu de France en
X946.
Et moi aussi, j'ai caresse l'encolure de la bete en
disant (c Tourne, tourne, Boulogne! ?Ii fallait voir
briller les yeux des braves gens qui m'entouraient I
Sur le chemin e campagne, nous nous disons au
revoir. C'est a ce moment que je vois arriver vers nous
deux paysans dont le sympathique escogriffe de tout a
l'heure, casquettes sur le front, cigarette aux levres,
pantalons rapieces, bottes eculees, l'air tre,s digne tous
les deux, redresses, et... le mousqueton a la bretelle.
Otestion du na?que je suis, et sur le mode plaisan-
tin : ? Bs vont titer le lievre ?
Reponse, sur le ton serieux :
Non, koulairs I
fl organisent la garde autour de leurs r?ltes, de
lours granges, de lems mettles, autour de leur bien.
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LA POLOGNE
Sabot a la Croix-en-Brie.
Mous sommes arrives a Gnojevo vers 9 heures du
soir. La nuit etait tombee.
Nous voici dans tine grande sate a manger, aux meu-
bles simples. Dans un coin, un lit-divan oil dort un
enfant.
Le directeur de la cooperative est un jeune.
Ds sont 24 families qui groupent 46 travailleurs. Bs
exploitent 473 hectares ainsi repartis : 406 hectares de
culture, ble, colza, betteraves ; 6o de paturages, 7 hec-
tares de lacs poissonneux. La peche 'fest pas encore
systernatique, mais ca viendra.
Cheptel : 32 vaches a lait, 13 genisses de deux axis,
2 taureaux, 2 taurillons, 9 veaux, 23 vaches indivi-
duates, 70 codions individuels.
La cooperative possecle quatre tracteurs. vingt-deux
chevaux, quatre poulains. Elle a ete montee en avril
1949. Id, il y a dos ? Francais ?, cinq families de
? Francais ? et qu'on a ete revolter cornme nous avons
reveille nous-memes le clirecteur tout a l'heure
Es arrivent l'un apres l'autre : honunes, femmes,
enfants, jeunes gens et jeunes Mies. Voici les Labuda,
man et femme et dont la fille, Janine, est nee et ? a Ate
baptisee ?I la Croix-en-Brie (Seine-et-Marne); quant
Joseph, le garcon, il est inspecteur-contr61eur dans tine
forme d'Etat I Olsztyn.
Voici les Jamrozik, les Jagla, qui me chargeront tout
I l'heure de saluer pour eux les deux freres qu'ils ont
Plessis, pres de la Croix-en-Brie.
Voici les Sgodrienski et les Lorenski.
Et cc sont des ? bonsoir ?, des ? salt! ?, des ? com-
ment allez-vous ? ? des ? comment ca va ? ?. je n'ai
plus besoin d'interprete : on parte id le meilleur langage
d'Ile-de-France, sans atom accent polonais.
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NEBROWO-MALE, GNOJEWO, PSZENNO 281
Es etaient en France, en Seine-et-Marne, tous depuis
pres de 25 ans. Es sont rentres en Pologne en 1947.
? Comment ca va la has? Combien vend on les
ceufs ? le beurre ? le pain ? le cafe ? le sucre ? Quel
est le prix du vin ? le prix des gauloises ? Combien cofite
une paire de souliers de travail, une chemise ? un cos-
tume ? un pardessus ? Combien gagne un ouvrier ? Les
salaires ont-ils augmente en proportion de la vie ? Et
les transports ? Combien h prix du billet de Meaux a
Paris ?
On va jusqu'a me demEinder le prix d'une paire de
boeufs, le prix d'un porcelet, le prix de l'oie au kilo,
le prix d'tin cheval de trait, le prix d'une camionnette,
prix d'une moto.
Ii y a des moments o? je m'avoue tres embarrasse.
A mon prochain voyage, je sais quelles precautions
j'aurai prises avant de quitter mon pays, car c' est de
ces prix-la quo la vie des braves gens est faite.
One fois franchie la mitraille des questions, je peux
m'y retrouver quelque peu et je park de la situation en
France, du budget de g-uei-re, des impots, des difficult&
6fi se trouvent notre industrie, nos mines, notre agri-
culture. Je pane du chomage et des greves, de la lutte
pour un meilleur-etre et pour la paix. Je pane aussi de
l'immigration polonaise, des expulsions.
Et puis, j'interroge. Ma is, ai-je besoin d'interroger ?
Je les ai la devant moi, proprement mis, crevant de
sante, satisfaits.
J'ai d? entendu le vieux Labuda, sec et vif, dire
sa femme, une grosse f utee qui n'arrete pas de faire
aller sa langue :
Hein ! et toi qui no voulais pas partir ? Tu en frou-
vais des raisons pour rester
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? 282 LA POLOGNE
La femme de Labuda ne veut pas abonder tout de
suite dans le sens de son marl:
-- Oh I pour du travail, il y a du travail. ca, on
pourrait travailler le jour et la nuit Si on votilait, si on
pouvait 1 Pensez I 473 hectares 1 Vous vous rendez
compte I On n'a pas idee de Sc mettre a posseder
473 hectares alms qu'on n'a toujours ete que de petits
fermiers en metayage. Et toutes ces betes a soigner. a.
traire I Et puis ii y a cc que nous possedons nous-
memes : un travail qui s'ajoute a. l'autre car, monsieur,
j'ai un grand jardin a. moi pour les legumes et les Ileurs
et quelques arbres fruitiers. J'ai 15o ponies, mais je ne
serai Iranquille que longue Yen aural 300, tu entends,
Labuda? J'ai quatre cochons, j'ai deux vaches. Les
ponies, an mauvais moment, me font 20 a, 25 oeufs par
jour.
? Et vos normes de travail?
? Ah oui y a aussi des journees de travail que
nous gagnons. On pent memo les doubler. gam, nous
avons une belle situation (sic). (On n'a pas impunement
halite 25 ans la France, le pays des petites situations,
des belles situations, des importantes situations, des
situations en vue). Vous pouvez dire le-bas que nous
sommes bien.
Maxie:no Labuda tire sa pipe de la bouche, un cligne-
ment d'yeux a. mon adresse :
? Tu pourrais dire que tu n'aurais jamais reve de
posseder tout ce que tu possedes 1 Avoue-le que tu es
heureuse ?
Tout le monde eclate de lire et la femme de Labuda
la premiere.
Vest Wladyslaw Jagla, il a un pen l'accent de
Paris dr il a cu a. vivre quelque temps, qui conclut
gravernent : ? Vous pouvez leur dire que nous sommes
beureux I
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NEBROWO-MALE, GNOJEWO, PSZENNO 283
Je leur dis brusquement :
? Vous n'allez tout de meme pas me raconter que
tout va comme sur des roulettes, gull n'y a pas d'accro-
chages entre vous, par exemple, que tout est facile?
us demeurent interloques, mais ils &latent encore
de rire :
C'est sfir, disent-ils, c'est silt%
? Oui, voila, dit Jamrozik, ii y a les copains polo-
nais et il y a nous, les ? Francais ? ; nous n'avons pas
les mercies habitudes, alors parfois ca grince
- Queues habitudes?
Hesitation, et puis, Jamrosik :
? Eh bien, nous autres, nous serious tent& un peu
de laisser-aller, de flemmarder, de tirer au cul.
Oui, dit le vieux Labuda, et il y en aurait qui
voudraient d'abord soigner leur betail ou leur basse-cour
avant de s'occuper du travail de tous, a commencer par
ma femme, avec ses 150 ponies, ses quatre cochons et
ses deux vaches. ca n'est pas juste 1 Et nous tenons a.
faire,,des discours, nous, les ? Francais ?, pendant le
travail. Mais, ca se rode. Ce qui nous manque surtout
ce sont deux ou trois cam ionnettes et quelques tracteurs.
Il nous faudrait aussi recevoir plus d'engrais. Nous
savons que tout cela va venir ; le journal annonce
61.000 tracteurs de plus pour 1955 et plus d'engrais
chimiques. Nous y croyons Nous, nous sommes l?
depuis 1947 et nous avons Pu voir que ce qui est
annonce se realise. On avance toujours.
Quant a Julia Lorenska, une jolie blonde, petite et
bien en chair, aux joues rouges de sante, 21 ans, elle
apporte une autre conclusion :
? En France j'ai ete recue premiere a mon certi-
fica.t d'etudes ; j'aurais a continuer mes etudes, mais
on ru'a dit qu'etant flue d'etranger, cela ne m'etait pas
possible. Si j'avais &to dans b Polone d'aujourd'hui,
aAlrait 60. aIltrenient,
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284 LA POLOGNE
Tout cola, je l'ai vu et entendu dans les voievodies
du Nord. En Pologne, ii y avail, en 1950, mule coope-
ratives de production du type de celles quo j'ai visitees.
Francis Cremieux vans park.
FRANCIS CRPAIEUX en a vu d'autres en Mazovie et dans
I les territoires recouvres. Il a ainsi rendu c,ompte de
l'une de ses visites 'dans la revue de l'Arnitie franco-
polonaise, Peutles Arnis
A Pszenno, 1.5oo habitants, a quatre kilo-
metres de Swidrnica (28.000 habitants), voie-
vodie de Wroclaw. Ii y a a Pszenno une coope-
rative paysanne de production agricole. Cette
cooperative a tine histoire. ,
Le rer janvier 1948, 56 Polonais de France,
venant de la region de Laon (Aisne) arrivent
en Pologne. Bagages : une valise. 16 families,
35 travailleurs dont 33 ouvriers agricoles, un
arpentier et un artisan. C'est en France qu'ils
ont decide de partir en groupe et d'exploiter
une cooperative. Enonnes difficultes a larri-
vCo les organisations locales (syndicats agn-
toles, Entr'aide paysanne, mairie, etc.) etaient
dominees par les paysans riches et leur clien-
tele. Le groupe est disperse dans piusieurs loca-
'Res eloignies les unes des autres. Pas question
de creer une cooperative. Ii faudra amener ces
bonshommes a la. raison! Mais les bonshommes
no se decouragent pas. Bs maintiennent be con-
tact entre eux ; certains sont employes chez des
paysans riches; en trois mois, its reunissent
130.000 zlotys, achetent deux vieux chevaux
l'armee, puts us s'adressent an Parti ouvrier.
L'Etat lour donne un dornaine de 120 hectares.
Chaque famine est proprietaire de quatre hec-
tares. La cooperative est formee. Chaque pro-
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NEBROWO-MALE, GNOJEWO, PSZENNO 285
prietaire peut, a chaque instant, quitter la
cooperative et garder ses quatre hectares. Nous
sommes en mars 1948. Les terres &talent soi-
disant labourees par les anciens exploitants
? (paysans moyens). En fait, les labours avaient
6te sabotes. Un contrat est passe avec la sucre-
rie voisine qui fournit argent et engrais
d'avance. La cooperative se debrouille. Les en-
g,rais destines a la betterave seront mis sur le
ble (l'Etat a avance la semence). A la moisson,
40 hectares sont moissonnes, plus 30 hectares
de seigle. La cooperative a achete a credit un
tracteur, la station de machine a prete une fau-
cheuse.
A la fin de l'annee 1948, chaque membre de
la cooperative a touch?00, 500 zlotys par
jour ; le benefice de la cooperative s'eleve
3 millions de zlotys.
Les benefices sont investis dans la construc-
tion de maisons individuelles, la reparation de
canalisations, l'achat de betail. LrEtat ouvre
des credits a long terme, donne du betail, pro-
cure des contrats avantageux. Fin 1949, la
cooperative a realise dix millions de benefices,
20 pour cent vont au renouvellement du mate-
riel, 5 pour cent an fond vieillesse, 5 pour cent
sont attribues au fond de voyage. Il reste sept
millions. Pour la periode du Icr mars au r?1'
d?
cembre 1949, chaque menage a touch?91.000
zlotys. La part de chacun est calculee selon le
nombre de journees de travail effectuees. tine
norme a ete etablie. La norme de chaque jour-
n?de travail represente 'moo zlotys. Si, en
trois journees, un membre de la cooperative
execute la norrne de quatre journees, il sera
paye pour quatre journees, ce qui explique quo
certains aient travaille 50 jours dans le mois.
En decembre 1949, chaque famine avait ses
cochons, sa basse-cour, son potager, son ver-
ger en toute propriete. Onze familles avaient
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286 LA POLOGNE
leur maison ; cinq families etaieUt encore !ogees
dans l'imnaense Senile de l'ancien proprietaire.
Le chmpentier Arthur Polansky qui, jusqu'en
1947, habitait a Verneuil-sur-Serre, par Baron-
ton-Bugny (Aisne), a touch?u Ier mars au
31 decemore 1949, 212.000 zlotys, 6.0o0 kilos
de pommes de terre, 400 kilos e ble. Mais les
comptes ne sont pas finis; a la fin de 1949,
II devait toucher 30o.000 zlotys de salaires, plus
180.000 zlotys de postage de benefices, plus
les pommes de terre et le ble. Charles Denis, le
Beni Francais de requipe, de Liesse (Aisne), est
dans le merne cas. Dans les etables, impecca-
blement propres, j'ai vu 40 hetes a comes, 13
chevaux et 40 pores, propriete de la coopera-
tive. Comme le dit Denis en me qpittant
- jomats, en France, je n'avais eu quatre
cochons moi. Bientot, j'aurai ma maison
? Mais vous allez tous devenir des capi-
talistes ?
? Des cagitalistes, je no dis pas, mais on
va pouvoir vivre en ravaillant !
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CHAPITRE VI
LISEWO, OU UN COMPLEXE
DE NEUF FERMES D'ETAT
Lisewo.
Nous sommes revenus sur Tczew. Pour nous rendre a
Nebrowo-Male, il nous a fallu franchir la Vistule. A
ceux qui voudraient laisser entendre qu'on ne re-
construit et qu'on ne construit qu'a Varsovie, l'immense
double pont, route et chemin de fer, qui est sur le point
d'?e termin6 a Tczew, apportera un dementi de poids !
Triple pont, devrais-je dire: un peu plus en aval, on
construit le troisierne, celui de l'autostracle. Puis nous
avons suivi une route fort pittoresque, longuernent bor-
dee de tilleuls et qui traverse par moments de charmants
bois de pins.
C'est dans cette partie du voyage que j'ai vu des
champs de mais et un nombre invraisernblable de champs
? de tabac, aux plants luxuriants et mordant haut, avec
toutes leurs feuilles. Nous avons pass? Malbork oa un
Muse de l'Armee sera install e dans l'ancien chateau
reconstruit.
Puis, nous avons atteint Lisewo.
Un type de grande ferme ; batiments au plein soleil,
demeure du ? maitre ? cachee dans un bouquet d'arbres.
Au bas du perron nous attendait un homme jeune, de
haute et large stature, cheveux blond-roux : Mieczyslas
Tomczyk, le directeur giSneral d'un ensemble de neuf
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288 LA POLOGNE
fermes d'Etat ; au total, 560 hectares, dont 33 en patu-
rages et 527 en culture betteraves sucrieres. colza,
seigle, orge d'automne, pavot.
Nous voici dans le bureau du directeur general ; meu-
bles clairs, cartons verts, des cartes, des graphiques ;
aucun exces de paperasses. A la tete du complexe des
neuf fermes, se trouvent le directeur general, le techni-
cien agricole, le technicien zoo-technique tin comptable,
un aide-comptable, un secretaire, une dactyl?, un cais-
sier, des brigadiers ou chefs d'equipe qui conduisent le
travail de 130 ouvriers, dont 63 permanents; le reste
vien.t tri renforr pour les gros travaux. Toute la main-
d'ceuvre est fournie par l'Office du travail.
L'ouvrier agricole.
Q
'ELLE est la situatoin de l'ouvrier agricole dans la
Lige ferme d'Etat ?
L'ouvrier agricole prive recoit 6.000 zlotys par
mois et la nourriture ; l'ouvrier de la ferrite d'Etat, pour
zoo pour cent de norrne, touche 14.000 a 16.000 zlotys
et la. nourriture. 11 va de soi que s'il depasse la norme,
sa situation s'ameliore, II beneficie de la cantine qui
existe obligatoirement. Il est loge dans tine inaison a
part ; on lui foumit les draps, le coussin. la vaisselle, etc.
Si le travail qu'il fait d'habitude est salissant, l'ouvrier
toddle des vetements de travail, du savon.
? Tous nos ouvriers ont droit a deux sernaines de
conge par an, me dit Ie directeur ; us se rendent avec
'curs families dans les maisons de repos de l'Entr'aide
paysanne. Le voyage aller et retour, la pension, sont
/Ayes par nous. Nous vendons a tons nos travailleurs les
produits de la ferme au prix oU ces produits sont livres
aux cooperatives.. c'est-a-dire a un prix inferieur au prix
de vente chs Cooperatives.
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LISEWO
289
? L'ouvrier est automat iquement inscrit a la Securite
sociaie, alors que ce n'est pas toujours le cas pour l'ou-
vrier Agricole prive. Le medecin passe une fois par
semaine dans chaque ferme et ses soins sont gratuits.
Si l'ouvrier va a l'hOpital, les frais sont regles a 'coo pour
cent pendant trois mois par nous, le salaire est regle
Ivo pour cent par la ferme, toujours durant les trois
premiers mois. Apres, c'est l'Action sociale qui inter-
vient pour le reglement a :coo pour cent toujours, jus-
qu'?omplete guerison.
Le technicien agricole du ? complexe ?, Victor Modze-
lewski, un jeune, et qui pane francais, me dit :
Supposons un ouvrier menace de tuberculose;
nous avons eu comme cel a un brigadier, un chef d'equipe
Si vous voulez. Le medecin lui conseillait un changement
d'air ; nous avons Pu le changer de poste et le diriger
dans la region dont le climat allait aider a sa guerison.
- I.'ouvrier est-il libre de partir, de quitter le tra-
vail de la ferme?
- Oui, ii suffit qu 'ii donne un preavis de trois mois ;
s'il y a urgence a son depart, ii peut partir avant. Sur
800 personnes que nous avons employees dans nos
fumes depuis janvier, ane douzaine seulement ont
demande a partir. Au contraire, nous avons beaucoup
de demandes de travail et_ que nous ne pouvons pas
toujours satisfaire.
Avez-vous assez de logements pour tous vos
ouvriers
? Non, mais nous construisons, l'Etat nous a alloue
un credit de dix millions pour nos maisons d'habitation.
Fonction de la ferme d'Etat
QUELLES sont vos cultures importantes ?
? Le colza, le ble, le seigle, l'orge que nous semons
en automne, le pavot dont les graines donnent de l'huile
19
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?
290 LA POLOGNE
et entrent dans la confection de nos gateaux; l'huile
de pavot (tit meilleure que cello de colza. Nous devons
forcer sur le froment et l'orge, accroltre la production de
58 pour cent pour le froment et de 90 pour cent pour
Forge. et cola par le rnoyen de Faccroissement du ren-
dement a l'hectare. Nous augmentons la production du
seigle de 2 pour cent et celle de l'avoine de 21 pour cent.
On attend beaucoup anqsi du cOte des plantes dites
industrielles. i.e plan de six ans prevoit Faccroissement
de 63 pour cent de la production des bettera.ves a sucre,
134 pour cent de la production des plantes ?Magi-
neuses, de 72 pour cent pour les plantes textiles. Nous
devons toutefois faire plus au cours de ces cinq annees
venir pour la production animale que pour la pro-
duction vegetale. II nous faut un plus fort cheptel, plus
de lait, plus de beurre, c'est pourquoi it s'agira d'eten-
dre la culture des plantes fourrageres. Vous comprenez,
nos regions industrielles oat besoin de nos produits.
n Nos terres sont grasses. Il faut savoir qu'elles se
trouvent a i m. 50 au-dessous du niveau de la mer. En
1945, les Allemands, dans leur retraite oat fait sauter
les digues ; le domaine s'est trouve inonde ; la terre otait,
tout de suite apres, incultivable. Ajoutez a cela que tout
le materiel ancien avait disparu. Nous avons asseche,
nous avons fume, un materiel important a ete constitue;
nous avons d aussi reconstituer toute la cavalerie. Nos
rendernents actuels sant satisfaisants : le ble est passe de
19 quintaux a l'hectare avant la guerre a 28 et meme
32 quintaux, le colza, de 12 a 18, Forge, de 18 a 29,
l'avoine de 16 a 26, la betterave, de 130 a 280.
- oa va votre production ?
? A la cooperative d'achat qui nous regle toutes les
fins de mois par le canal de notre compte en banque.
? Payez-vous des imp6ts ?
Un seul, sur la surface cultiWT.
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Listwo 291
- Quels sont vos rapports avec les cooperatives de
production ?
? Nous louons nos machines aux cooperatives ; nos
,techniciens visitent celles-ci ; nous foumissons nos &ta-
lons, les graines de semence. Notre section culturelle :
ballet, orchestre, troupe theatrale, chants, donne des
representations regulieres dans toutes les cooperatives.
Lorsqn'une nouvelle cooperative se constitue, c'est la
fermer d'Etat qui fait le plan de travail.
Vous occupez-vous du pa.ysan inclividuel ?
C est surtout pour lui que nous sommes faits. Il
suit nos travaux avec interet, ii vient demander des
conseils et souvent memo un coup de main, une aide
que nous n'hesitons jamaic a lui donner.
? Avez-vous des ceuvres sociales ?
- Oui, entre autres un centre medical pour l'ensem-
ble des families des neuf fermes. Une infirmiere s'y tient
en permanence ; le medecin est a la disposition des
'naiades une fois par semaine, de 8 a 9 heures. Si besoin
est, le medecin visite les malades toutes les fois qu'il
le faut. Tous les soins sont gratuits. Dans un autre ordre
d'idee, nous avons monte un cours de couture et un
autre d'agriculture elemcntaire. N'importe qui peut
frequenter ces cours.
Cheptel.
Nous sortons dans la grande cour. J'allume une ciga-
rette. On me demande de l'eteindre : il est defendu
de fumer dans la cour de la ferme.
Nous visitons les ecuries : 63 hollandaises, pour le lait
seulement. On me montre un 'Atelier a meme le sol qui,
avec un systeme mecanique de va-et-vient perrnet de
servir le fourrage sans deranger aucune bete. La nour-
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292 LA POLOGNE
riture West d'ailleurs pas uniforme, ni en quantite ni
en (plait& On tient compte, dans l'etahlissement des
rations, de la race et de la quantite de lait donnee par
chaque vache.
Void les chevaux, des danois, des suedois. je park
avec le technicien zootechnique. 11 me dit vient de
visiter une cooperative de production oa il a dresse un
plan de travail pour un an. n s'agit de multiplier le chep-
tel et de penser & sa nourriture.
Lisewo possede un hams. Les italons sont importes de
Hollande ou de Norvege; ils l'etaient auparavant d'Angle-
terre. Le materiel fetninin est d'ici; cela fait des individus
adaptes au climat. Des chevaux ont ? naguere importes
de Norvege, du Danernark, a present on n'irnporte plus.
? Nous vivons dans cc secteur en autarcie ?.
Des b?, selectionnees sont vendues aux cooperatives
de production aussi hien qu'aux paysans individuels.
Les neat fermes d'Etat possedent a present tine cava-
lerie de 600 tetes. L'ambition dii technicien-zootech-
nique ? ? Que toutes les jt2ments soient couvertes ?. (11
faut se rappeler que la Pologne a perdu dans la 'guerre
1.900.000 chevaux). A ce jour, cot ideal est pret d'etre
atteint : sur 93 juments, 86 ont ete couvertes par des
etalons norvegrens.
je demand? a mon interlocuteur :
? Les tracteurs, les camions, les camionnettes tie
vont-ils pas permettre d'avoir moms de chevaux?
- Une bonne mvalerie fera toujours besoin a ragri-
culture la plus modernisee.
? Que faisiez-vous avant la guerre?
- Veterinaire, naturellement, mais bien qu'aimant
ma profession, je vivais assez difficilement.
? Etes-vous content de votre situation actuelle ?
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LISEWO 293
J'ai vingt-cinq ans de m?er; aujourd'hui
j'eprouve les plus grandes satisfactions de mon exis-
tence et je vis dignement.
Biala-Gora.
Nous nous rendons vers rune des neuf fermes. rad-
mire les champs de pavots, gris mauve, moires sous
la brise. Les betteraves ont bien pousse. Dej?e ble est
haut et dru, ? propre ?. Ii n'en a pas ete toujours
ainsi au cours de notre ranclonnee. Ii y a encore des
champs de ble avec des taches comme une pelade qui
aurait detruit par places une chevelure maigre.
On s'afflige devant un spectacle pareil, Wojtas sur-
tout, qui me dit presque avec colere :
Ble pas propre.
Nous pensons cependant que, rannee prochaine, II y
aura mains de taches de mauvaises herbes sur les champs
de ble de rologne et que, dans un avenir prochain
n'y aura plus de mauvaises herbes du tout. Les paysans
individuels ne mettront pas longtemps a comprendre la
necessite de la cooperation. Les tristes conseils des kou-
laks et des pretres reactionnaires n'empecheront pas le
bons sons des gens et leur patriotisme de remporter.
Nous voici a la ferme de Biala-Gora, ? la blanche
montagne ?. Ii n'y a pas de montagne, mais ii y a
dans Ia, cour un train de chariots imposants. ca a du
pittoresque. Tous ces chariots triangulaires revenant de
la moisson, charges de foin ou de gerbes ca doit etre
tres beau. Mais cette beaut6-la se pale tres cher. Elle se
pale en temps precieux, en sueur multipliee, en eros
efforts de muscles. Et ca demande beaucoup de b?s
de trait. Alors, que cette beaute virgilienne s'en aille.
Qu'arrivent les lourds et puissants camions ! Une beaute
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294 LA POLOGNE
remplacera l'autre et qui cotttera moms de peine. Je
salue dans la cour de la ferme de Biala-Gora les trains
de chariots qui n'en ont plus pour longtemps t servir.
Et nous visitons le dornaine.
Mais tous les champs bien cultives se ressemblent,
toutes les &tries bien tenues, tons les hangars. toutes
les reserves a graines de semence.
Je m'interesse surtout au directeur de la ferrne d'Etat,
Nikolay Pypka. 28 ans, originaire de la partie de
l'Ulcraine qui est revenue A l'U.R.S.S. en vertu des
accords de Postdam.
Le pere etait petit paysan. Deporte A Dachau, il y
est reste
Quo faisiez-vous avant la guerre?
retais charretier.
- Apres la guerre?
- Charretier d'abord, puis brigadier. II y a sept
mois, j'ai ete norrune directeur. J'ai la responsabilite
de pres d'une centaine &hectares, et de tout cc que
cola suppose.
? Vous n'etes pas seul ?
- Oui, ii y a la direction du complexe qui nous aide,
qui nous conseille, qui nous envoie ses specialistes, et
puis II y a pour notre ferme proprement dite, autour
de moi, un comptable, un specialiste des questions de
norme pour le calcul des salaires, un magasinier, des
brigadiers ou chefs d'equipe. Ce n'est pas un m?er
de faineant et de sans-souci, ajoute Pypka .en souriant,
d'autant qu'avec tout cela ii faut encore s'occuper des
paysans individuels qui n'en finissent pas de venir vous
demander des conseils.
Derniere question A Mieczyslaw Tomczyk Avez-
vous des difficult& ?
Sourire.
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LISEWO 295
Nous sommes ferme d'Etat. Nous avons tout a
notre disposition pour hien travailler. Demain nous
aurons plus encore. Ii ne nous manque qu'une chose,
c'est qu'une journee ne dure que 24 heures ; malgre
cela, nous comptons realiser ici le plan de six ans avec
quelques mois d'avance.
? Quelques mois ?
- Oui, douze, car en a ffaire d'agriculture, on compte
pour l'instant par armee.
Essor de l'industrie, essor de ragriculture.
D
ms son rapport du 16 juillet 1950 au Comite central
du Parti ouvrier unifie de Pologne, Hilary Minc
commence ainsi son expos?u plan de six ans pour ce
qui touche a l'agriculture :
Le plan de six ans prevoit un developpement
general de l'agriculture polonaise. L'essor de
l'industrie des machines et de l'industrie chi-
mique, le developpement des sources d'ener-
gie creent une base pour la reconstruction de
l'agriculture, pour son equipement toujours
plus abondant en tracteurs et machines agri-
coles, en camions et carburant, en engrais syn-
thetiques et en electricite.
L'e,ssor general de l'agriculture est a son
tour indispensable pour assurer un niveau de
vie plus eleve aux populations urbaines.
A ces populations qui deviendront de plus en
plus importantes, ii faudra fournir des quan-
tites suffisantes d'articles de consommation,
ainsi que des quantites croissantes de matieres
? premieres pour l'industrie : le cuir pour la fabri-
cation des chaussures, la viande pour l'industrie
des conserves, le grain pour l'industrie meu-
niere, le En pour les filatures, la betterave pour
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LA POLOGNE
la production du sucre, la pornme de terre pour
les fkuleries, etc.
La periede de six ans verra la production
agricole s'accroltre de 50 pour cent par rapport
celle de 1949, qui cependant a ete une armee
de grandes rdcoltes. La valeur globale de la
? production agricole depassera ainsi de 29 pour
cent celle de la production agricole de la Polo-
gne d'avant-guerre, dans ses anciennes Unites
tenitoriales. La valeur de la production agri-
cole calculee par habitant sera, en 1955, plus
elev6e de 61 pour cent que exile de 1937 cal-
culee de la m.dme facon.
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CONCLUSION
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Ar? ETTE rapide presentation de la Pologne s'acheve.
Combien n'y aurait-il pas a dire encore! J'ai Si
peu pane,, par exemple, des terres recouvrees, et
si peu dit ce que devient la condition du travailleur dans
ce pays oa les prix baissent et oa les salaires augmen-
tent I Combien de details suggestifs n'ai-je pas dl. sacri-
fier !
? J'aurais pu" faire le classement raisonne des diverses
calomnies deversees a longueur d'ondes et de journees
sur la Pologne populaire. En bloc, on peut affirmer que
tout ce que disent sur la Pologne, sur les autres demo-
craties populaires et sur l'U.R.S.S., la presse, la radio
et les lilaellistes patentes de notre monde ? occidental ?,
n'est que mensonge. Ce mensonge devrait servir
empecher les braves gens de se rendre compte que ce
qui se fait ? la-bas ? prepare le bonheur des hommes,
maintenir chez nous l'infame exploitation de l'homme
par l'homme, a preparer les esprits a la guerre d'agres-
sion dont revent les imperialistes americains et leurs
hommes a tout faire. Le rideau de fer n'a 6t6 invente
ni par ni par les democraties populaires :
l'U.R.S.S. et les democraties populaires veulent des
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300 LA POLOGNE
&lunges culturels et economiques. Le rideau de fer est
une invention de Gcebbels.
Le capitaine de vaisseau Louis de Villefosse. 4( un
chrefien au sens de l'Eva.ngile, un honnete homme dou-
ble d'un technicien ?, ecrivait justeraent dans le numero
de la revue Esprit de mai 1950:
Chaque jour la tentation devient plus pres-
sante, dans certains milieux americains, de met-
tre un temie par la guerre a une experience
dont les incontestables succes economiques et
les realisations sociales eveillent des echos deplo-
rabies parmi les masses proletaires du monde
entier.
Les gouvenaants occidentaux oat peur de l'exemple
qui nous arrive de l'U.R.S.S. et des democraties popu-
laires. Us oat pour des grandioses reformes qui embellis-
sent la vie de ces peuples oa l'homme n'est plus exploite
par l'hornme. us ne veulent pas critter dans cette com-
petition pacifique qui leur est proposee et qui consis-
terait a demontrer quel est, de l'un ou de l'autre regime,
celui qui accorde le plus de sante, le plus de bien-etre,
le plus de culture, le plus de bonheur, celui qui exploite
le mieux, et pour des fins de bien-etre general, les
richesses de la nature, qui donne a l'intelligence toutes
sea chances.
Mon ambition n'etait que de dormer de la Pologne
une impression d'ensemble, l'impression d'un pays qui
est sorti enfin du malheur seculaire, l'impression d'ime
democratic qui va de l'avant avec sur les levres de tous
les sien.s des chants de travail et de paiX.
essaye anssi de montrer d'une maniere concrete
cc qu'est une democratic populaire. A travers les faits
et les textes cites, je souhaite que Von comprenne quelle
grande experience s'est d? accomplie en Pologne en
particulier.
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CONCLUSION 301
Le regime de democratic populaire cela veut dire le
pouvoir de la classe ouvriere conduite par le Parti corn-
muniste et alliee aux masses laborieuses des villes et des
campagnes. Ii y a la un Etat de periode transitoire
appele a assurer le developpement du pays dans la
vole du socialisme. Cet Etat s'edifie dans la collabo-
ration et l'a.mitie avec l'Union sovietique. Il fait partie
du camp democratique a.ntiimperialiste. La democratie
populaire et l'Etat democratique populaire ont ete ren-
dus possibles par la victoire de l'U.R.S.S. sur les forces
fascistes allemandes et aussi par la lutte des masses
populaires, sous la direction de la classe ouvriere, pour
la liberte et rindependance nationale.
Le regime de democratic populaire assure les fonctions
de la dictature du proletariat pour liquider les elements
capitalistes et organiser l'economie socialiste.
II peut briser la resistance des capitalistes
et des gros pioprietaires fonciers renverses,
etouffer et liquider leurs tentatives pour res-
taurer le pouvoir du capital. Il peut organiser
la construction d'une industrie sur la base de
la propriete collective et de Feconomie
plani-
nec. Le regime de democratie populaire sera
egalement en ?t de triompher des elements
capitalistes dans les campagnes et d'unir les
masses fondamentales des travailleurs autour
de la classe ouvriere dans la lutte decisive
pour passer au socialism 1,
11 s'agit pour l'Etat democratique populaire de
(-( poser les fondements economiques et culturels de la
future societe socialiste ?.
ajouter que la democratie populaire est pour
l'intemationalisme proletarien et que pour elle le natio-
1. Georges DimirRov, Rapport politigue du Comite cen-
tral cm u Parti ouvrier (c.) bulgare, 18 decembre 1948.
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302 LA POLOGNE
nalisme, quel que soit le masque sous lequel il se cache,
est l'ennerni a denoncer et cornbattre avec vigueur.
Tito est !Instrument des fauteurs de guerre. Tito est un
ennemi des peuples et d'abord du sien propre.
Mais ii ne pent y avoir de marche au socialisme ?
car, insistons bien : la democratic populaire n'est pas
une fin mais un passage -- si le peuple n'intervient pas
directement dans le gouveniernent et l'administTation
de la chose publique. D'oa l'institution dans les demo-
craties populaires de conseils populaires.
Sans conseils concus comme base politique
de la classe ouvriere, on pcut en democratie
populaire exercer la dictature du proletariat, on
peut entreprendre la construction des bases du
socialisme. Neatunoins, il est impossible d'ache-
ver la construction du regime socialiste sans les
conseils qui sont la forme d'Etat de la dictature
du proletariat (Waclaw Morawski).
Alois qu'en France la democratic bourgeoise se vide
vue d'mil de tout contenu positif, qu'elle viole sa
propre legalite et qu'elle tend au fascisme et a. la guerre,
en Pologne sont toujours plus renforces les liens entre
le pouvoir et les masses. La democratic, en Pologne,
tend uric participation reelle, toujours plus large et
plus pous.see, des millions de travailleurs a la direction
de l'Etat. Cette democratic ne pent que vouloir la paix.
La Pologne dont l'histoire aura connu tant de
malheurs devient un pays heureux et use giande nation.
Elle est trs normalement, tres sainement. jalouse de
son independance. Elle saura, s'il le taut, la defendre
contre toute agrtsion imperialiste. Elle veut cependant
entretenir de bonnes relations avec tous les autres peu-
ples. Elle reste fidele a son amitie pour le peuple de
France, quoi que fassent les gouvernants provisoires
de notre pays pour opposer un peuple a l'autre. Tout le
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CONCLUION
303
monde sait aujourd'hui chez nous que ces gouvemants
ne font pas l'interet de notre pays, mais qu'ils sont
au service de l'imperialisme americain. Tout le monde
'salt que le peuple francais ne fait pas la moindre
confiance a ces marchands de patrie. Ii veut rester et
restera l'ami du peuple polonais et de la democratie
populaire polonaise.
II existe chez nous une association, l'Amitie franco-
ipolonaise. Elle est presidee par 'Frederic JoHot-Curie
et, pourrait-on dire afissi, par Irene Joliot-Curie, la fille
de Marie Sklodowska,
Si cette association veut raffermir toujours plus l'ami-
tie seculaire qui a uni a travers toutes sortes de vicissi-
tudes historiques les peupl es de France et de Pologne,
c'est certeis parce qu'elle estime et qu'elle aime le peuple
polonais. mais c'est parce que, d'abord, elle vent l'inte-
. ret de notre pays.
Si elle veut que soient observes les accords culturels
signes en fevrier 1947 entre les deux pays et interrompus
de par la volonte de notre gouvemement, c'est parce
que les Francais tiennent a connaitre la culture polo-
naise qui, comme toutes les cultures nationales, possede
d'inestimables tresors ; mais c'est aussi et surtout parce
que la France d'abord a a gagner a ces echanges
pacifiques.
Si elle demande que les echanges economiques s'ac-
centuent entre notre pays et la Pologne. c'est parce que,
grace a ces echanges', nos usines disposeront d'un carnet
de commandes bien rempli et que cela fera l'interet de
nos ouvriers et de nos industriels.
Si elle proclame depuis sa fondation, qui date de
juin 1944, que l'Allemagne ne doit pas etre rearmee,
mais qu'elle doit etre denazifiee et unifiee, democratisee,
c'est que les Francais savent par l'experience de trois
guerres ce que signifie une Allemagne animee par 1' esprit
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304 LA POLOGNE
de conquete du prussianisme, dirigee par ces industriels
et ces banquiers qui finandffrent Hitler et furent en fin
de compte les premiers responsables de ses crimes. Id
encore, c'est l'interet de la France qui inspire et dirige
Faction de 1' Amitid franca-polonaise.
C'est ce memo interet qui fait dire a l'Arnitie franca-
polonaise qu'une entente entre la France et la Pologne,
entente reelle, c'est-i-dire se verifiant dans les faits,
qu'une alliance entre la France et la Pologne, est pour
le monde une certitude de paix.
S'etonnera-t-on que des Francaises et des Francais
de toutes conditions sociales, de toutes ideologies, de
toutes confessions viennent a 1' Arnitie franca-polonaise?
et quo le Comite directeur de cette association rassemble
le mineur et racademicien, le metallurgiste et le profes-
sour au College de France, le cure et le pasteur, l'artisan
et l'ingenieur, la simple menagere et cette grande mili-
tante de la paix qu'est Eugenie Cotton?
Si cc livre, lecteur francais, lectrice francaise, vous
amene faire partie de franca-polonaise pour
y mener le combat de la vetite, de l'interet national et
de la paix, il aura atteint son but.
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TABLE DES MATIERES
PREMItRE PARTIE
L'EPOPEE VARSOVIENNE
CHAPITRE PREMIER. -- La vale assassinde
Pologne d'hier et d'aujourd'hui
Pologne colonisee .......... .......... .
II
ii
13
Arrive a Varsovie (avril 1946)
16
La ville assassinee .
17
Le livre de tqutes les pertes
19
Les txagiques moments de Varsovie
21
CHAPITRE Il. ? 1946, la vine renait de ses cendres
25
Le retour dans la, ville
25
Transports 1946
26
14rchandises et marches
29
Colonies d'enfants, ecoles
32
Diplomates
33
Hommes nouveaux
35
CHAPITRE La Wile reconstruite
37
Warszawa 1.
37
Varsovie la nuit
39
LOS c restes du caf?ajewski
42
Une institutrice francaise, un gars du bati-
ment de Paris
45
Arcnitectes polonais
47
20
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306
LA POLOGNE
CHAPITRE IV. ? Insmeubks, cites, quartiers, des
mots qui wit change de sens
Le sens des mots
Le caf?e lecture
fl reste beaucoup a faire
fl y a plan et plan
La gaiete ? C'est pour aujourd'hui
49
49
52
56
57
59
CHAPITRE V. ? Gornoskiska 45 ou le Bureau d'Ur-
banisme de Varsovie 62
L'atelier du Pere Noel 62
Vue cavaliere de la Varsovie d'avant-guerre 64
Dedie a M. Claudius Petit 66
Une capitale socialiste 68
Les beaux quartiers ? Pour tous 70
Ville industrielle, propre, silencieuse 71
Transports 74
Et voici le Parti ouvrier unifie 76
CHAPITRE VI. ? Le manifeste de juillet 8o
Ptte nationale 8o
II y a de la joie 82
La Maison de la Parole 85
Le manifesto de juillet 92
CHAPITRE VII. ? Sur le chemin du socialisme ou
le laxgage des plans
97
DEITICItME PART'S
DE KATOWICE A ZAKOPANE
CHAPITRE PREMIER. ? Minans de Katowice.... 105
Katovice, vile noire
Le syndicat des mineurs et le mouvement
d'imulation 1o6
La chaste du mineur ............
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TABLE DES MATIERES 307
Modernisation du bassin minier 112
Les mineurs, joliot-Curie et la litterature 114
CHAPITRE. II. ? Frontieres 117
CHAPITRE III. ? Le pre'ventorium de Paczkow 127
A la table de la Mere Superieure 127
Le preventorium de Paczkow 130
La sur cuisiniere et son enfer bourre de
provisions 132
CHAPITRE IV. -- La Maison de la Culture de Kato-
wice
Tout cela est fait pour l'homme
Une bibliotheque vivante
Variations sur le genie, la musique et le peuple
CHAPITRE V. ? Zakopane; le souvenir de Lenine
et les syndicats polonais
De Cracovie a Zakopane ou le souvenir de
Lenine 144
Les chevaliers sont venus
L'Union des syndicats polonais
La section culturelle de l'Union des syndicats
134
134
137
140
144
TROISIEME PARTIE
DE ZAKOPANE A LA BALTIQUE
148
149
154
CHAPITRE PREMIER. ? La vale aux 76 Oases et la
Nouvelle Forge 161
La ville des rois de Pologne 161
Eglises et fideles 165
L'Etat et l'Eglise 168
Le Wawel et... la salle de bain du bourreau 170
CHAPITRE II. ? Cracovie revolutionnaire 173
La Revolution dans le palais 173
Presence de Lenine 178
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308 LA POLOGNE
La victoire de Staline /80
La place publique educatrice 182
A l'Armee rouge liberatrice 184
Les bfitisseurs de Nowa-Huta 185
CRAPITRE III. ? Les hornmes, la.geographie et le
travail force 190
Formation des cadres et de la main-d'ceuvre
specialisee
190
La geographie elle-mtme /97
Le travail force, le rideau de fer et l'eglise de
Mogila
/99
CLIAPITRE IV. ? Gdansk, Gdynia, ports polonais 203
Gdansk, vieille vile polonaise 203
Dans les ports de Gdansk et de Gdynia, un
seul cargo francais 205
La Maison du mann 212
CRAPITRE V. ? Sopot. Les arts, les lettres et Ia
jeunesse 2/5
Le fonds des loisirs 215
Les expositions de Sopot 217
La reform scolair' e 220
Le sort des ec.rivains et des artistes 224
L'Union de la jeunesse polonaise 227
QUATRIk.ME PARTIE
CAMPAGNES NOUVELLES
CRAPITRE PREMIER. ? La terre d ceux qui la cul-
tivent
La terre avant la reforme
La reforme agraire
233
233
238
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TABLE' DES MATIERES
309
CHAPITRE II. -- Une autre glebe, un autre homme
(Miedzeszyn)
Dirigeants, saboteurs et nouveaux respon-
sables
Le centre de Miedzeszyn
Biographies parlees
Le ble a leve
245
245
246
248
253
CHAPITRE III. -- Une autre glebe, un autre homme
, (Seroki et Teresin)
255
La terre, c'est sr.. . rnais il faut aussi changer
l'homme
255
Maison nouvelle, village nouveau
256
Seroki et Teresin
258
CHAPITRE IV. ? Une cooperative de production:
Kulice
262
Albert Wojtas, un ? Francais ?
262
Sur la route de Kulice
263
Cooperative de production, pourquoi ?
267
Kulice
268
Salle de jeu, graphiques et normes
270
CHAPITRE V. ? Nebrowo-Male, Gnojewo, Pszenno.
275
Lievre ?... non, Koulak
275
Salut a la Croix-en-Brie l
280
Francis Cremieux vous park
284
CHAPITRE VI. ? Lisewo, ou un complexe de neuf
fermes d'Etat
287
Lisewo
287
L'ouvrier a.gricole
288
Fonction de la ferme d'Etat
289
ChepteI
291
Biala-Gora
293
Essor de l'industrie, essor de l'agriculture
295
CoNcLusroN
297
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ACHEVE D'IMPRIMER LE
20 SEPTEMBRE 1951 PAR
L'IMPRIMERIE RICHARD
24, RUE STEPHENSON
PARIS - xvIIIe
DelaOtlegal. 3? trimestre i95t,
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CTAT
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